Je plongeai mon regard dans ses yeux sombres. L'espace d'un instant, le souffle me manqua. Sa beauté était à couper le souffle.
Ses cheveux en bataille lui donnaient un air irrésistible. Ses yeux profonds me captivaient. Son nez droit et sa mâchoire carrée ne faisaient qu'accentuer son charme. Et ses lèvres... elles étaient tout aussi attirantes.
Soudain, je vis son expression changer.
D'abord surpris, puis heureux, puis incrédule, et enfin... en colère ? J'étais déconcertée.
« Pas maintenant ! » s'écria-t-il avant de partir comme une flèche.
J'étais sous le choc. J'avais trouvé mon compagnon. Ce moment que j'avais tant redouté.
Depuis la mort de mes parents, j'avais peur de m'attacher. Je craignais de perdre à nouveau des êtres chers. Mais je ne m'attendais pas à ça. J'avais trouvé mon compagnon et je l'avais perdu dans la foulée.
Mon côté humain comprenait sa réaction, mais pas ma louve. Je sentais sa souffrance, c'était insupportable. Je savais qu'elle essayait de me protéger, mais je ne voulais pas qu'elle endure ça seule.
Elle avait toujours été là pour moi, même après la mort de nos parents. Je refusais qu'elle souffre en silence.
La voix d'Alice me tira de mes pensées.
« Quoi ? » dis-je, l'esprit ailleurs.
« Que s'est-il passé ? Tu le connais ? » demanda Alice.
« Non. »
« Alors pourquoi est-il parti en te voyant ? »
« Je n'en sais rien. »
« Pourquoi as-tu l'air dans la lune ? » insista Alice, sceptique.
« Je parlais à ma louve. »
« À propos de quoi ? »
« On se demandait si on l'avait déjà croisé. » J'étais étonnée que ma voix paraisse si normale.
« Alice, il faut que j'y aille. »
« Pourquoi ? Qu'est-ce qui ne va pas ? »
« Rien. Je dors mal à cause des examens et je suis crevée. Je pense qu'une sieste me fera du bien. » Je lui fis un petit sourire et filai avant qu'elle ne puisse poser d'autres questions.
Après une nuit blanche, je n'ai pas mis les pieds au restaurant pendant trois jours. Je n'ai pas quitté ma maison du tout, trouvant des excuses pour ne voir personne.
Ma louve a arrêté d'essayer de me protéger le lendemain, mais j'étais en colère contre elle. Comment pouvait-elle penser que je ne voulais pas partager sa douleur ? Nous ne faisions qu'une.
Au bout d'un moment, nous avons toutes les deux accepté ce qui s'était passé. Je ne pouvais pas fuir tout le monde éternellement. Plus important encore, je ne renoncerais pas à mes rêves pour un inconnu, même s'il était mon compagnon.
Je me sentais un peu mieux après ça.
Tout à coup, la sonnette retentit, suivie de coups violents à la porte. Je savais que c'était Alice et je me précipitai pour ouvrir avant qu'elle ne la défonce.
Alice faillit tomber à l'intérieur quand j'ouvris la porte. Je commençai à rire mais m'arrêtai net en voyant son air furieux.
« Désolée. »
« Bon sang, Rose ! Tu as disparu depuis trois jours. Tu ne répondais pas au téléphone. Nate m'a dit que tu n'étais pas allée en cours. Qu'est-ce qui se passe ? »
« Je ne me sentais pas bien. » Je détournai le regard.
Alice me saisit par les épaules et me fit pivoter vers elle.
« Que s'est-il passé, Rosie ? » demanda-t-elle à nouveau, d'une voix douce.
Je baissai les yeux et murmurai : « J'ai trouvé mon compagnon. »
« Quoi ? C'est génial, Rosie. Je suis si contente pour toi. » Elle s'interrompit. « Mais pourquoi n'as-tu pas l'air heureuse ? » Elle semblait perplexe.
« Il ne veut pas de moi. » Ma voix était à peine audible.
Elle resta silencieuse un moment avant de me serrer fort dans ses bras. Je fondis en larmes contre son épaule.
Elle me caressa les cheveux tandis que je sanglotais. Elle m'emmena jusqu'au canapé, où nous restâmes enlacées un long moment.
« Qui est-ce ? » demanda Alice, la voix pleine de colère.
« Personne que tu connaisses. » Je ne voulais pas lui révéler son identité. Si je devais surmonter ça, je ne voulais pas que quelqu'un d'autre le connaisse.
« Où l'as-tu rencontré ? Quand ? » insista-t-elle.
Je ne répondis pas tout de suite. Je ne pouvais pas dire au restaurant ou à la fac ; elle comprendrait tout de suite.
« Je l'ai vu en rentrant du restaurant. Il m'a fait comprendre d'emblée qu'il ne voulait pas de moi. J'ai compris et je suis partie. Mais ça fait mal. » Ma voix se brisa sur les derniers mots.
« Hé... » Elle prit mes mains dans les siennes.
« Je n'ai pas beaucoup d'amis. Tu le sais. Il n'y a que toi et Diana, et il m'a fallu du temps pour me sentir à l'aise avec vous. Mais, tu sais, j'ai toujours secrètement espéré trouver mon compagnon.
« Je pensais qu'il m'aiderait à ne plus avoir peur d'être entourée, comme quelqu'un qui me sauverait. Mais la façon dont il m'a rejetée dès notre rencontre... ça fait mal.
« Même si je dis que je ne veux pas que les gens s'approchent, au fond de moi je veux quelqu'un qui sera mien, quelqu'un que je pourrai fièrement appeler ma famille. »
Je dis tout cela d'une voix douce, en jouant avec le bas de son t-shirt. Alice me serra fort contre elle.
« Il ne te mérite pas. Mais tu trouveras quelqu'un qui t'aimera comme tu le mérites, quelqu'un qui verra à quel point tu es exceptionnelle. »
Je ne dis rien, mais j'acceptai ses paroles, même si je n'y croyais pas vraiment.
Soudain, Alice se leva et m'entraîna avec elle.
« Quoi ? »
« Fini de broyer du noir. Debout. On va au restaurant. Diana s'est beaucoup inquiétée pour toi. Ne perds pas ton temps avec quelqu'un qui ne t'apprécie pas à ta juste valeur. Nous sommes là pour toi. »
Je lui souris en retour. Ses mots me redonnaient du courage.
Le reste de la journée se passa bien. Comme Alice l'avait dit, Diana était inquiète pour moi, et je me sentis coupable de ne pas leur avoir parlé.
Après que Diana m'eut un peu chouchoutée, je repris mon poste derrière le comptoir. L'affluence des clients m'aida à ne pas penser à mes problèmes. Mais je ne pouvais ignorer la douleur qui me rongeait.
Je sentis sa présence avant de le voir. Je le ressentais plus intensément quand il était proche. Ne le sentait-il pas lui aussi ? Ou était-il simplement plus doué pour l'ignorer ?
Je secouai la tête, essayant de chasser mon malaise, tandis qu'il s'asseyait dans un box, les yeux rivés sur moi. Son regard me rendait difficile de me concentrer sur mon travail.
Je me sentis soulagée quand il partit enfin. Mes mains tremblaient encore légèrement. Je demandai à Alice de me remplacer et allai dans la salle de repos.
Je pris quelques grandes inspirations pour me calmer. Le reste de la journée se déroula normalement. Comme d'habitude, Diana, Alice et moi discutâmes ensemble.
« Ça va, ma chérie ? » me demanda à nouveau Diana.
« Ça va, Diana. Je suis juste un peu fatiguée à cause des révisions. Ça va mieux maintenant. »
Diana n'avait pas l'air convaincue, mais elle n'insista pas, ce qui me soulagea.
« Tu savais que l'ex-petit ami d'Aubrey vient ici tous les jours ? Il s'assoit toujours au même endroit et repart au bout d'un moment. »
« Il n'a pas de nom ? » Je m'agaçai qu'Alice continue de l'appeler le petit ami d'Aubrey.
« Je ne sais pas. Il n'a jamais dit son nom à Clarke quand il a demandé. En fait, il ne dit jamais rien à part sa commande. Mais pourquoi ça te dérange ? » demanda Alice.
« Je... Ça ne me dérange pas. Je pense juste que l'appeler le petit ami d'Aubrey peut prêter à confusion », répondis-je.
« Ex, Rosie. Ex-petit ami. »
« On peut parler d'autre chose ? » demandai-je, lasse de l'entendre appelé le petit ami d'Aubrey.
Alice haussa les épaules et changea de sujet. Diana me regardait avec un sourire entendu. Je me sentis nerveuse. Même si elle soupçonnait quelque chose, elle ne disait jamais rien.
Je leur souhaitai bonne nuit et quittai le restaurant.
Dès que je sortis, je sentis sa présence. Je regardai autour de moi et le vis de l'autre côté de la rue, adossé à un lampadaire, les bras croisés. Il se redressa en m'apercevant.
Je pressai le pas, espérant l'éviter. J'étais en colère contre moi-même de ne pas avoir de voiture. Ça aurait été plus facile de lui échapper.
« Tu ne peux pas me fuir. Autant t'arrêter et discuter. » Sa voix grave me fit stopper net, et je sentis un frisson me parcourir le dos.
Je me retournai et il était juste derrière moi. Comment avait-il bougé si vite ?
« Tu as été clair l'autre jour. Je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit à ajouter. » J'étais fière que ma voix ne tremble pas, même si j'étais bouleversée intérieurement.
Il ferma les yeux et soupira.
« Je suis désolé pour ce jour-là, mais ce n'était pas ce que je voulais faire. »
« Alors qu'est-ce que tu voulais faire ? »
Il regarda autour de nous dans la rue. « On peut aller quelque part pour parler ? »
Le pouvais-je ? Oui. En avais-je envie ? Je n'étais pas sûre. Mais je décidai qu'il valait mieux affronter ça maintenant, pour surmonter la douleur au plus vite. J'acquiesçai.
« Tu veux retourner au restaurant ? » demanda-t-il.
Je secouai la tête.
« Non, je préfère garder ça loin de mes amies. Diana ne sait pas que j'ai trouvé mon compagnon et que je l'ai perdu le même jour. Pour elle, rien n'est plus important qu'un lien d'âmes sœurs. »
« Tu as un endroit en tête ? »
« Il y a un café au coin de la rue. C'est petit mais sympa. »
« Si ça te convient. Tu peux me montrer le chemin ? »
J'acquiesçai et me tournai pour aller vers le café. Alors que je faisais un pas, il me saisit le poignet. Je haletai en sentant une décharge remonter mon bras à son contact.
« Tu ne m'as pas perdu », dit-il doucement. Je le fixai, incapable de parler. Il lâcha ma main et m'indiqua de continuer.
« Je... Je... Oui... » J'avais du mal à articuler et me retournai vers le café.
Que voulait-il dire par là ?
