Je préparais le dîner comme tous les soirs. Russ avait envoyé un texto pour dire qu’il y avait eu une urgence au bureau et qu’il serait en retard.
Je devais m’assurer qu’il ne m’entraînait pas dans un divorce, parce qu’il y aurait définitivement un divorce. Je devais recueillir le plus de preuves possible. Je ferais en sorte que cet enfoiré et sa briseuse de ménage souffrent.
Je venais juste de dresser les assiettes quand j’entendis la porte du garage s’ouvrir. Prenant une grande inspiration, je chassai toute tristesse et colère de mon esprit. Dès que la porte s’ouvrit, j’affichai un sourire et jouai le rôle de la femme au foyer heureuse, même si au fond de moi, je voulais étrangler l’enfoiré qui venait d’entrer.
« Jack ! Je suis à la maison, chérie ! » entendis-je Russ crier. Je me redressai et me tournai vers lui.
« Salut, chéri ! J’espère que tu as faim. J’ai préparé du steak et des légumes », dis-je d’une voix si sucrée que j’en avais presque mal aux dents.
« Oui, j’ai faim ! Tout ce travail m’a épuisé », dit Russ en s’approchant pour m’embrasser sur la joue.
« As-tu pu faire réviser ma voiture ? » demandai-je. J’étais sûre que la réponse serait non, mais je voulais le faire transpirer un peu.
« Euh, non, je ne l’ai pas fait. Ils étaient débordés et j’ai eu cet appel d’urgence. Je la ferai réviser la semaine prochaine. Désolé », dit Russ.
Je remarquai que le haut de ses oreilles devenait rouge et qu’il se frottait la nuque. Il mentait, c’était sûr. N’avais-je jamais fait assez attention auparavant ?
« Ce n’est pas grave, chéri. Je peux m’en occuper. Tu as travaillé si dur, je ne veux pas que tu en fasses plus que nécessaire », dis-je en m’asseyant à côté de lui à table. Je sentis de nouveau ce parfum fleuri et mon sourire disparut un instant. Je baissai les yeux sur mon assiette pour qu’il ne le voie pas.
« Merci, Jack. Tu es la meilleure ! » dit-il en me tapotant la tête.
« De rien, chéri », dis-je en plantant ma fourchette dans un morceau de steak.
Le lendemain passa dans un flou. Russ partit jouer au golf avec son père pendant que je restai à discuter avec Maxine. Je détestais l’idée que cet homme me touche encore, mais je ne le ferais jamais payer à mes beaux-parents.
« Jaqueline, j’ignore ce que nous ferions sans toi. Mon fils a pris la meilleure décision de sa vie en tombant amoureux de toi », dit Maxine en prenant ma main.
Je serrai sa main et me sentis coupable de ne pas lui dire ce qui se passait entre son fils et moi. Mais, ce ne fut qu’un instant. Je ne pouvais pas vivre le reste de ma vie comme ça juste parce que je ne voulais pas blesser Rich et Maxine.
Russ était leur seul enfant. Qui voudrait apprendre que son fils avait une liaison ? Je ne voulais pas être celle qui briserait leur confiance en Russ.
« Merci, Maxine. Ça fait toujours du bien d’entendre des choses gentilles », dis-je en lui tapotant la main. J’entendis la porte d’entrée s’ouvrir. Russ et Rich entrèrent en riant.
Ils avaient l’air de s’être bien amusés pendant leur sortie. Ils entrèrent dans la pièce, et je m’émerveillai de leur ressemblance. Tous les deux grands, bruns, et diablement beaux.
Russ me regarda, et pendant un instant, j’oubliai presque son infidélité. Le regard dans ses yeux était aimant, mêlé à autre chose. Peut-être de la culpabilité ? Russ n’avait jamais eu de raison de me regarder avec culpabilité auparavant, mais maintenant que je savais pour la liaison, je ne pouvais plus en être sûre.
Russ me fit un sourire à moitié sincère. Le sourire n’atteignait pas ses yeux. Je pouvais ressentir la fausseté de tout cela. Il ne voulait pas me sourire, soit par culpabilité, soit parce qu’il ne me voulait plus.
Quand nous rentrâmes enfin, je montai à l’étage pour me changer et passer quelque chose de plus confortable. J’étais tendue comme une corde de violon, et j’avais besoin de tout le confort possible. Je redescendis et entendis Russ chuchoter au téléphone.
« J’étais avec toi toute la journée hier. Si je ne passe pas un peu de temps avec elle, elle va devenir suspicieuse. » Je l’entendais faire les cent pas. « Non, bien sûr que je t’aime toujours ! Je te l’ai dit, j’essaie de faire en sorte qu’elle ne récupère rien. »
Alors, cet enfoiré ne se contentait pas de me tromper, il prévoyait aussi de me laisser sans rien ? Si je n’avais pas déjà été déterminée à le quitter, je l’étais assurément après avoir entendu ça. Une femme blessée était une chose avec laquelle il ne fallait pas jouer, et j’étais sacrément blessée. Une nouvelle facette de moi s’était éveillée.
« Russ, chéri, tu veux un verre de vin ? » criai-je en me dirigeant vers la cuisine. Je l’entendis bouger et chuchoter avant de me répondre.
« Bien sûr, chérie. J’arrive dans une seconde », cria-t-il.
J’entendis des chuchotements de nouveau. Je ricanais en sortant deux verres et en les remplissant à moitié. Russ jouait à un jeu dangereux, et maintenant que je n’avais plus les yeux bandés, j’allais être une adversaire coriace. Je riais mentalement de la stupidité de tout cela, mais je pouvais jouer le jeu.
L’homme avec qui je vivais n’était pas celui que je pensais, ni aussi intelligent que je ne l’aie cru toutes ces années. Certes, je n’avais rien remarqué jusqu’à présent, mais toute personne sensée savait que l’on ne se mettait pas en position d’être découvert. J’entendis ses pas se diriger vers la cuisine et je souris.
D’ici la semaine prochaine, tout allait changer. Je serais libre de tout cela et je pourrais avancer dans ma vie. Je n’aurais plus jamais à traverser quelque chose d’aussi horrible.
