La Seconde Chance du Roi Alpha

Je me réveille dans un lit inconnu, les pieds et les mains enchaînés au cadre du lit par des menottes en argent. Lorsque je baisse les yeux, je remarque que je ne porte que mon soutien-gorge et ma culotte.

La porte de la chambre s’ouvre et le frère de mon compagnon entre dans la pièce. « Tu es enfin réveillée. Je craignais de t’avoir administré trop d’aconit », dit-il avec nonchalance.

Lorsque l’homme se penche en avant, je me tortille autant que possible. Ma peau est irritée à cause des menottes, mais je ne ressens pas la douleur. Je ne pense qu’à lui échapper.

J’entends alors un grognement animal et je vois que quelqu’un enfonce la porte.

TROIS MOIS PLUS TÔT

« Freya... Freya, tu as entendu ? » me demande ma meilleure amie.

« Entendu quoi, Pénélope ? » je lui demande alors qu’elle franchit la porte de ma chambre, avec ma marraine juste derrière elle.

« Mademoiselle Pénélope, Mademoiselle Freya était encore en train de dormir », la réprimande la femme plus âgée avec un air mécontent.

Pénélope se contente de lever les yeux au ciel. Je lui parle sur un ton apaisant : « Ce n’est rien, Mademoiselle Greta. » Je ne veux pas la contrarier. Après tout, elle a aidé ma mère à me mettre au monde.

Pénélope saute sur mon lit et Mademoiselle Greta pousse un soupir avant de quitter ma chambre. Une fois ma marraine partie, ma meilleure amie parle en chantonnant. « Le prince arrive ! »

Je tourne la tête vers elle, confuse. Je sais qu’elle a le béguin pour mes frères, mais ils sont déjà à la maison. Ils ne sont pas partis.

Pénélope lève à nouveau les yeux au ciel, comme si elle lisait dans mes pensées. « Pas tes beaux gosses de frères. Je parle du prince Jasper. Le frère du roi Ezra. »

Mes yeux s’écarquillent avant que je reprenne le contrôle de mes émotions. Le roi Ezra est connu pour être un homme froid et impitoyable. On dit qu’il est beau, mais personne ne l’a jamais approché d’assez près pour en être sûr. Il se tient à l’écart, sauf en cas de guerre, et nous n’avons pas connu de guerre depuis des années, en grande partie grâce à la rapidité avec laquelle il tue tous ceux qui ne parlent pas correctement près de lui.

Je frissonne rien que d’y penser.

« Il cherche une épouse », dit Pénélope, me sortant de mes pensées.

« Une épouse ? »

Elle acquiesce. « Oui, le prince Jasper cherche une épouse. On dit que son frère, le roi Ezra, veut qu’il trouve rapidement une femme, mais c’est difficile à croire, car tout le monde sait que le prince côtoie beaucoup de femmes. Il n’a pas l’air du genre à se poser. »

C’est vrai. Le prince est connu pour être un coureur de jupons, il ne couche jamais deux fois avec la même femme. Mais ce que Pénélope ne sait pas, ce que personne dans mon royaume ne sait à part moi, mon père et mes frères, c’est que le prince est également un loup-garou.

Oui, vous avez bien entendu. Le roi Ezra et le prince Jasper sont des loups-garous. Mes frères et moi sommes aussi de la même espèce, mais personne ne le sait en dehors de notre famille.

Il y a quatre royaumes : le royaume des humains, le royaume des loups-garous, le royaume des sorcières et le royaume des vampires. Le roi Ezra gouverne le royaume des loups-garous, et mon père, le roi Oscar, gouverne le royaume des humains.

Mon père est humain, mais ma mère, la reine Flora, était un loup-garou. Il est rare que les loups-garous s’accouplent avec des humains, mais ma mère ne s’en souciait pas. Quand elle a rencontré mon père, ça a été le coup de foudre. C’est du moins ce qu’on m’a dit. J’ai toujours voulu connaître un amour comme le leur... Comme celui qu’ils avaient avant...

Puisque les souverains en visite sont des loups-garous, cela signifie que le prince Jasper est en réalité à la recherche de sa compagne, et non de sa femme. Mais Pénélope l’ignore.

Je me sens mal pour la compagne du prince Jasper. Elle devra faire face à toutes les rumeurs concernant le nombre de femmes avec lesquelles il a couché. Elle devra même probablement faire face à ces femmes en question.

Nous, les loups-garous, sommes censés être avec nos compagnons. Ce sont nos âmes sœurs, si vous voulez. Nous ne sommes pas censés connaître plusieurs partenaires, sauf si notre compagnon meurt.

Parfois, nous avons la chance d’avoir des compagnons de la seconde chance, mais cela n’arrive que très rarement. D’ailleurs, je doute que le roi cherche une nouvelle compagne. Aucune femme ne pourrait dégeler son cœur froid.

« Tu m’écoutes ? » demande Pénélope en claquant des doigts. « Je te jure, parfois tu es dans les nuages. »

Je repousse la main de mon amie. « Je t’écoute. Tu es excitée parce que le prince arrive et qu’il cherche une épouse. Tu espères qu’il te choisira. »

Pénélope souffle et son visage devient rouge. « Je n’ai pas dit cette dernière phrase, Freya. »

Je ris. « Tu ne l’as peut-être pas dit, mais tu l’as certainement pensé. »

Elle secoue la tête. « Tu me connais si bien. Oui, j’espère devenir sa femme. »

En souriant, je sors du lit et je me rends dans la salle de bains, où j’enfile une longue robe bleue qui épouse mes courbes. Si je n’étais pas une princesse, je serais probablement malmenée à cause de mes rondeurs, mais je m’en fiche. Je tiens mes rondeurs de ma mère, et je les aime.

En sortant de la salle de bains, Pénélope siffle. « J’aimerais avoir ta silhouette, Freya. Je ne suis qu’un bâton, mais toi... tu as des seins et des fesses. »

Je secoue la tête. « Pénélope, tu es très belle. J’ai peut-être des seins et des fesses, mais ma silhouette me fait sortir du lot. Tout le monde veut être mince. »

« Je préférerais avoir tes courbes », marmonne-t-elle.

En souriant tristement, j’enroule mon bras autour du sien et je la guide hors de ma chambre, vers la cuisine. Comme d’habitude, elle va rester avec ma famille pour le petit déjeuner, pendant que les servantes nous serviront.

Même si je qualifie Pénélope de « meilleure amie », la vérité est qu’elle est la seule que j’ai.

Juste après nous être installées pour manger, mon frère Nicholas entre avec une fille à son bras. Elle nous lance un regard noir avant d’essayer de s’asseoir.

Nicholas s’en aperçoit. « Tu peux rentrer chez toi », dit-il.

Elle a l’air choquée.

« Tu peux rentrer chez toi », répète-t-il. Puisque la fille ne réagit pas, il continue. « Tu crois que je ne t’ai pas vue lancer un regard mauvais à ma sœur ? Personne ne la regarde ainsi, alors rentre chez toi et oublie mon numéro. »

Pendant qu’elle s’éloigne, rejetée par Nicholas, mon autre frère, Lance, s’installe lui aussi à table. Nous sommes des triplés : Nicholas est l’aîné de deux minutes, puis il y a Lance, et enfin moi, mais nous ne nous ressemblons pas du tout. Je ressemble à notre mère, et mes frères à notre père.

Nous avons tous eu dix-huit ans le mois dernier, mais aucun d’entre nous n’a trouvé sa moitié. Nicholas a passé du temps avec de nombreuses femmes, tandis que Lance a une situation amicale, et plus si affinités, avec une fille qui n’est pas sa compagne. Je suis la seule à attendre.

« Pourquoi est-ce que cette fille t’a jeté un regard noir ? » demande Lance.

Je hausse les épaules. « Je ne sais pas, je m’en fiche. Vous savez tous les deux que la plupart des filles ne m’apprécient pas. »

« Elle s’appelle Emma », nous interrompt Pénélope.

Nicholas lève la tête. « Oh, c’est donc son prénom. »

Je ricane. « Tu ne connais pas son prénom, mais elle était dans ton lit. »

Il hausse les épaules et commence à remplir son assiette avec un tas de nourriture.

Pénélope se tourne vers moi. « Elle ne t’aime probablement pas parce que tu lui as dit qu’elle ne pourrait jamais être la petite-amie de ton frère. »

Je grimace. « Je dis ça à beaucoup de filles. Elles pensent toutes qu’elles vont réussir à se caser avec lui. J’essaie juste de les aider, mais elles le prennent mal. »

À ce moment-là, mon père entre et s’assoit dans son fauteuil. Les servantes s’inclinent devant lui. Une fois qu’il est installé et que son repas est servi, nous commençons tous à manger.

Après une minute de silence, à l’exception du bruit des couverts qui s’entrechoque et des bouches qui mâchent, mon père s’éclaircit la gorge. « Le prince Jasper sera ici aujourd’hui avec quelques invités, ils resteront une semaine. Martha a aménagé la salle des invités pour eux. J’attends de votre part à tous que vous vous comportiez le mieux possible. »

Mon père regarde mes frères d’un air sévère. Ils grognent, mais ne discutent pas. Nous mangeons tous le reste de notre petit déjeuner en silence, puis mon père nous demande d’aller nous préparer.

La plupart du temps, je laisse ma louve sortir dans la forêt qui entoure notre royaume. C’est à peu près le seul moment où je peux m’aérer l’esprit. Mais pendant la journée, Pénélope et moi nous promenons ensemble ici, et c’est presque aussi agréable.

« Tu crois que le prince va m’apprécier ? » me demande mon amie. « Tu penses qu’il est sexy ? Et son frère ? »

Je n’ai jamais rencontré le prince, mais je ne le dis pas à Pénélope. Je suis trop distraite par ma louve.

À ce moment-là, j’entends un cri.

Alors que mon regard se pose sur mon amie, je vois que sa robe jaune est couverte d’une grosse tache de café et que ma tasse de café est dirigée vers sa robe. « Je suis vraiment désolée, Pénélope. Je n’ai pas fait attention. »

Les larmes lui montent aux yeux, elle me répond en reniflant : « Ce n’est pas grave. Je sais que tu ne ferais pas cela exprès. C’est juste que... c’est ma robe préférée, et je voulais me faire belle pour le prince. »

Sans répondre, j’attrape la main de Pénélope et je l’entraîne vers la petite rivière dans les bois. Je jette un regard autour de moi, puis j’ordonne : « Enlève ta robe. »

Elle a l’air mortifiée.

« Il n’y a personne », dis-je. « Enlève-la et je vais laver la tache. Il fait si chaud que ça va sécher rapidement. »

Pénélope fait ce que je lui demande et, après avoir frotté, je réussis à enlever la tache. Je pose ensuite la robe sur un rocher au soleil et nous attendons qu’elle sèche.

Au bout d’une trentaine de minutes, nous entendons un klaxon signalant l’arrivée des invités. Pénélope remet rapidement sa robe, qui est désormais sèche, et nous nous précipitons devant la maison, où tout le monde attend leur arrivée. Je m’installe à côté de mon père et de mes frères juste à temps pour voir quatre hommes s’approcher.

À ma droite, Pénélope sourit largement au beau prince, grand et musclé. Il a des cheveux blonds et des yeux bruns. Il dégage une aura puissante qui poussera habituellement ma louve à se soumettre, mais Lupa semble au contraire heureuse de le voir.

Mais je remarque alors l’expression de dégoût sur son visage. On dirait qu’il me déteste.

« Servante », murmure-t-il. Je crois que personne d’autre ne l’a entendu, et si je n’avais pas l’ouïe d’un loup-garou, je ne l’aurais pas entendu non plus.