Un bourdonnement incessant résonnait dans ma tête. Des voix, lointaines et floues, m'entouraient. « Qu'est-ce qui lui arrive ? » demanda une voix masculine familière mais qui semblait venir de loin.
Une serviette fraîche passa sur mon front. Ça faisait du bien. « Elle va bien, elle a juste perdu connaissance. Son cœur bat vite et elle transpire un peu, mais je ne vois rien d'autre d'anormal. On dirait qu'elle vient de courir un marathon. » Je reconnaissais cette voix. C'était le Dr Sky.
« Voilà les sels, docteur », dit une voix féminine. L'infirmière, peut-être ?
Puis, une odeur forte et désagréable me piqua le nez, irritant mon loup.
« Ahhhhh », criai-je, me redressant d'un coup et repoussant la main du médecin. Mon cœur battait la chamade et je respirais comme un bœuf.
J'ouvris les yeux et me retrouvai sur un lit de la clinique, sous des néons aveuglants. « Que s'est-il passé ? » Je clignai des yeux, essayant d'y voir plus clair.
« Tout va bien, Mélanie, vous êtes en sécurité. » La voix apaisante du Dr Sky venait de ma gauche. Je tournai la tête vers lui.
« Comment suis-je arrivée ici ? » Ma voix était faible et rauque.
« Eh bien, vous avez conduit ma voiture jusqu'ici », dit-il en plaisantant. « Vous aviez l'air terrorisée. Vous parliez de quelqu'un qui vous aurait trouvée pendant votre sommeil. C'était difficile de comprendre ce que vous racontiez. »
« Oh », fut tout ce que je pus dire.
Le Dr Sky m'examina attentivement. « De qui parliez-vous ? Êtes-vous en danger ? Y a-t-il quelque chose que je devrais savoir ? »
« Non, pas vraiment. J'ai juste... cru voir quelqu'un dans le parc. Quelqu'un de dangereux. » Je regardai mes mains qui s'agitaient sur mes genoux. Je me forçai à m'arrêter et pris une grande inspiration. « Peut-être que je l'ai imaginé. »
« Pensez-vous l'avoir imaginé ? » La voix de Frederick me fit sursauter. Je ne l'avais pas vu debout dans le coin, à nous observer.
« Non, je ne crois pas. Mais ça ne peut pas être réel. » Je fermai les yeux et son visage apparut dans mon esprit. Ce n'était pas possible, n'est-ce pas ? Il était en prison.
Puis je réalisai quelque chose. Il était emprisonné ici, au Texas. Aurait-il pu s'évader ? On m'avait dit, quand ils avaient décidé de ne pas le tuer, que j'étais en sécurité et qu'il ne pourrait jamais sortir de prison.
« Dr Sky, que savez-vous de nos prisons pour loups-garous ? » demandai-je.
Je les vis échanger un regard avec Frederick. « Eh bien, on en sait un peu. La plupart des prisons très sécurisées sont ici ou dans d'autres coins paumés, si elles sont aux États-Unis. Pourquoi ? »
« Est-ce que quelqu'un peut s'échapper ? » demandai-je, sentant la sueur me couler dans le dos.
Il haussa les épaules. « J'imagine que tout est possible. Mais c'est peu probable. À quoi pensez-vous ? Dites-nous pour qu'on puisse vous aider. »
Je soupirai et pris une grande inspiration. « Il y a quelqu'un qui a essayé de m'enlever il y a des années. J'ai été gravement blessée. Plus tard, mon frère et notre meute, avec d'autres, l'ont attrapé. Sa meute a été démantelée. Le conseil l'a jugé. Au lieu de le tuer, ils l'ont condamné à la prison à vie dans la taule pour loups-garous la plus sûre. Ils devaient lui donner de l'aconit tue-loup pour l'affaiblir, lui et son loup. »
Je regardai les deux hommes devant moi, espérant qu'ils me diraient que je n'avais pas à avoir peur. Que personne ne s'était échappé. Que c'était juste la lumière qui m'avait fait croire que je l'avais vu alors que c'était quelqu'un d'autre.
Frederick s'éclaircit la gorge. « Peut-être, George, qu'on devrait emmener Mélanie voir l'alpha ? Mieux vaut prévenir que guérir. »
Je commençais à avoir la trouille à nouveau. Je ne suis pas une froussarde d'habitude. En plus, je sais me défendre. Même si je suis une alpha femelle, les alphas mâles sont généralement plus costauds.
La seule façon d'être plus forte serait s'il était affaibli par l'aconit tue-loup ou l'argent, ou s'il n'était pas complètement remis. « S'il vous plaît, George, emmenez-moi voir votre alpha. J'ai besoin de savoir que ce loup cinglé ne s'est pas fait la malle pour venir me chercher. » Je joignis les mains en le suppliant et attendis sa réponse.
George acquiesça et me tendit la main. « D'accord, allons voir si on peut parler à l'alpha. »
Je pris sa main et il me conduisit hors de la clinique, verrouillant la porte derrière nous. Frederick marchait de l'autre côté, tenant mon autre main. Leur présence me rassurait. J'espérais que l'alpha pourrait me donner une réponse et que je pourrais en rire plus tard.
Je rentrais enfin au Texas. Mon Alpha avait eu fort à faire pendant mon absence. J'étais parti depuis une éternité, plus d'un an. Ça avait été l'année la plus longue de ma vie. J'adorais voir ma famille et passer du temps dans mon pays natal, mais quelqu'un m'attendait. Du moins, je l'espérais.
Je hissai mon gros sac sur mon épaule en allant récupérer mes bagages. Cette fois, j'avais dû enregistrer une valise pour rapporter des cadeaux d'Irlande. J'avais aussi ramené quelques affaires personnelles.
Vu ma taille, je dominais facilement la foule. Pas que ça change grand-chose, les gens s'écartaient d'eux-mêmes quand ils me voyaient arriver. Faut dire qu'un colosse comme moi, ça peut impressionner.
J'avais opté pour un t-shirt aujourd'hui, ma veste en cuir bien rangée dans mon sac à dos. Le Texas en plein été, ça ne rigole pas. J'avais oublié à quel point la chaleur pouvait être étouffante avant qu'on s'y habitue.
Je me dirigeai vers la zone des bagages et regardai le tapis se mettre en branle, déversant son flot de valises. Un grand écran de télé trônait sur le mur. Je jetai un œil et manquai de m'arrêter net.
Le journal télévisé annonçait l'évasion d'un détenu d'une prison de haute sécurité près de San Antonio. Ils montrèrent l'extérieur du bâtiment et je le reconnus aussitôt.
C'était l'une de nos prisons. Les humains la prenaient pour une prison ordinaire, pensant que ceux qui y entraient étaient de vrais dangers publics et n'en sortaient jamais. C'était mieux comme ça, on ne voulait pas qu'ils mettent leur nez là-dedans.
Ça devait être le problème dont l'Alpha avait parlé. Je me demandais pourquoi ils n'avaient pas encore réglé ça. Ça faisait des mois qu'ils savaient que le bâtiment n'était pas sûr.
Ça sentait le coup monté de l'intérieur, c'est ce que pensait le conseil. J'étais d'accord. On n'entrait pas là-dedans comme dans un moulin, il fallait connaître les lieux et leur fonctionnement.
« C'est dingue, hein ? » Un type s'approcha de moi, regardant la même chose.
Je lui jetai un coup d'œil rapide et hochai légèrement la tête. Un humain, mais lui aussi était plutôt baraqué, un peu plus petit que moi.
Je le regardai à nouveau et réalisai que je le connaissais, mais je n'allais pas en faire tout un plat. Je ne m'emballe pas pour les célébrités.
« Vous avez entendu parler de l'évasion ? » demanda-t-il, brisant le silence.
Je me tournai vers lui. « Vous êtes Dwayne, c'est ça ? » Son sourire fut sa seule réponse, mais ça suffisait. « J'étais à l'étranger depuis un moment, je viens de rentrer. Donc non, je n'en avais pas entendu parler. On sait qui a fait le coup ? »
Dwayne haussa les épaules. « Pas à ma connaissance. Je pense que s'ils le savaient, ils ne nous le diraient pas. Le public n'a droit qu'aux miettes que le gouvernement veut bien lui donner. » Il rit, puis pointa le tapis. « C'est mon sac. Bonne journée. »
Je reportai mon attention sur le tapis, n'écoutant plus les infos. Quand mon sac arriva, je l'attrapai et me dirigeai vers la sortie. Un des gars de la Delta devait m'attendre.
Effectivement, Kevin, notre Delta, était là, planté près d'un gros Hummer, lunettes de soleil sur le nez. Une femme essayait de lui faire la conversation, mais il se contentait de sourire et d'acquiescer.
« Désolé, dit-il, c'est mon pote. » Il me désigna alors que je m'approchais de la voiture. La femme se retourna pour me regarder, bouche bée. J'avais souvent cet effet-là sur les gens.
« Content de te voir, mec », lui dis-je en lui faisant une accolade rapide. « Ça fait du bien d'être de retour. »
Je balançai mes sacs à l'arrière et montai à l'avant, sans un regard pour la femme. Elle glissa un bout de papier à Kevin, qu'il fourra dans sa poche avant de grimper dans le Hummer. La femme lui fit un grand signe de la main, tout sourire. Je secouai juste la tête. Certaines personnes n'ont vraiment aucune pudeur.
« Tu ne vas quand même pas l'appeler, si ? » demandai-je.
Kevin haussa les épaules. « Peut-être. C'est sympa d'avoir des options en dehors de la meute, tu sais. Ce ne serait rien de sérieux. Elle était mignonne, et elle avait une sacrée paire », rit-il en me faisant un clin d'œil. « Allez, je te ramène chez toi, Bêta. Je parie que tu as hâte de retrouver tes pénates. »
« En fait, je suis plus intéressé par cette histoire d'évasion. Ça a l'air sérieux. »
Kevin acquiesça. « Ça l'est. L'Alpha sera content que tu sois de retour. Il pourrait avoir besoin d'un coup de main. »
Je regardai par la fenêtre alors que nous quittions San Antonio. Il y avait quatre heures de route jusqu'au territoire de notre meute, me laissant amplement le temps de réfléchir à la situation. Je devais aussi appeler Melanie.
Je sortis mon téléphone, mais la batterie était à plat. Je lâchai un juron et fouillai dans mon sac à dos pour trouver un chargeur.
« Tu as entendu autre chose sur ces évadés ? Des noms ? » demandai-je à Kevin en me tournant vers lui.
« Non, mais il y a des rumeurs comme quoi l'un d'eux serait un Alpha important qui a été mis sous les verrous il y a quelques années. C'est apparemment le gros poisson à repêcher. »
