Je quittai la maison et me dirigeai vers le parking. Une fois suffisamment éloignée pour qu'Adam ne puisse me voir, je me penchai en avant, prise de nausée. Jamais auparavant je ne m'étais affirmée ainsi. Rien ne m'avait fait perdre mon sang-froid jusqu'à présent.
J'avais l'impression qu'un poids énorme avait quitté mes épaules. Cela me donnait le vertige et me retournait l'estomac.
« Tout va bien, madame ? » demanda une voix grave. C'était la même que j'avais entendue derrière moi pendant ma dispute avec Adam.
Je me retournai. C'était l'homme à côté duquel je m'étais tenue au bar. Celui dont j'avais pris la bouteille de bière.
« Oui, je crois. C'était beaucoup d'émotions en peu de temps », dis-je en expirant longuement. J'avais l'impression de retenir ce souffle depuis des années.
« Merci, au fait, ajoutai-je. C'était gentil de me laisser utiliser la bouteille et d'effrayer ce salaud. Adam a trop peur de se frotter à un homme. »
Je ris en disant cela. Pendant des années, j'avais gardé toutes mes pensées sur mon mari pour moi. Je savais qu'il était un lâche et ne se battrait jamais contre quelqu'un de sa taille. Je savais aussi qu'il ne s'en prenait qu'aux femmes - principalement moi.
Il incarnait tout ce que je détestais chez un homme - et plus encore. Il avait vraiment l'air de vouloir m'attaquer là-dedans. Je ne sais pas pourquoi j'ai pu penser un jour qu'il valait quelque chose.
Mais je devais arrêter de me mentir à moi-même. Il y avait eu une époque où je l'aimais profondément. Adam était tout pour moi, et il s'en était servi contre moi de manière terrible.
J'avais l'impression que cette liaison durait depuis plus longtemps que je ne le pensais. Ne l'avais-je pas vu ? Ou ne voulais-je simplement pas le voir ?
« Elle va bien, Wrench ? » appela une autre voix.
« Je crois. Probablement sous le choc », répondit l'homme avant de se retourner vers moi. « Vous voulez vous asseoir ? »
Je secouai la tête. « Non. Je dois trouver un moyen d'aller à l'appartement récupérer mes affaires. Ensuite, je dois réfléchir où je vais aller. »
La réalité de ce qui venait de se passer commençait à s'imposer. Je me sentais chancelante et regrettais d'avoir refusé de m'asseoir.
Le deuxième homme s'approcha lentement de moi, comme s'il ne voulait pas m'effrayer davantage. « Le club possède des appartements en bordure de la ville. Ils viennent d'ouvrir et il y en a de libres. On va vous en donner un pour y rester. Il n'y a pas de meubles, mais je suis sûr qu'on trouvera une solution. »
Voyant que je n'allais pas fuir, il me tendit la main. « Je m'appelle Reaper. Je suis le président du club. Je sais que ça peut paraître étrange qu'on veuille vous aider, mais c'est comme ça qu'on est. On ne voudrait jamais voir une femme de nos familles traitée ainsi. On protège ceux qu'on peut. »
Les larmes me montèrent aux yeux en écoutant cet inconnu me dire des choses dont j'avais besoin d'entendre. Quelqu'un voulait me protéger. Quelqu'un voulait s'assurer que j'avais ce dont j'avais besoin.
C'étaient des choses que mon mari n'avait jamais faites. Je n'avais pas entendu des mots aussi bienveillants depuis mon enfance. Jusqu'à présent, je ne réalisais pas à quel point j'avais besoin de les entendre.
Mais j'étais encore méfiante envers le club. Ils étaient nouveaux en ville. Enfin, « plus récents » que la plupart. La plupart des familles de cette ville étaient là depuis des lustres. Reaper disait les bons mots, mais je ne savais pas si je pouvais lui faire confiance.
« Je ne pourrais pas vous faire ça. Je suis désolée d'avoir causé des problèmes dans le bar », dis-je.
« Oh, ma belle, on ne vous demande pas si on peut aider. On vous dit qu'on va le faire. On veut aider », dit l'autre homme, Wrench.
« D'accord, mais je ne vous connais pas. Je ne veux pas paraître ingrate, mais comment puis-je savoir que vous n'allez pas me tuer et m'abandonner quelque part ? » En le disant, je savais que la question semblait stupide, mais c'était une vraie peur. Je n'avais jamais rencontré ces hommes avant aujourd'hui.
Reaper hocha la tête. « Vous avez raison, vous ne nous connaissez pas. Mais il y a une chose que nous, les hommes de Sinner's Pride, ne supportons pas, c'est de faire du mal aux femmes. Je connais quelqu'un qui a vécu une situation similaire à la vôtre, et la première étape pour se remettre de tous les abus que vous avez subis est d'apprendre à faire confiance à nouveau. Y a-t-il quelqu'un en qui vous auriez confiance pour vous retrouver chez vous ? »
Je me suis entourée de mes bras. Il touchait le cœur de mon problème - une des nombreuses raisons pour lesquelles je ne me sentais pas capable de partir jusqu'à maintenant. « Pas vraiment. Je n'ai pas beaucoup d'amis. Je ne suis pas toujours très sociable. »
« C'est à vous de décider ce qui est bon pour vous, dit Wrench. Mais sachez qu'on veut vous aider. On veut vous emmener dans un endroit sûr où vous pourrez vous reposer et planifier la suite de votre vie. »
Ils avaient raison. Je devais décider de la suite. J'ai rassemblé tout mon courage et j'ai acquiescé. « Merci. C'est très gentil à vous. »
« Je vous emmène dans la cage. Les gars amènent un camion », dit Reaper.
J'ai eu peur. « La cage ? » ai-je demandé en les regardant tous les deux. Dans quoi m'étais-je embarquée ?
Wrench a ri. « Il veut dire une voiture, ma belle. Je vous suivrai à moto. »
J'ai poussé un grand soupir et j'ai hoché la tête. J'ai suivi Reaper jusqu'à sa voiture et je me suis installée côté passager.
Le trajet en voiture fut silencieux après que j'eus donné à Reaper l'adresse de l'appartement. J'étais assise là, essayant de penser à toutes les choses que je voulais. À part mes vêtements, les choses que je cachais dans ma chambre étaient les seules que je voulais.
J'avais quelques secrets bien à moi, mais ils n'étaient pas mauvais. Rien à voir avec les secrets d'Adam. Au fond de moi, je savais que j'allais m'en sortir. Après des années à écrire mes histoires, j'avais maintenant l'argent pour subvenir à mes besoins. Mais j'avais d'abord besoin d'un coup de pouce pour passer de là où j'étais à là où je devais être.
Reaper s'est garé dans l'allée, un camion et une moto juste derrière nous. Quelques gars sont sortis du camion et ont pris des cartons vides à l'arrière. Une fois de plus, j'étais surprise par la gentillesse de ces gars envers moi - une parfaite inconnue.
Je les ai conduits à l'intérieur, et les hommes ont regardé autour d'eux.
« Vous êtes sûre que c'est le bon endroit ? On ne dirait pas du tout qu'une femme vit ici », dit Wrench.
« Je n'avais pas le droit de décorer. J'étais pratiquement juste une femme de ménage. » J'ai commencé à descendre le couloir, voulant faire mes bagages et partir le plus vite possible. « Ma chambre est par ici. C'est le seul endroit où j'ai besoin d'emballer quoi que ce soit à part la salle de bain. »
Les hommes se tenaient là, me regardant avec pitié. J'étais habituée à ce regard après toutes ces années de mariage. Tout le monde me regardait avec pitié, mais personne ne m'aidait.
La vie dans une petite ville n'était pas toujours aussi belle qu'on le dit. Les femmes restaient silencieuses, tandis que les hommes dirigeaient la ville.
Les hommes ont agi rapidement, et mes quelques affaires ont été emballées et chargées dans le camion en moins d'une demi-heure.
J'ai jeté un dernier regard à l'appartement avant de laisser mes clés sur la table et de fermer la porte derrière moi.
Je me sentais soulagée. Je me sentais libre. Je n'aurais plus à retourner dans la maison de l'homme qui avait rendu ma vie misérable.
Reaper s'éclaircit la gorge alors que nous étions dehors. « Vous allez rester chez moi et ma femme ce soir. Nous avons une chambre d'amis, et elle serait ravie d'avoir de la compagnie. »
Je voulais argumenter avec lui, mais je savais au regard qu'il me lançait que je ne gagnerais pas. Au lieu de cela, j'ai hoché la tête et lui ai donné le meilleur sourire que je pouvais.
Wrench bougeait d'un pied sur l'autre, les mains dans les poches de son vieux jean. « Demain, je vous emmènerai acheter des choses pour votre appartement et je vous aiderai à chercher une voiture », dit-il avec un sourire.
« Comment savez-vous que j'ai l'argent pour tout ça ? » demandai-je en haussant un sourcil.
« Ça n'a pas d'importance. Nous vous aidons à démarrer », dit-il en haussant les épaules.
Je les regardai tour à tour, lui et Reaper. « Je ne peux pas vous dire à quel point je suis reconnaissante pour tout ça. Mais je veux essayer d'en faire le plus possible par moi-même », leur dis-je.
Wrench m'adressa un sourire timide. « Je comprends, dit-il. Que diriez-vous de ceci ? Je vous emmène demain, et on travaille avec votre budget pour trouver des choses qui répondent à vos besoins. Et si vous avez besoin d'un peu d'argent supplémentaire sur le moment, le club vous le prêtera. Considérez ça comme un prêt. »
J'y ai réfléchi. Ça m'aidait de savoir que je pouvais m'en tenir à un budget et qu'ils ne me pousseraient pas à faire quoi que ce soit que je ne voulais pas.
J'ai fait un signe de tête à Wrench, et le sourire qu'il m'a rendu était très lumineux.
Sur ce, Reaper et moi avons dit au revoir aux hommes, et il m'a conduite chez lui. C'était une longue maison en briques qui semblait bien entretenue. Les parterres de fleurs étaient remplis de fleurs colorées, et sur le côté se trouvait un petit espace couvert entouré d'arbres.
« Votre maison est magnifique », dis-je en souriant à cette vue.
« Ma femme a fait tout ça. Ellie est une de ces personnes qui aiment les fleurs et passer du temps dehors. Je ne m'en souciais pas vraiment avant, mais je me surprends à passer autant de temps que possible ici, juste pour être avec elle. »
Il me conduisit dans la maison, et nous pouvions entendre de la musique. Je suivis Reaper dans la cuisine, où une grande femme aux longs cheveux bruns se tenait devant la cuisinière, remuant quelque chose dans une casserole.
Je ne la connaissais pas, et cela me fit réaliser que j'avais été tenue à l'écart de la communauté, mais pas d'une bonne manière.
Comme si elle nous avait sentis, Ellie se retourna et sourit. Elle serra Reaper dans ses bras, et il lui rendit son étreinte, la soulevant et la serrant fort.
Je me sentis jalouse en les regardant ensemble. J'avais toujours voulu ça dans ma vie, mais après tout le temps que j'avais perdu avec Adam, j'avais peur qu'il ne soit trop tard.
Reaper reposa Ellie, et elle se tourna vers moi.
« Vous devez être Sadie. Reaper m'a envoyé un message pour me dire que vous resteriez avec nous pour la nuit. Ne vous inquiétez de rien. J'ai préparé le dîner et j'ai même une bouteille de vin si vous voulez. On va se détendre et s'amuser ce soir. C'est vendredi, et ça veut dire pas de travail pour vous ! » dit-elle en me serrant dans ses bras.
Au début, je ne savais pas comment réagir à cette femme qui me serrait dans ses bras. La chaleur de son étreinte me fit sentir qu'il y avait plus dans le monde que je ne le pensais.
Adam m'avait empêchée de sortir, et je n'avais jamais eu le temps de parler aux gens. Avec le temps, mes amis d'avant mon mariage avaient arrêté d'appeler jusqu'à ce que je me retrouve seule.
Il acceptait que je voie mes parents, et je pense que c'était uniquement pour que nous ayons l'air bien aux yeux des autres. Avoir l'air bien était très important dans cette ville, et j'avais le sentiment que j'étais moins heureuse de mon apparence que je ne le pensais.
Après un moment, je lui rendis son étreinte. « J'adorerais ça, en fait. »
Après le dîner, Reaper partit s'occuper de quelques affaires du club, alors Ellie et moi avons ouvert le vin et sommes allées dans l'espace couvert à l'extérieur. Nous avons parlé de différentes choses pendant un moment, puis elle a finalement abordé la raison pour laquelle j'étais là.
« J'ai été là où vous êtes, et je vous promets que ça ira mieux. »
J'étais choquée. Elle et Reaper semblaient si heureux ensemble.
« Après vous avoir vue avec lui, je n'arrive pas à imaginer que Reaper... »
« Oh, non ! Pas lui, ma chérie. J'étais mariée avant de rencontrer Reaper. Mon ex me trompait pendant tout le temps où nous étions ensemble. Il a même eu des enfants avec l'autre femme, et j'ai cru que mon monde allait s'effondrer quand je l'ai découvert », dit-elle avec un sourire triste.
« Qu'est-ce qui vous a aidée à surmonter ça ? » demandai-je.
« Un homme vraiment bien. »
Mon téléphone émit un bruit, et mon cœur s'arrêta quand je vis un message de l'homme qui avait fait de ma vie un enfer.
