EBF : L'Héritier de la Bête

Tout se passe très vite et Charmant ne cesse de s'en excuser. J'embrasse Cherry avant que nous soyons séparées pour aller chacune de notre côté.

Je continue de prier pour qu'il ne m'entraîne pas dans un trafic de drogue et de sexe.

Ce n'est pas arrivé.

Pierce jette un regard en arrière vers moi. « Comment vas-tu ? »

« Je suis enthousiaste », dis-je ironiquement. Je pense que je serais plus enthousiaste si je n’allais pas être une esclave. Ces trois mois vont être très longs.

Il me sourit en retour. « Tu vas découvrir un nouveau monde et cela en vaut la peine. Delorith, bien qu'infesté par le mal, est très beau. »

Je ne peux rien dire à cela.

Salle après salle, dans de longs couloirs blancs, j'arrête de me demander comment tout cela peut tenir dans un bâtiment historique de la Nouvelle-Orléans. D'une certaine manière, je pense que nous ne sommes plus en Louisiane.

Nous arrivons. Notre destination est une grande pièce avec un engin très bizarre posé en son milieu. Ça me fait penser à une capsule spatiale extraterrestre prête à me téléporter sur cette planète folle.

« Viola, c'est ta salle de briefing. » Il fait une pause et ouvre une autre porte sur le mur opposé. On dirait une porte spatiale pressurisée.

Un agent passe et c'est celui qui ressemble à Sailor Moon. « Voici Mort, ton guide pour tout ce dont tu as besoin. »

Il continue : « C'est l'heure de ta préparation. Assieds-toi, s'il te plaît. » Il porte une énorme pile de papiers d'un mètre d'épaisseur. Il fait claquer la pile sur le petit bureau métallique dans le coin de la pièce.

« Voici tout ce que tu dois savoir sur Delorith et ses habitants. Il contient aussi des informations pertinentes sur Apollo. »

Il agite la main en l'air. « Tu vois, ce qu'il aime et ce qu'il n'aime pas, ce genre de choses. Blond, roux, brun... est-il un ivrogne heureux ou agressif ?

« Est-ce qu'il aime sa mère et combien de personnes a-t-il tué, le cas échéant. Boxers ou caleçons ? Et, est-ce qu'il a des fétiches ? »

Je ne peux pas dire s'il est sérieux, mais je pense qu'il l'est. « C'est beaucoup d'informations. »

« Ça n’est pas le cas, pourtant », me sourit-il.

Son humeur semble à la limite de l'instabilité.

Charmant rit, époussetant quelque chose sur sa parfaite manche blanche.

« Nous n'avons le temps pour rien. Ce sont toutes les informations que tu ne peux pas lire avant que nous ne t’envoyons dans un endroit très dangereux. Tu devras compter sur Mort comme seule bouée de sauvetage. »

Je jette un coup d'œil à mon agent, sachant que je dois confirmer, au cas où j'aurais mal entendu. « Tu t’appelles Mort ? »

Ses grands yeux se rétrécissent. « D'où je viens, c'est un joli nom. » Elle lève son petit menton. « Humain ignorant. »

J'acquiesce et je jette un coup d'œil au visage amusé de Charmant, retrouvant mon calme. « Donc, tu dis que je suis foutue. »

Son visage s'éclaire. « Oui. »

Je le regarde fixement.

« Continuons, nous avons trente minutes pour t'habiller et te préparer. » Il tape dans ses mains et la machine au milieu de la pièce s'anime de lumières roses et bleues.

« Tu parleras automatiquement leur langue, donc pas d'inquiétude à ce sujet. Mais tu peux mourir dans ce monde, alors tu dois être très prudente. »

Il s'approche de moi et se penche très près de mon visage. Il sent le déordorant. Je pouvais presque entendre le jingle de la pub d’une marque connue : Old Spice.

« C'est important, alors fais attention. Tu as trois lignes de vie.

« Disons que tu es sur le point d'être tuée par un animal sauvage, par exemple, tu peux utiliser ta ligne de vie et tu seras immédiatement transportée hors de danger. Si tu oublies de l'utiliser, tu seras dévorée et tu mourras.

« Si tu utilises tes trois lignes de vie, à la quatrième, tu seras complètement éjectée du monde. Pas de “si”, “et”, ou “mais”. Tu représente un trop grand risque. » Il a levé la main, « Ce ne sont pas mes règles. »

Je déglutis et j'acquiesce. « Comment puis-je utiliser une ligne de vie ? » Je devrais probablement le savoir.

« Très facile. Tu dis : “Ligne de vie activée !” » Son regard est hilarant.

« C'est tout ? »

« Il faut que ce soit simple, n'est-ce pas ? »

Je réfléchis à cela. « Bon, disons qu'ils me capturent, que je dis la ligne de vie et que je disparais. Est-ce que ça ne va pas perturber les sensibilités ? Genre, c'est quoi ce bordel ? Elle a juste disparu. »

« Oui. »

Je le regarde fixement, attendant qu'il réponde.

Mais en réalité, je suis sur le point de le frapper.

« Laisse-nous faire. Ce n'est pas notre première fois et tu ne l'utiliseras que si tu vas mourir. Il n'est pas permis d'utiliser une ligne de vie dans des situations désagréables. »

Il m'a fait un clin d'œil, puis s'est dirigé vers la machine, ou vaisseau-extra-féerique. Il se penche comme s'il voulait faire démarrer la chose avec des gestes élaborés de la main.

« Tu vas être une esclave, félicitations. »

« C'est horrible », dis-je, me demandant ce que je rate. « Quel genre d'esclave ? Je ne vais pas faire des trucs sexuels contre ma volonté. » C'est une rupture d'accord.

Pierce me regarde et hoche la tête.

« Pierce ? » J'ai mordu à l'hameçon.

« Oui. »

« Développe. »

« Bien sûr, pensais-tu que je t’enverrai là-bas sans t’informer des détails de ta position ? » Il a le culot d'avoir l'air offensé. » J'ai lu ton dossier et il est fascinant. »

Mort s'avance. « J'ai lu et confirmé un plan d'action. »

« Parfait, Mort. Vous pourrez entrer dans les détails une fois arrivées. » Il se tourne vers moi.

« Ta position est simple, à l'exception du fait que tu caches un secret. Le secret étant que tu es la princesse perdue de Galleon.

« Maintenant, voici le hic. Laura est l'actuelle princesse de Galleon et une imposteuse, elle n’est pas la vraie princesse de naissance, mais toi oui. J'adore quand le destin crée un drame ! » Il tape dans ses mains.

« Maintenant, cela ne signifie pas que Laura est mauvaise, elle n'est pas à blâmer pour cette confusion. C'est la mère fourbe de Laura. Tu as été perdue quand tu étais bébé et le titre est passé à ta cousine, Laura.

« C'est une compétition. Personne ne sera au courant de cette tromperie à moins que tu ne la mettes en lumière. Ce qui sera une tâche difficile car Laura doit t’empêcher de l'exposer. Ça peut devenir un vrai coupe-gorge là dehors. »

« Oh, parfait », dis-je en les regardant tous les deux avec étonnement. « Non seulement je suis esclave, mais je dois faire valoir mon droit de naissance en trois mois et faire en sorte qu'Apollo tombe amoureux de moi ? »

Je respire fort, je suis sur le point de perdre la tête.

« Oui », dit-il en faisant bouger ses mains. « Il n'y a pas que toi qui aies des obstacles. Chaque joueur en aura et devra les surmonter. Cela rend le voyage bien meilleur.

« L'obstacle de Laura ? Elle n'est pas la princesse de naissance.

« April ? C'est une hors-la-loi.

« Destiny ? C'est une espionne du Galleon. Ivy ? Doit sauver son frère, que la reine de Garthron veut tuer.

« Cherry ? Est promise à un autre prince de Mont Gallow. »

Ma bouche s'ouvre. « Je vois. »

« Profites-en, ça peut être dur, mais c'est une expérience que tu n'oublieras pas. » Il m'étudie avec une expression sérieuse.

Je hoche la tête.

« Très bien, tu peux choisir trois choses à changer chez toi. Regarde ce livre et je serai de retour dans trente minutes. Je dois m'occuper des autres dames. »

Il part en me laissant feuilleter toutes les caractéristiques que je pourrais acquérir ou changer.

Mort s'assied sur la chaise métallique de l'autre côté de la pièce et examine ses ongles pointus. Le silence est douloureux alors que je la fixe et que je comprends qu'elle fait semblant de m'ignorer.

Je me racle la gorge. « Des conseils ? »

Elle me regarde comme si elle était décontenancée. « Fais-toi refaire le nez. »

« Vraiment ? »

Mort est vraiment charmante.

Elle me regarde pour de vrai cette fois et semble m'évaluer. « J'ai une prime si on gagne », dit-elle simplement, sans émotion.

« Premièrement : maîtriser l'équitation, ce qui est toujours utile.

« Deuxièmement : être dans la meilleure forme physique, ce qui vous donne un corps magnifique. Pour un humain, bien sûr.

« Troisièmement : être un maître du tir à l'arc, il faut une défense. Votre visage a l'air correct, et vous avez des seins de taille décente, donc pas besoin de changer tout ça. »

« Vous êtes très direct. »

« Je le confirme », dit-elle sans sourire.

« C'est un homme à poitrine ou à fesses ? » Je dois demander.

« Très difficile à dire, je n'en suis pas sûre pour l'instant. » Elle me regarde fixement.

Bien.

Pierce revient enfin et nous libère de notre conversation gênante sur le fait de ne pas manger tout ce qui est bleu dans ce monde. Surtout si on a de graves problèmes intestinaux.

Apparemment, on a des gaz pendant des semaines, ce qui est un obstacle, d'après Mort. Je voudrais ajouter que ça pourrait être une raison de rompre pour n'importe qui.

Charmant tape dans ses mains et s'arrête devant le vaisseau extraterrestre, les mains sur les hanches.

« Ok ! Toutes les dames n'ont pas pris les détails de leur position aussi bien que toi, mais c'est normal. »

Je n’imagine pas comment Laura a réagi au fait qu'elle n'est pas la vraie princesse. « Je suis prête. Mort a partagé son expertise et quelques autres faits... intéressants. »

« Parfait, viens par ici et mets-toi dans le convertisseur », ordonne-t-il en me souriant.

Je m'exécute et j’ai l’impression d’être personnage du film Alien lorsqu'ils sont dans leur capsule de sommeil. La capsule se referme autour de moi et je ressens une vague de nervosité.

J'entends un fort son pressurisé et je vois une écriture digitale sur l'écran en face de moi.

J'entends la voix de Pierce à travers le haut-parleur. « Très bien, quel est le premier choix ? »

Je vacille pendant une seconde. « Maître cavalier. »

« Bon choix et le second ? »

« Être en parfaite forme physique. »

« Toujours un favori », dit-il. « Et enfin ? »

« Maître en tir à l'arc. »

« Très intelligent. D’accord, donne-moi juste une seconde et si je vais te demander de fermer les yeux et de prendre une profonde inspiration. »

Je n'ai même pas le temps de demander si ça allait faire mal ! Des lumières vives clignotent devant mes yeux et mon corps est chaud et froid en même temps. Je crois que je crie, mais je n'en suis pas sûre.

Je laisse échapper un grand souffle quand j'entends une forte sonnerie et des lumières roses qui clignotent. Juste avant que je ne panique, tout commence à s'éteindre, me laissant sans souffle.

J'ai des vertiges. Ma peau a des picotements et est étrangement chaude. La nacelle s'ouvre, et je sors à genoux en tremblant, Pierce me tenant le bras pour me soutenir.

« J'ai oublié de te dire que ce processus peut provoquer des vertiges et des bouffées de chaleur. » Me sourit-il et me regarde. « Très joli en effet, voici un miroir. »

Alors que j'essaie de retrouver mes esprits, (Pierce vient-il de me regarder ?) je regarde mon corps et je remarque que je suis tonique à tous les bons endroits et que ma peau est très lisse et sans taches.

Je jette un coup d'œil dans le miroir qui a été placé devant moi et Sainte Mère de Marie ! Je suis superbe. Pas besoin de fond de teint. Ma peau est magnifique et sans défaut. « Ma peau ? ! »

Pierce acquiesce et me sourit. « L'aérographe est un cadeau de la Bonne Fée, un cadeau gratuit. C'est dans ton contrat, tu ne l’as pas lu ? », dit-il en riant. « Ici, à EBF, on est sérieux. »

Je le regarde fixement, ce type alors.

Il me taquine.

« J'ai l'impression que c'est de la triche, personne n'est aussi beau dans la vraie vie », dis-je à bout de souffle.

« Pardon ? » dit-il en inclinant la tête.

« Chérie, c'est l’Entreprise Bonne Fée. On fait le grand écart ou on rentre chez nous. On peut faire tout ce qu'on veut parce qu'on le peut. Profites-en. Tu es éblouissante », dit-il en appuyant une hanche contre le bureau.

« Les hommes sont sans défense contre nos agents. Nous n'avons besoin que de trois mois pour accomplir les missions d’EBF. Et, ce n'est pas de l'arrogance, c'est juste un fait. »

Mort grogne. « Oui. Tu as l'air bien mieux qu'avant. »

Je lui lance un regard.

Je pense qu'elle vient de m'insulter.

« Ok, maintenant tourne, il nous reste 5 minutes ! »

« Cinq minutes ? ! »

« Vous êtes toutes les deux des esclaves qui étaient récemment sur un navire marchand transportant des soies qui a coulé. Le navire a été rattrapé et détruit par des pirates.

« Vous voyagez vers le Royaume de Garthorn, où vous êtes employés. Vous avez manifestement toutes deux survécu. Le navire d'Apollo croisera votre radeau, vous sauvant ainsi », dit-il rapidement.

« Un radeau ? »

« Mort te donnera plus de détails quand tu seras là-bas. Ne t’inquiètes pas. Tout ira très bien, maintenant tourne. » Il pose sa main sur mon épaule.

« Tourne ? » Je semble paniquée, même moi je l’entends. Je ne suis pas sûre d'être prête pour ça, tout va trop vite !

« Oui, ma partie préférée, ta robe ! » Il me fait signe de tourner. « Où crois-tu que Cendrillon a eu sa robe ? » continue-t-il, « La Bonne Fée ? Non, c'est moi qui l'ai conçue. Je dessine tous les vêtements ici à l’Entreprise Bonne Fée. »

Il rayonne. « Maintenant, tourne. »

Je commence à tourner, me demandant à quel point la tenue d'une esclave peut être mignonne. Mon corps commence à picoter et j'inspire quand un flash de lumière blanche m'aveugle.

Je lève les yeux vers le miroir et je porte une robe provocante très abîmée, d'un violet profond. Une fente déchirée expose ma cuisse et ma ligne de buste est déchirée, exposant mon corset.

Scandaleux, c'est le moins qu'on puisse dire. Le corset semble pousser mes seins en hauteur, ce qui les rend très alléchants si je dois les commenter. « Une esclave porte ça ? » Je demande, mon cœur bat la chamade.

« Non, mais une naufragée, oui. La robe d'esclave actuelle est très modeste et couvre tout, y compris le visage. Donc, c'est ta chance d'attirer son attention, c'est pourquoi je t’ai placée dans cette situation particulière. »

Il se tourne vers Mort. « Vous serez une esclave d'apparence très simple, rien pour attirer l'attention, Mlle Pipper. »

« Comme si c’était fait. »

En une seconde, Mort est cette mignonne petite créature de Sailor Moon et l'instant d'après, elle est une femme très quelconque. Des cheveux bruns bouclés et des traits simples. Des vêtements déchirés à tous les mauvais endroits.

« Ouah », dis-je.

Pierce touche son oreillette. « Oui, il nous reste une minute, oui je suis au courant, idiot ! » Il hoche la tête et me regarde.

« Tu t’appelles Viola Luna Stark du Royaume de Garthorn. Tu seras Mme Stark, une esclave de secteur 5, ce qui est élevé, c’est le niveau d’une femme de chambre ou d’une gouvernante.

« Voici la preuve que tu es une citoyenne et de ton emploi. »

Il me tend un collier en bronze avec un faucon dessus et me montre le tatouage sur mon poignet que je n'avais pas vu avant. C'est un symbole étrange que je n'arrive pas à identifier, un G avec des inscriptions bizarres.

« C'est la marque de votre emploi au château de Garthorn. »

« D'accord », dis-je docilement.

« Prêtes, et CINQ, QUATRE… »

« Je ne suis pas prête ! » Je panique.

OH NON.

« DEUX, UN ! »

Le noir m'envahit.