J.M. Felic
Aero
Je savais qu'elle accepterait mon offre. C'était une trop belle opportunité pour la laisser passer. J'étais si heureux que tout se soit bien passé qu'un petit sourire s'est dessiné au coin de mes lèvres lorsque j'ai quitté sa chambre.
Bizarrement, mon côté bestial hurlait de plaisir. Je ne comprenais pas pourquoi il se comportait ainsi, mais je supposais qu'il était heureux d'avoir à nouveau le contrôle de mon trône.
Le conseil allait passer un mauvais quart d'heure quand il apprendrait que je me mariais dans deux jours. Ils allaient sûrement me bombarder de discussions sur les petits et les héritiers.
J’allais les satisfaire pour l'instant jusqu'au jour où je chasserai cette femme de mon château.
Je n'avais aucune intention de passer les deux prochains jours avec elle. C'était inutile, même si elle allait devenir ma femme et ma Reine. Je suis resté à l'intérieur du château et j'ai fait mon travail habituel de Roi.
Elijah m'a aidé pour les préparatifs, ou pour parler franchement, il les a tous fait. Je ne me souciais pas du tout du mariage, les fleurs, la cérémonie, les invités, ou la garde-robe.
Je voulais juste en finir et me réinstituer en tant que souverain absolu de Phanteon et non soumis au décret de mon défunt père.
Bien que je lui aie strictement demandé de ne pas le faire, Elijah était assez enthousiaste pour me tenir au courant des activités de la femme au cours des deux derniers jours.
Avec le peu d'attention que je lui accordait, il m'a informé qu'elle était logée dans l'aile est du château.
Bien. C'était suffisamment éloigné de ma chambre, mais si j'avais été là lors du transfert, je l'aurais placée dans l'aile sud, le plus loin possible de moi.
Pour continuer, Elijah lui avait assigné le professeur le plus éminent du royaume pour enseigner nos coutumes et l'histoire.
Il avait également amené la plus habile couturière pour que la femme soit équipée pour sa robe de mariée et sa garde-robe quotidienne.
Bien sûr, les deux dernières idées m'ont fait frémir. Cette femme n'avait pas besoin de connaître notre histoire ou nos traditions.
Elle n'avait même pas besoin d'une garde-robe car je la renverrais dans son royaume juste après le mariage, le lendemain si possible.
Mais Elijah, avec un sourire trop suspect à mon goût, n'avait pas pris la peine d'écouter mes plaintes.
Il avait continué et m'avait rapporté d'autres activités de la jeune femme : une visite aux chutes d'eau les plus recherchées du royaume dans le nord, une petite promenade dans les marchés animés de Valence et de Cirelles, et une participation en tant qu'invitée spéciale à la Ma'tisste annuelle, une célébration de bienvenue de la première pleine lune de l'année.
Il y avait des chants et des danses, beaucoup de boissons et de nourriture, le tout culminant avec une transformation des personnes présentes et un hurlement unifié. J'avais demandé à Elijah d'y assister en mon nom.
Je n'avais pas réalisé qu'il l'utiliserait pour la présenter subtilement aux yeux du public.
Merde.
Elijah avait dit qu'elle était naturelle avec ses compétences de socialisation.
Elle semblait à l'aise pour parler aux Alphas de mon royaume et aux officiels de haut rang de ma cour présents à la célébration et avait même été vue en train d'aider aux tâches de domestiques dans la cuisine.
De manière réfléchie,
il ne l'avait pas laissé être témoin des transformations et du hurlement.
Mais si j'avais été présent lors de la célébration, je l'aurais laissée regarder, pour voir si elle avait les reins solides en voyant mes sujets se transformer en loup-garou.
Ça aurait été intéressant à voir.
Toutes ces discussions à son sujet m'avaient donné envie d'étriper quelque chose. Je détestais la façon dont elle marquait lentement ma terre de son empreinte. Encore une fois, si j'avais participé à ces événements, j'aurais pu
minimiser sa présence autant que possible, mais mon frère m'avait rapporté ces activités trop tard. Je le soupçonnais fortement de l'avoir fait délibérément.
Le matin du mariage, je me suis réveillé et j'ai trouvé l'atmosphère du château d'une jovialité maladive.
Les serviteurs, hommes ou femmes, se précipitaient partout quand je marchais dans les couloirs vers mon trône. Les servantes ne s’étaient même pas prosternées en me voyant passer, contrairement à avant.
Elles avaient juste baissé la tête et m'avaient laissé le champ libre jusqu'à ma destination.
J'ai senti que leur peur de moi était toujours présente, mais elle était moindre qu'avant, et je pensais que cela avait à voir avec la nouvelle de mon mariage.
Huh. Quelle absurdité.
Différentes espèces de fleurs blanches étaient présentes partout, mais elles étaient plus particulièrement nombreuses à l'intérieur de ma salle du trône. J'ai eu un frisson en les voyant. Elijah s'était vraiment surpassé.
Je me suis promené pour regarder la cour du château depuis le balcon du trône et j'ai vu des drapeaux de l'écusson du royaume suspendus à une ligne tendue attachée d'un coin du toit du château à un autre.
Je ne l'avais jamais vu de cette façon. C'était un look rafraîchissant, mais quand même, je voulais que ces drapeaux soient retirés une fois le mariage terminé.
En utilisant mon hyper-vision lycane, j'ai vu que l'amphithéâtre situé à quelques kilomètres du château était également orné. D'après mes souvenirs, le royaume organisait habituellement des mariages dans cet espace ouvert.
Je crois que mon père et ma pute de mère s'y étaient un jour mariés, et maintenant, j'y serais pour la même raison ce soir avec cette femme.
Une putain de femme.
Vu la force avec laquelle j'ai agrippé la balustrade, elle a craqué à la base. Cependant, c'était un déplacement insuffisant de ma colère qui bouillonnait dans ma poitrine.
Je voulais que ça sorte, alors j'ai fait la meilleure chose que je pouvais faire.
J'ai pris ma forme de lycan et j'ai couru hors de la salle du trône, hors des murs du château, hors de portée de voix, j'ai couru jusqu'à la plus haute montagne enneigée de Phanteon, et là, je me suis mis à hurler autant que je le pouvais.
***
Quand je suis rentré dans mon château, le soleil était déjà couché. Elijah m'a accueilli dans ma chambre avec un sourcil arqué, mais il ne m'a pas demandé où j'étais allé. Je savais qu'il avait une idée.
«Mon frère, arrange-toi», a-t-il dit d'un ton grave. «Ta fiancée t'attend déjà. »
«Donne-moi dix minutes», ai-je rétorqué. Je suis allé me laver dans ma salle de bains intérieure.
Quand j'en suis sorti huit minutes plus tard, j'étais tout beau. Même si je n'aimais pas porter l'uniforme royal officiel pour mon mariage, je n'avais pas le choix.
Si je devais créer le plus grand faux mariage que mon royaume n’ait jamais vu, je devais jouer le rôle et le jouer parfaitement.
L'amphithéâtre était bondé lorsque je suis arrivé en carrosse.
Les royaumes, après leur création, avaient choisi leur propre moyen de transport, et mon père avait choisi un moyen simple et respectueux de la nature, un véhicule mû par des chevaux.
Les loups-garous et les lycans pouvaient voyager rapidement, bien mieux que les chevaux, mais pour les occasions qui nécessitaient du panache et de la flamboyance, nous devions utiliser d'autres moyens de transport.
Je parie que cette femme avait été transportée du château à l'amphithéâtre en utilisant le même carrosse, et j'avais la forte impression que nous utiliserions le même transport plus tard.
L'idée de la voir dans cet espace confiné suffisait à me mettre de mauvaise humeur, mais une fois de plus, je devais me rappeler qu'il s'agissait d'un acte nécessaire pour convaincre mon peuple de l'union.
La foule a explosé d'acclamations lorsque j'ai débarqué. Je les ai salués et leur ai adressé mon sourire le plus habituel.
Ils étaient tous là pour voir un miracle, pour me voir me marier, pour me voir lié au sexe opposé envers lequel j'avais exprimé si constamment ma haine.
Ils devaient penser que j'étais un imbécile pour avoir finalement cédé au charme d'une femme, mais bizarrement, en scrutant leurs visages à la recherche d'un quelconque ricanement, je n'en ai pas trouvé. Je n'ai vu que des sourires authentiques et chaleureux.
Je n'avais assisté qu'à quelques mariages de loups-garous dans mes jeunes années avant de vouer ma haine à la population féminine. A cette époque, j'avais vu comment le grand prêtre officiait.
Me rappelant comment ça allait commencer, je me suis dirigé vers le coin le plus éloigné de la scène. Le marié était censé rester à droite et la mariée à gauche.
Ils devaient se retrouver à mi-chemin au centre de la scène, à un endroit éclairé uniquement par la lumière de la pleine lune.
Une fois arrivé là, j'ai posé mon regard sur la scène et j'ai vu ma future épouse se tenir royalement debout, vêtue de sa robe blanc pur et d'une coiffe en dentelle qui couvrait la plupart de ses traits.
Ses mains étaient jointes près de son abdomen, les épaules bien droites.
Pendant un instant, un sentiment de nostalgie m'a frappé, mais je l'ai chassé en un clin d'œil. Tout le monde a attendu que la lumière de la pleine lune se pose au centre de la scène.
Quelques minutes plus tard, le son des trompettes a retenti, suivi de l'apparition du grand prêtre, vêtu de sa robe vert émeraude et d'une coiffe de cérémonie rigide et pointue, ornée des insignes du royaume.
Il m'a jeté un regard, a baissé la tête en signe de déférence, puis a reporté son attention sur la mariée, s'inclinant également pour lui présenter ses respects.
Je l'ai vue rendre le geste avant que le grand prêtre ne nous fasse signe d'approcher du centre.
Une femme âgée se tenant à côté d'elle lui a fait signe de s'avancer. Quand elle l'a fait, j'ai fait de même jusqu'à ce que nous nous rencontrions tous les deux sous la lumière de la pleine lune.
Je n'ai pas pu saisir clairement son expression, mais d'après les brefs aperçus de ses yeux à travers la dentelle, elle semblait déterminée à en finir avec ce mariage.
Huh, le sentiment est partagé, femme.
Le grand prêtre a ensuite fait quelques gestes de la main et a commencé un verset assez long sur l'union entre un Alpha et une Luna, l'union entre un homme et une femme, et l'union entre deux personnes amoureuses.
J'ai presque craqué sur le dernier. Laissons-les penser que je me suis marié pour ce traître mot.
Il a aussi parlé au public des bénédictions de la déesse et comment cette union serait fructueuse et harmonieuse.
J'en doute fortement.
Il n'y avait qu'une seule chose dans mon esprit, et c'était l'accomplissement du souhait de mon père.
S'il voulait que je me marie et que j'obtienne une Reine, alors il l'obtiendrait; mais après le mariage et toutes ces activités insensées liées à la célébration, ce serait à mes conditions. Mon décret. Ma parole. Mes désirs.
Personne ne le contesterait.
La femme et moi sommes restés face à face, pendant que le grand prêtre continuait à blablater, mais quand le moment du rituel est arrivé, il nous a fait signe de nous tenir la main.