La Possession du Roi Démon Livre 2

Le premier flocon de neige de la saison tombait, annonçant silencieusement l'arrivée imminente de l'hiver - une histoire qui pourrait soit embellir le monde, soit l'assombrir.

Dans ce récit, au cœur d'une grotte obscure connue de peu, se dresse une vieille statue oubliée de tous.

Son origine reste un mystère. Certains la croient façonnée par l'homme, d'autres lui prêtent une nature maléfique.

Une légende glaçante raconte qu'elle fut autrefois une femme ayant commis un acte terrible. Pour la châtier, on l'aurait changée en pierre, condamnée à l'immobilité éternelle.

Mais d'aucuns estiment que cette punition n'était pas simplement cruelle. Ils la jugent méritée, au vu de ses méfaits.

On murmure qu'elle renfermait une force maléfique. Si celle-ci venait à se libérer, elle pourrait tout anéantir.

C'est ainsi qu'elle fut pétrifiée, figée pour l'éternité.

Ces trois légendes anciennes, tombées dans l'oubli pour la plupart, nous poussent à nous interroger sur la vérité.

La statue de cette femme, prisonnière d'une pierre indestructible, demeure une énigme que nous ne percerons peut-être jamais.

La véritable réponse à ce mystère nous échappe.

Le vent sifflait à travers l'étroite ouverture de la grotte, semblant faire frémir la végétation qui enlaçait le trône de pierre depuis des siècles.

Et sur ce trône siégeait la figure de pierre. Ses yeux voilés semblaient sonder l'âme de quiconque la contemplait.

Telle une Méduse, elle donnait l'impression de pouvoir pétrifier ceux qui croisaient son regard.

Mais les plus hardis pouvaient lire deux histoires dans ses yeux immobiles.

La première contait celle d'une femme bienveillante à l'âme meurtrie, implorant qu'on la délivre de sa prison.

Comme si elle appelait à l'aide, suppliant qu'on vienne la secourir.

Mais ces mêmes yeux pouvaient aussi narrer une histoire bien plus effrayante.

Ils pouvaient révéler une âme maléfique aux desseins funestes.

Un seul regard suffisait à glacer le sang et à donner vie aux pires cauchemars.

Quelle que soit l'interprétation, ces yeux étaient comme des fenêtres sur l'âme de la femme de pierre.

Ils renfermaient une histoire, attendant quelqu'un d'assez courageux pour en percer les secrets et dévoiler la vérité.

Il y a vingt ans, un ange ressuscita, et avec lui, un nouveau monde - une nouvelle façon de vivre pour tous les êtres vivants.

Ce nouveau monde était paisible et harmonieux ; on la craignait, mais on la respectait profondément.

Un monde autrefois divisé en trois était désormais uni.

La vie avait changé à jamais.

« Damien ! » s'écria Grace, serrant ma main à en faire blanchir ses jointures.

Je sentais à peine mes doigts tandis qu'elle poussait de toutes ses forces, surmontant la douleur et l'épuisement pour mettre au monde notre petit trésor.

« Allez, un dernier effort », encouragea calmement le guérisseur, installé entre les jambes de Grace.

Elle prit une grande inspiration et poussa une dernière fois.

Un silence pesant envahit la pièce alors que nous attendions, le cœur battant, d'entendre les premiers cris de notre bébé.

Puis, comme par enchantement, Grace tenait dans ses bras un petit paquet emmailloté, le couvant d'un regard débordant d'amour.

Je m'approchai doucement, écoutant les pleurs se transformer en gazouillis, et aperçus une touffe de cheveux noirs.

Son petit nez et sa bouche en forme de cœur me remplirent d'une joie indescriptible.

Jamais je n'avais ressenti un tel besoin de protéger quelqu'un, hormis Grace, jusqu'à cet instant.

Je me sentais enfin complet.

Ma moitié, qui m'avait épaulé dans les moments les plus sombres, venait de m'offrir le plus beau des cadeaux.

Grace leva les yeux vers moi, le regard brillant d'émotion.

« Je te présente notre fils, Cerberus. Cerberus, voici ton papa », murmura-t-elle tendrement, une larme perlant au coin de l'œil tandis qu'elle déposait un doux baiser sur le front du bébé avant de me le confier.

J'apprenais encore à être doux et attentionné.

Je tenais mon fils, si minuscule que sa main entière pouvait à peine entourer mon petit doigt.

Sa prise était si délicate que j'en ris doucement.

Il était le premier dans la lignée pour devenir roi des anges et des démons.

Personne ne savait vraiment de quoi il était capable.

Nul ne connaissait l'étendue de ses pouvoirs ou ce qu'il pourrait accomplir.

Certains s'inclineraient devant lui par crainte ou respect, toujours fidèles.

D'autres, terrifiés, tenteraient de lui nuire.

Je donnerais mille fois ma vie avant de laisser quiconque lui faire du mal.

Il était le Démon des Ténèbres, au cœur pur, mais redoutable une fois provoqué.

Cerberus jouait avec un petit pensionnaire de l'orphelinat pendant que je donnais certains de ses vêtements devenus trop petits.

En six ans, bien des choses avaient changé.

Les orphelinats n'étaient plus ces endroits où l'on formait les enfants humains à servir les démons.

Désormais, les enfants de toutes origines y vivaient heureux, sans être contraints de se mettre au service de qui que ce soit.

« Merci, Grace. Tu as tellement fait pour ces enfants », me dit Adalie alors que je lui tendais le dernier carton.

« Ce n'est rien. Ces affaires n'auraient fait que prendre la poussière de toute façon », répondis-je avec un sourire.

Au fil du temps, Adalie avait décidé de consacrer son temps libre à aider les orphelinats.

Elle excellait en couture et passait son temps à confectionner de nouveaux vêtements avec Lisa, une amie du groupe de résistance.

J'avais l'impression que c'était hier que Lisa avait cousu ma robe pour le bal, le jour où Damien et moi avions découvert notre lien.

Cette journée avait marqué le début d'un nouveau chapitre de ma vie.

« Maman, regarde ce que j'ai trouvé ! » Cerberus accourut vers moi, un grand sourire aux lèvres, tenant un bâton presque aussi grand que lui.

Ses yeux étaient d'un noir profond, comme ceux de Damien, mais soulignés d'un fin liseré doré.

Ses longs cheveux noirs lui arrivaient au menton, et il souhaitait les laisser pousser davantage.

Il était le portrait craché de Damien, mais avait un tempérament très doux et patient.

« Oh là là ! C'est formidable, mon trésor », dis-je en feignant l'enthousiasme.

Depuis qu'il savait marcher seul, Cerberus adorait être dehors.

C'était mon petit aventurier.

« Je devrais y aller. Tu viens à la soirée d'inauguration de Robby et Ella ? » demandai-je.

Robby et Ella filaient toujours le parfait amour. Ils avaient une fille, Lily, qui venait de fêter son premier anniversaire il y a quelques semaines. Ils ouvraient leur propre bar, ce dont Ella avait toujours rêvé.

C'était étonnant, car elle n'appréciait guère les démons autrefois, mais à présent elle acceptait un monde où tous étaient sur un pied d'égalité. Si des démons tentaient de revenir à leurs anciennes habitudes, ils auraient affaire à Damien et moi.

« Je passerai plus tard. J'ai une commande de dernière minute de Mademoiselle Stanner. Cette femme a vraiment un faible pour tout ce qui brille ! » dit Adalie en riant.

« Damien, tu n'aurais pas vu mes... », ai-je commencé avant de m'interrompre en apercevant Damien qui tenait mes boucles d'oreilles en perles, un sourire fier aux lèvres.

« Merci », dis-je en les prenant de sa main.

Une fois ma toilette terminée, j'ai enfilé une superbe robe dorée longue, cadeau d'Adalie. La robe, conçue pour mettre en valeur ma silhouette avec un décolleté plongeant, remplissait parfaitement son office.

Damien était très élégant dans son costume noir rehaussé de fines lignes dorées.

J'ai senti des bras puissants enlacer ma taille par derrière, et j'ai frissonné de plaisir quand les lèvres de Damien se sont approchées dangereusement d'un point sensible de mon cou, près de ma marque.

« Tu es à couper le souffle », murmura-t-il d'une voix grave et sensuelle.

« Pas maintenant, Damien », dis-je, déjà émoustillée. « On doit y aller ; on ne peut pas se permettre d'être en retard. »

« Pas maintenant, quoi ? Je disais simplement à quel point ma reine est ravissante », plaisanta-t-il.

J'ai doucement dégagé ses bras de ma taille. Je me suis retournée pour lui faire face, ses yeux assombris par le désir, une expression que je ne connaissais que trop bien.

Je lui ai déposé un rapide baiser sur la joue avant de l'entraîner hors de la chambre vers le grand hall. Il fallait nous dépêcher pour ne pas être en retard.

En approchant de l'entrée, nous avons aperçu Ivan et Alice – l'épouse d'Ivan depuis dix ans – qui nous attendaient.

Alice était faite pour Ivan. Même avant que j'abolisse les lois sur l'utilisation des humains comme esclaves, divertisseurs ou travailleurs, elle ne pensait pas comme la plupart des démons. Elle était raisonnable, pragmatique et douée en politique.

Elle m'a beaucoup épaulée dans mon rôle de reine, ce dont je lui suis très reconnaissante. Même Ivan avait eu du mal à s'adapter aux nouvelles lois, ce qui avait rendu notre relation tendue quand j'ai accédé au trône.

Je pouvais comprendre pourquoi c'était difficile pour lui. Réaliser que quelque chose en quoi on a cru toute sa vie est faux peut être déstabilisant ; être aux commandes était tout ce qu'il avait toujours connu.

Je suis persuadée qu'Alice a aidé Ivan à commencer à soutenir l'unité de toutes les races, ce dont je lui suis infiniment reconnaissante.

À soixante-sept ans, Alice était encore jeune pour un démon, mais elle était très sage et bienveillante. Elle avait récemment découvert qu'elle pouvait déplacer des objets par la pensée, ce qui faisait d'elle un Démon Supérieur.

Alice apprend encore à maîtriser son nouveau pouvoir, mais elle progresse rapidement, donc je suis convaincue qu'elle sera aussi douée que n'importe quel autre Démon Supérieur avant la fin de l'année.

« On commençait à croire que vous n'arriveriez jamais », plaisanta Ivan avec un sourire amical.

« On a bien failli ne pas venir », dit Damien avec un clin d'œil. Je lui ai donné une tape joueuse sur la poitrine tandis que mes joues s'empourpraient.

Peu importe le nombre d'années qui passaient, il avait toujours autant d'appétit pour le sexe que lorsque nous nous étions rencontrés... bien que je sois pareille.

« Où est Cerbère ? » demanda Alice, l'air inquiet, comme si elle connaissait déjà la réponse.

Nous connaissions tous la réponse.