Kelsie Tate
Elena se réveilla en sursaut au bruit de coups violents. Son cou la faisait souffrir d'avoir dormi sur un rocher. Elle aperçut la colonie apeurée devant la grande porte en fer.
Quelqu'un était dehors. Quelqu'un qui, elle le savait, les tuerait. Certains pourraient s'enfuir, mais ils deviendraient esclaves, ce qui était pire que la mort.
Elle tendit l'oreille pour écouter l'homme à l'extérieur qui criait.
« Humains ! Vos chefs ne peuvent rien pour vous ! Sortez et on pourra peut-être s'arranger. Sinon, on fera sauter cette montagne ! »
Les gens retinrent leur souffle, terrifiés par ce qui allait arriver. Son père s'approcha de la porte. « Reculez. Je vais sortir parlementer si vous jurez de ne pas toucher à notre peuple. »
« Vous avez ma parole », répondit l'homme de l'autre côté.
La lourde porte de fer s'entrouvrit juste assez pour laisser passer John. Puis elle se referma et fut à nouveau verrouillée.
***
Une heure plus tard, son père revint l'air épuisé et abattu.
« On a trouvé un accord ! » annonça-t-il d'une voix forte.
« Les loups nous laisseront tranquilles si on leur verse un tribut. C'est dur mais c'est honnête. Une fois qu'on aura payé, on ira se cacher ailleurs pour qu'ils ne puissent plus nous retrouver !
« Ils sont partis pour le moment. Sortez, prenez vos affaires et préparez vos familles. »
Elena s'approcha de son père alors que les gens commençaient à quitter l'abri.
« Papa, qu'est-ce que... »
« Ne t'en fais pas », dit-il doucement. Il commença à s'éloigner mais se retourna vers elle. « Je te dirais bien de prendre tes affaires mais je parie qu'elles sont déjà prêtes. »
Elle prit une grande inspiration, regrettant de ne pas avoir simplement continué à fuir. Mais elle fut surprise en les voyant. Elle n'en avait entendu que des histoires.
La veille, elle avait vu un métamorphe de près. Si ce n'était pas si effrayant, elle aurait même pu dire qu'ils étaient beaux.
Elle sortit de l'abri pour aller chercher le reste de ses affaires qu'elle avait laissées chez elle.
En quittant la maison, elle entendit un cri, puis un autre, puis encore un autre. Elle regarda autour d'elle, affolée, le cœur battant la chamade.
« Ils doivent attaquer à nouveau », se dit-elle, morte de peur.
Soudain, quelqu'un l'attrapa et la tira vers le sud de la ville. Elle se débattit et hurla, leur ordonnant de la lâcher.
Arrivés à la lisière, l'homme la lâcha, la faisant tomber par terre. Elle vit d'autres filles au sol à côté d'elle, en larmes.
« Qu'est-ce qui se passe ? » cria-t-elle en se relevant furieuse. « Quand mon père va apprendre ça, il va... »
« Elena. »
Elena se retourna en entendant la voix de son père. Elle se releva d'un bond, la neige collant à ses vêtements tandis qu'elle s'accrochait au bras de son père. « Papa, qu'est-ce... qu'est-ce qui se passe ? »
Ils regardèrent tous vers la lisière de la ville alors qu'une grosse camionnette arrivait.
Un homme grand et musclé en descendit et salua son père avant d'ouvrir l'arrière.
Un autre colosse en sortit et saisit brutalement le bras d'Elena. Il ignora ses cris et sa résistance en la jetant à l'arrière du véhicule.
Chaque fille se débattit et pleura alors qu'on les attrapait et les poussait à l'arrière. Les portes se refermèrent derrière elles.
Elena regarda par la vitre arrière, folle de rage contre son père alors qu'ils s'éloignaient.
« Où est-ce qu'ils nous emmènent ? » sanglota une fille.
« Vous ne comprenez pas ? » hurla Elena. « On est le tribut. La colonie nous a échangées pour se sauver. »
« Non... ils n'auraient pas fait ça... » gémit une autre fille.
« Alors pourquoi on est à l'arrière d'un fourgon flippant de métamorphes en train de quitter notre village ? On est des esclaves maintenant ! » cria Elena. Quelqu'un à l'avant du véhicule frappa contre la paroi, leur ordonnant de la fermer.
Les filles pleurèrent doucement tandis qu'on les emmenait sur des routes de montagne cahoteuses, loin de chez elles.
Après une heure à être secouées à l'arrière du fourgon sur des chemins défoncés, le trajet devint plus fluide. Elena comprit qu'ils étaient maintenant sur une vraie route, en route vers leur nouvelle vie.
***
Des heures plus tard, le fourgon s'arrêta enfin. Chaque fille se figea en entendant des gens parler doucement à l'extérieur. Elles retinrent leur souffle quand les portes s'ouvrirent, révélant plusieurs hommes imposants.
« Descendez », ordonna l'un des hommes d'une voix menaçante en tenant la porte ouverte.
Les filles descendirent toutes, se regroupant juste à l'extérieur du véhicule. Les hommes restèrent immobiles, les observant sans rien dire. Ils se redressèrent tous quand une femme entra dans le grand garage.
Elle était grande et élancée, avec une peau hâlée et un corps athlétique. Ses longs cheveux noirs étaient attachés en une tresse qui tombait sur son épaule. Ses bottes claquaient sur le sol tandis qu'elle s'avançait.
« Bonjour, je m'appelle Garcia. Je suis la chef de la sécurité ici. Suivez-moi. »
Elle se retourna et se dirigea vers la porte par laquelle elle était entrée. Elle s'arrêta juste avant la porte, l'air agacé. « Je ne le répéterai pas. »
Les filles avancèrent nerveusement, inquiètes de l'endroit où on les emmenait et de ce qui allait leur arriver. Elles suivirent la femme dans un long couloir. Elena regarda autour d'elle, observant chaque porte qu'elles passaient.
« Vous êtes ici dans la meute White Dawn », expliqua Garcia tout en continuant à les guider dans le couloir. « Vous, les humains, vous avez bien quelqu'un qui commande, non ? Un maire, un président ou un patron, un truc comme ça ? »
« Oui », répondit Elena doucement.
« Dans chaque meute, il y a une hiérarchie, avec l'alpha tout en haut. Vous apprendrez vite qu'on ne désobéit jamais à l'alpha, sous peine d'être punies. C'est clair ? »
« Oui », répondirent toutes les filles à voix basse.
« Vous devrez faire votre boulot sans poser de questions ni vous plaindre. Vous devrez apprendre qui commande et les respecter. Vous apprendrez à rester à votre place. »
Elle parlait d'un ton ferme, s'arrêtant finalement devant l'une des portes. Elle se retourna pour leur faire face et attendit. Elle ouvrit la porte, révélant une pièce avec des lits et une petite salle de bain.
« C'est ici que vous dormirez. Votre responsable viendra demain matin pour vous montrer vos tâches. Bienvenue à White Dawn. » Elle leur adressa un petit sourire avant de fermer la porte et de les laisser seules.
Elena s'avança, cherchant un moyen de sortir. Ce faisant, elle entendit la porte se verrouiller. Elles étaient piégées ; il n'y avait aucune issue. Elle laissa échapper un grognement de frustration et s'assit sur un lit.
« On est... on est des esclaves ? » demanda une fille, retenant ses larmes.
« Bien sûr qu'on est des esclaves ! Pourquoi d'autre on serait là ? »
« Et si... et s'ils nous avaient amenées ici pour... vous savez... »
Elena leva les yeux au ciel en écoutant les filles pleurer. « Ils ne vont rien nous faire. On est l'espèce inférieure. Ils ne prendraient pas le risque d'avoir des bébés avec nous et de souiller leurs lignées pures. On est là pour être des esclaves. C'est tout. Le reste de nos vies se résumera à bosser pour ces monstres. »
« Je ne comprends pas... pourquoi ils nous auraient vendues à... »
« Quelle importance ? On est là maintenant. C'est fini », cria Elena avant de se retourner dans son lit. « On ne sera jamais libres... » murmura-t-elle, une larme coulant enfin sur sa joue.
Cette nuit-là, personne ne dormit beaucoup, chaque fille pleurant à tour de rôle. La nuit fut longue, ponctuée de sanglots bruyants et du froid émanant des murs de pierre.
Elena était allongée dans son lit. La pièce était plongée dans l'obscurité.
« J'ai failli m'échapper... » chuchota-t-elle avant de finalement s'endormir.