Série Prophétie

Prologue

ESTELLA

« Dégage d'ici ! », rugit mon père avant de me pousser hors de la maison. Je m'étalai par terre et me relevai prestement tandis qu'il balançait mon sac par la porte.

Mon père était l'Alpha de la meute Green Grove. Ce n'était pas une meute très réputée dans le monde des loups-garous. On ne parlait guère des autres meutes.

Nous habitions dans le Missouri, où les étés étaient chauds et moites, et les hivers enneigés.

Rien d'extraordinaire, mais mon père en tirait une certaine fierté. Nous n'étions qu'à une heure du Kansas, dans un coin reculé. Ça ne me plaisait pas vraiment.

Après le décès de ma mère, mon père, l'Alpha Philip, est devenu très dur envers moi et les autres membres de la meute. Au début, ce n'était pas si terrible, mais la situation s'est dégradée.

Il négligeait ses responsabilités de chef et prenait de mauvaises décisions. Beaucoup étaient mécontents, et les anciens lui faisaient des remontrances sur son comportement.

Un an s'était écoulé, et il ne pouvait toujours pas me regarder en face, sauf quand il avait bu. Il disait que c'était parce que je n'avais pas de compagnon.

Il prétendait aussi que je n'en aurais jamais, mais je crois qu'il m'a mise à la porte parce que je lui rappelais ma mère. Ou peut-être pour une autre raison.

Il avait changé depuis sa mort. Il buvait davantage et me criait dessus plus souvent. Je n'en parlais à personne. Je ne savais pas comment m'y prendre. Comment aurais-je pu révéler sa vraie nature à qui que ce soit ?

De toute façon, je doutais qu'on me croie. Et c'était mon père. Cela me faisait me sentir encore plus mal à propos de ce qui s'était passé au cours de l'année écoulée, et je gardais tout pour moi.

Tout le monde me plaignait, mais ils avaient besoin de leur Alpha, alors je devais partir. J'étais contrainte de m'en aller. Je quittais tout ce que j'avais toujours connu.

J'étais soulagée de m'éloigner de lui, mais j'avais peur que le monde soit aussi cruel que lui.

« On m'a chargé de t'escorter jusqu'à la frontière de la meute », dit Beta Ryan sans me regarder. Je levai les yeux au ciel, ramassai mon sac et emboîtai le pas à Beta Ryan.

C'était déjà assez dur que mon père me chasse de la maison, mais maintenant il me bannissait de la meute.

Je devais soit devenir une rebelle, soit il me tuerait, mais les anciens ne voulaient pas ma mort.

Si mon père avait pu mettre son ego de côté, les anciens m'auraient fait épouser Beta Ryan pour avoir des enfants et perpétuer la lignée familiale. Je n'en voulais pas, mais c'était toujours préférable à la solitude.

Personne dans la meute n'avait le droit de me parler. Je n'ai même pas pu dire au revoir à mes amis, le peu que j'avais.

Toute la meute avait reçu l'ordre de m'éviter et de ne pas m'adresser la parole. Je poussai un soupir en atteignant la frontière, prenant conscience de la réalité de la situation.

« Voici un peu d'argent. Ça devrait te dépanner un moment », dit Beta Ryan en me glissant l'argent dans la main. J'acquiesçai et le rangeai dans mon sac. Je sentais qu'il était mal à l'aise de devoir me faire ça.

« Essaie d'éviter les groupes de rebelles et trouve une meute à rejoindre. Va vers le sud. Ce sera plus sûr si tu voyages seule », expliqua-t-il doucement.

Il ignorait ce qui s'était passé entre mon père et moi, et j'en étais soulagée.

« Merci », murmurai-je avant de franchir la frontière.

« Prends soin de toi, Estella », dit Beta Ryan avant de repartir dans l'autre sens. C'était triste qu'il puisse à peine me dire au revoir. J'espérais plus de sa part, mais bien sûr, je m'étais fait des illusions.

J'ôtai mes vêtements et les rangeai dans mon sac avant de l'attacher à mon corps et de changer. J'étais désormais une louve solitaire, et seule la Déesse de la Lune savait ce qui m'attendait.

J'avais peur de l'inconnu qui se profilait devant moi.

Je courus. Je courus aussi vite et aussi longtemps que possible. Ma louve, Bell, était épuisée et me força finalement à m'arrêter.

J'avais couru pendant toute une journée, et je savais que j'étais maintenant assez loin pour commencer à chercher une nouvelle meute.

Je humais l'air autour de moi et captai l'odeur d'une meute à proximité, mais cette odeur m'inspirait une certaine méfiance.

Je m'approchai de la frontière, mais je ne la franchis pas.

Le soleil se couchait, et je ne voulais pas m'attirer d'ennuis. Après m'être débarbouillée dans un ruisseau proche, je repris ma forme humaine et enfilai des vêtements.

Je sortis quelques en-cas de mon sac et mangeai. J'avais une faim de loup.