Le lendemain matin fut un vrai calvaire. J'avais un mal de crâne terrible à cause de tout l'alcool que j'avais ingurgité la veille.
Soudain, j'entendis un gémissement à côté de moi, et quelqu'un me serra contre son corps chaud.
Je me raidis et me retournai pour voir Darren, le type d'hier soir, blotti contre moi. Ses cheveux étaient en bataille après la nuit.
Je souris légèrement. Je ne me rappelais pas grand-chose de la soirée, mais les bribes dont je me souvenais me faisaient rire de mes bêtises sous l'effet de l'alcool.
J'étais étonnée que Darren soit encore là. Je pensais qu'il serait parti avant mon réveil.
Nous étions allongés sur un petit lit dans l'une des chambres privées du Black Midnight. La plupart des mecs auraient couché et filé aussitôt, sans même se retourner.
« Salut », dit Darren d'une voix endormie à côté de moi.
Je clignai des yeux, réalisant que je le fixais. Je rougis et cachai mon visage contre son torse chaud.
« Salut », répondis-je en me mordant la lèvre pour ne pas sourire.
Il rit doucement et m'entoura de ses bras. J'avais oublié que nous étions tous les deux nus sous la couverture.
« Je te l'avais dit », murmura-t-il, et je levai les yeux au ciel, comprenant ce qu'il voulait dire.
Je ris, mais m'arrêtai vite à cause de mon mal de tête. Combien avais-je bu hier soir ?
« Et si on s'habillait pour aller chercher des médicaments ? » proposa Darren en se redressant un peu pour me regarder.
J'étais surprise qu'il propose ça. C'était gentil au début, mais maintenant ça semblait bizarre. Je secouai la tête.
« C'est bon, t'inquiète. Je dois retrouver mon amie de toute façon. Elle est sûrement dans les vapes quelque part », dis-je en riant un peu.
Darren parut surpris, probablement parce que j'avais refusé, mais il reprit vite son air assuré. Il entoura ma taille de ses bras et me serra doucement.
« Alors... je peux avoir ton numéro ? » demanda-t-il, et je faillis m'étrangler.
Il avait appris que je m'appelais Claire hier soir, et après ça, on avait arrêté de parler pour passer aux choses sérieuses.
Je décidai que ça ne pouvait pas faire de mal, alors je haussai les épaules et dis : « D'accord. Mais je dois vite retrouver mon amie. »
Je ne voulais pas que ça devienne une relation collante. Qui aurait cru qu'un coup d'un soir pourrait se transformer en quelque chose de plus ?
Je n'étais pas prête pour un petit ami. De plus, je savais qu'il finirait par partir. Je ne ressentais rien pour Darren à part un peu d'attirance.
Ne me jugez pas. On avait passé un super moment hier soir, et je suis une fille sûre d'elle !
Nous nous rendîmes nos téléphones, et avant que je puisse partir, Darren m'attira dans un long baiser tendre.
J'imagine qu'il pense qu'on sort ensemble maintenant... J'espère que non. Je ne supporte pas les mecs collants ; ils deviennent toujours possessifs et obsessionnels.
Après m'être habillée, je souris à Darren et partis. Je vérifiai mon téléphone. Il était 8 h 32, et le bar était encore plein de gens dans les vapes depuis la veille.
Je fis la grimace en entrant dans les toilettes des filles et appelai Nancy.
Elle décrocha au bout de quatre sonneries, la voix endormie. « Allô ? »
« Salut Nancy. T'es où ? » demandai-je, pressée de partir.
Elle soupira avant de répondre : « Je suis dans une des chambres privées. Je crois que c'est la troisième. Et j'espère que tu t'es bien amusée hier soir. » Je pouvais entendre son sourire dans sa voix.
Je levai les yeux au ciel, même si elle ne pouvait pas me voir.
« Ouais, en fait oui. Maintenant, dépêche-toi de sortir. J'ai super mal au crâne, j'ai une tête de déterrée, et je crève la dalle », me plaignis-je, sachant que ça aggraverait son mal de tête.
« Ta gueule », grogna Nancy, visiblement elle aussi avec la gueule de bois. « Je prends mes affaires et je te rejoins aux toilettes. » Elle raccrocha avant que je puisse répondre.
Je rangeai mon téléphone et me regardai dans le miroir. Je ne plaisantais pas en disant que j'avais une sale tête. Mes cheveux étaient en bataille à cause des mains de Darren.
Mon maquillage n'était pas trop mal cependant. La plupart semblait avoir disparu. Il restait un peu d'ombre à paupières, mais c'était tout. Le reste était parti.
Je devrais m'excuser auprès de Nancy pour la petite déchirure à l'arrière de ma robe. Darren avait été un peu trop enthousiaste.
Moins d'une minute plus tard, Nancy entra dans les toilettes et verrouilla la porte.
Je haussai les épaules. « J'avais déjà tourné la page. J'ai juste jamais arrêté d'être en rogne », lui dis-je.
Elle hocha la tête, regardant nos reflets dans le miroir. « Putain, on a une de ces têtes », dit-elle doucement, répétant ce que j'avais dit plus tôt.
Étonnamment, le maquillage de Nancy était encore bien, à part son rouge à lèvres. Son fard à paupières, son blush et son mascara étaient toujours parfaits.
Ses cheveux, par contre, étaient très en bataille, comme si elle venait de faire l'amour. Voyant mon air choqué, elle sourit et haussa les épaules.
« Quoi ? J'ai passé beaucoup de temps à me maquiller. Pas question de le laisser se ruiner dès que je suis entrée dans ce bar », expliqua-t-elle.
Je secouai la tête et soupirai. « OK. On peut y aller maintenant ? Je meurs de faim. » me plaignis-je. En plus, j'avais un autre combat demain. Je devais m'entraîner et manger sainement le reste de la journée. Plus de bière ni d'alcool. Malheureusement.
« D'accord. On va chez moi se changer, puis on ira prendre le petit-déj, OK ? » proposa-t-elle en me regardant par-dessus son épaule tout en essayant d'arranger ses cheveux.
J'acquiesçai, et elle sortit ses clés. Nous quittâmes le bar en saluant le barman.
« Alors, tu t'es bien amusée ? » demande Nancy avec un grand sourire pendant qu'on s'éloigne en voiture.
Je ne peux m'empêcher de sourire en repensant à la tête mignonne de Darren quand je lui ai dit que je devais partir. C'était comme s'il ne voulait pas que je m'en aille.
C'était doux, mais je suis une fille d'un soir. Rien de plus, rien de moins. J'ai renoncé aux relations. Elles ne font que te rendre triste à la fin.
« C'était pas mal, Nancy. Et toi ? » je demande en souriant. Je sais qu'elle a probablement eu plus d'un mec hier soir.
Son visage rougit. « Trois mecs. Pas mon meilleur score, mais le dernier m'a épuisée. J'ai fini par juste dormir avec lui. Il est même resté avec moi », avoue-t-elle.
Je m'étouffe avec rien. « Beurk ! Trop d'infos ! » Je frissonne. « Mais le mec avec qui j'étais n'est pas parti non plus. J'étais surprise. Je pensais qu'il serait parti à mon réveil », je lui raconte.
Elle hoche la tête. « Alors... tu as eu son numéro ? » Elle sourit malicieusement.
Je soupire, mais décide de répondre. « Je crois qu'il ne m'aurait pas laissée partir sans. » Je ris doucement.
Ça suffit à faire éclater de rire Nancy, mais elle garde les yeux sur la route.
« Claire, je croyais que tu ne faisais que des coups d'un soir. Je m'en fiche si tu décides de te caser mais— » Je l'interromps.
« Nancy, on ne sort pas ensemble. On ne sortira jamais ensemble. Je ne veux aucune relation avec lui—ni avec personne d'autre. Rappelle-toi, j'en ai fini avec l'amour.
« Je n'en ai pas besoin pour vivre. Je suis très heureuse sans », je dis fermement.
Nancy secoue la tête. « Tu sais, Claire, un jour, un mec va tomber follement amoureux de toi, et il se battra pour toi quoi qu'il arrive.
« Et quand ça arrivera, t'as intérêt à ne pas tout gâcher ! Parce qu'il pourrait être l'un des seuls hommes sur cette planète qui se bat vraiment pour la femme qu'il aime », soupire Nancy rêveusement.
Même si Nancy brise des cœurs, elle cherche toujours son homme idéal. Elle attend celui qui se battra pour elle.
Ils ne l'intéressent simplement pas assez pour un deuxième rendez-vous et elle refuse de donner de faux espoirs aux mecs. Elle est honnête sur le fait qu'elle les aime ou non.
Sa philosophie : « La vie est trop courte pour s'inquiéter de blesser les sentiments des gens. Arrache le pansement ou laisse la plaie s'infecter. C'est ton choix. » Ouais, elle est vraiment joyeuse.
Je ris. « Le jour où ça arrivera, ce sera le jour où l'enfer gèlera », je dis doucement alors qu'on se gare dans son allée.
On prend chacune notre tour pour se doucher et se changer avant d'aller au Molly's Diner.
Le Molly's Diner est le meilleur resto du monde ! Molly est une cuisinière incroyable et elle est comme ma famille. Elle est comme une grand-mère pour moi.
Je ne connais pas vraiment ma famille, alors Nancy, Molly et la boxe sont les seules choses proches que je considère comme ma famille. Oui, je considère la boxe comme ma famille. Ce n'est pas bizarre. J'aime toujours mes parents, mais ils ne s'intéressent guère à moi.
« Claire ! Ma chérie ! » s'exclame joyeusement Molly quand Nancy et moi entrons. Molly a la quarantaine bien tassée et est mariée avec deux enfants.
Ses enfants ont déjà quitté la maison, et maintenant c'est juste elle et son mari. Molly a des cheveux noirs foncés avec des mèches grises.
Elle a pris un peu de poids depuis la dernière fois que je l'ai vue, et elle a des yeux bleu océan profond. Elle est vraiment belle pour son âge.
Je la serre dans mes bras puis recule. « Salut, Molly », je la salue avec un sourire chaleureux.
« Tu devrais venir plus souvent », me gronde-t-elle gentiment, toujours souriante.
Je hausse les épaules. « Désolée, j'ai été occupée, Molly. Avec les cours, et... l'entraînement », je chuchote la dernière partie.
Molly est l'une des rares personnes à savoir que je suis White Wolf. Elle ne m'a jamais jugée et m'a même encouragée. Elle n'aime juste pas l'idée que je me blesse.
Elle hoche la tête. « Je comprends. Bon, profitons-en. Par ici, ma chérie », elle nous conduit à notre table préférée.
Notre table est toujours au fond du resto avec une banquette rouge confortable et une grande fenêtre donnant sur le ciel bleu profond et les nombreux grands arbres dehors.
Je m'assois, et Molly fait un câlin à Nancy avant d'aller à l'arrière. On vient ici si souvent que Molly sait exactement ce qu'on veut sans même avoir à demander.
« Alors, tu comptes faire quoi après le petit-déj ? » demande Nancy d'un air détaché, joignant ses mains comme une mère sur le point de donner une leçon de vie à son enfant.
Je hausse les épaules, resserrant mon sweat violet autour de moi. « Probablement retourner à la salle et m'entraîner le reste de la soirée. Combien de combats j'ai ? » je demande avec curiosité.
Elle hoche la tête. « Tu as cinq combats pour demain soir. Tu es sûre de vouloir affronter autant de gens ?
« Beaucoup de gens veulent te combattre maintenant parce qu'ils pensent pouvoir te battre », dit Nancy, l'air inquiet.
J'acquiesce. « J'en suis sûre. Nancy, j'ai gagné tous les combats que j'ai faits. Je sais me protéger— »
Nancy m'interrompt. « Mais ce n'est pas le problème, Claire. Tu affrontes différentes personnes—une à la fois. Et si tout un gang décidait de te combattre ? Tu ne peux pas affronter autant de gens, Claire. »
Le côté maternel de Nancy ressort. Je me mords la lèvre, me réprimandant d'avoir failli dire à Nancy quelque chose que je ne devrais pas. À la place, je laisse échapper un soupir.
Levant les yeux au ciel, je réponds : « C'est pour ça que j'ai un nom de boxe. Et c'est toi qui m'as proposé ce boulot », je lui rappelle.
Nancy me fusille du regard. « Claire, je t'ai proposé ce boulot parce que je savais que ce serait bon pour toi. Je t'ai fait commencer doucement et tu es devenue une combattante invaincue.
« Claire, je ne supporte pas l'idée que tu sois blessée. Tu penses peut-être que personne ne se soucie de toi, mais moi si. Je ne supporte pas l'idée de te voir souffrir. Ou à l'hôpital. » La voix de Nancy tremble, ses yeux se remplissant de larmes.
Je pousse un soupir et me glisse à côté de Nancy. Je l'entoure de mes bras, lui faisant un câlin réconfortant.
« Nancy, je sais que tu t'inquiètes. Vraiment. Mais il ne va rien m'arriver. Je te le promets. Et si ça arrive, ce sera ma faute. Pas la tienne.
« C'est moi qui fais mes choix, alors tu ne devrais pas te sentir coupable pour ce que je fais. Ce n'est pas ta faute. » Ma voix est calme et sincère.
Nancy essaie de me dissuader de boxer depuis une semaine maintenant. Elle pense que ça devient trop dangereux, surtout avec le nombre de mecs qui jurent de se venger.
Apparemment, se faire battre par une fille ne les fait pas se sentir bien dans leur peau.
Nancy hoche la tête au moment où Molly revient avec notre nourriture. J'ai commandé des pancakes aux myrtilles avec du sirop d'érable et du bacon sur le côté, avec un jus d'orange. Nancy a une omelette au fromage avec des saucisses et aussi un jus d'orange.
« Régalez-vous, ma chérie. C'est la maison qui offre », nous sourit Molly.
Je lui souris en retour. « Merci Molly, mais tu n'es vraiment pas obligée », je lui dis.
Elle fait un geste de la main. « Ne dis pas de bêtises, ma chérie. C'est moi qui offre. » Elle insiste, et avant que je puisse argumenter davantage, elle est partie.
Je secoue la tête en souriant, et commence à manger mes pancakes.
Nancy et moi parlons de choses et d'autres en mangeant. Quand nous avons fini, je laisse un pourboire sur la table et nous partons.
Nancy me dépose devant chez moi, et je lui fais un câlin serré avant d'entrer.
Je regarde mon iPhone : 11 h 29.
Parfait. J'ai largement le temps de m'entraîner.
« T'étais où ? » La voix de Blake me fait sursauter.
Je tourne la tête et grogne intérieurement. Pourquoi ? Pourquoi est-il là maintenant ? « Ça te regarde pas », je marmonne, et continue de marcher vers ma maison.
J'entends Blake rire derrière moi. « T'es vraiment quelque chose, tu sais ça... » Sa voix s'estompe alors que je ferme la porte d'entrée.
Je regarde autour de moi dans le salon. Mon père est affalé sur le canapé, regardant un match de foot. Ma mère est probablement au boulot. Elle est vendeuse dans un magasin.
On a à peine assez d'argent avec son salaire. Parfois, quand je me sens généreuse, je file quelques billets. Mais seulement quand j'en ai envie.
Je vais dans ma chambre et me change pour mettre mes vêtements de boxe : une brassière de sport violette, un short noir court, et des Converse violettes. Comme vous l'avez peut-être deviné, j'aime beaucoup la couleur violette.
On est en novembre maintenant et, même s'il fait très froid, je me suis habituée au climat du Montana.
Je prends mon sac de sport et tout ce dont j'ai besoin avant de courir vers la porte. « Je sors », je crie à mon père en partant.
