Emmeline m'a réveillée en trombe, me disant que notre père voulait me voir sur-le-champ.
En entrant dans la pièce, j'ai eu un choc en voyant les hommes que j'avais observés depuis ma fenêtre.
Je savais que je n'aurais pas dû les épier. C'était mal.
Tout le monde savait que père avait convoqué l'alpha de la meute Tenebris. On le disait cruel, dur et sans compagne.
Emmeline espérait encore dénicher un compagnon haut placé. Peu lui importait qu'ils soient destinés ou non.
Pas moi. Je ne voulais que trouver mon véritable compagnon.
Regarder un alpha était irrespectueux ; je n'avais pas l'intention de le dévisager. J'étais juste curieuse. Il quittait rarement son territoire, sauf pour attaquer.
Du coup, peu de gens pouvaient dire à quoi il ressemblait.
Et maintenant, j'étais dans la même pièce que lui. J'aurais dû avoir peur, mais bizarrement, ce n'était pas le cas.
Mon père essaya de parler, mais l'alpha le coupa.
Je trouvais ça grossier ; c'était quand même la maison de la meute de mon père.
Puis il prit mon menton dans ses grandes mains. Elles étaient tatouées et il portait plein de bagues en or aux doigts.
J'avais l'impression d'être une bête à vendre quand il tourna ma tête de gauche à droite. Ça m'a mise en rogne. On n'était peut-être pas aussi riches que lui et sa meute, mais on méritait quand même le respect.
Il ne m'a même pas posé sa question. À la place, il s'est adressé à mon père. Comme si je ne pouvais pas parler ou répondre moi-même.
Puis il m'a ordonné de le regarder. Je ne voulais pas, mais il m'y a forcée.
Je n'ai croisé son regard qu'une seconde avant de détourner les yeux.
Ensuite, il a eu le culot de remettre en question l'identité de mes parents. Là, j'ai décidé que je ne l'aimais pas. Pour qui se prenait-il !
Mon père avait à peine commencé à parler qu'il s'est fait couper la parole. Je crois qu'il allait expliquer un truc sur ma mère, mais il n'en a pas eu l'occasion.
Puis il a prononcé les mots qui m'ont fait flipper.
« Bien, je la prends. »
J'avais gardé la tête baissée par respect, mais en entendant ça, j'ai levé les yeux vers lui. Son visage ne trahissait aucune émotion. Ni gentillesse, ni colère. Juste de l'indifférence.
J'ai regardé mon père, inquiète.
C'était son idée ?
« Papa ? » ai-je demandé, mais l'homme effrayant m'a coupée.
« Skylar ? Regarde-moi. »
J'ai dégluti nerveusement mais je l'ai regardé à nouveau.
Puis il a dit les mots qui m'ont donné la nausée.
« À genoux. Soumets-toi à ton alpha », a-t-il ordonné.
Je n'arrivais pas à y croire. Mon père me donnait vraiment.
J'ai secoué la tête et reculé d'un pas.
« N... non. Je ne le ferai pas. Vous n'êtes pas mon alpha », ai-je dit d'une voix tremblante.
J'ai regardé mon père.
« Papa ? Qu'est-ce qui se passe ? »
Il a essayé de sourire, mais je voyais bien qu'il était bouleversé.
« Sky... Tu dois partir avec l'Alpha Sebastian, tu vas être sa compagne. »
J'ai secoué la tête. Ce n'était pas possible. Mon père avait toujours été celui qui tenait les loups sans compagne à distance.
Et maintenant il me donnait à cet homme cruel, pour être sa compagne.
« Non... non, ai-je dit. Je ne partirai pas. Il n'est pas mon compagnon, pas mon vrai compagnon. »
Je me suis retournée et j'ai couru vers la porte. J'étais prête à m'enfuir s'il le fallait, mais je ne me donnerais pas à lui.
Je ne sais pas comment, mais l'Alpha Sebastian est arrivé à la porte avant moi. Il l'a claquée et m'a attrapée par les cheveux.
J'ai crié quand il a tiré ma tête en arrière. Ça faisait super mal.
Il m'a forcée à regarder son visage, qui exprimait maintenant de la colère.
« Tu vas te soumettre à moi, Skylar, maintenant à genoux », a-t-il menacé.
J'ai entendu une voix dans ma tête ; au début j'ai cru que c'était peut-être ma louve, mais j'ai vite compris que c'était Emmeline qui me parlait par télépathie.
Elle n'avait pas besoin de me le dire. Je n'en avais aucune intention.
J'ai demandé à ma louve de me donner la force et le courage dont j'avais besoin.
« Je ne le ferai pas », ai-je dit les dents serrées.
Sa main a agrippé ma gorge.
S'il fallait choisir entre me soumettre ou mourir, je préférais mourir.
Après ça, tout s'est enchaîné très vite.
Les portes se sont ouvertes d'un coup et deux guerriers que je ne connaissais pas sont entrés, mon père a essayé de les arrêter, l'Alpha Sebastian a hurlé de colère...
Puis l'un des guerriers s'est approché de moi avec une corde. J'ai essayé de me débattre mais l'alpha me tenait fermement.
Quand la corde a touché ma peau, j'ai hurlé.
Elle me brûlait au contact, et a continué de me brûler pendant que le guerrier attachait brutalement mes mains.
Il devait y avoir un truc dessus. De l'aconit, ou de l'argent.
J'ai senti ma louve s'affaiblir à mesure que les produits chimiques faisaient effet.
« Ça fait mal », ai-je pleuré.
L'alpha m'a regardée et a souri méchamment, presque comme s'il était content de me voir souffrir.
« Voilà ce qui arrive quand on désobéit à son alpha. »
J'allais lui crier qu'il ne serait jamais mon alpha, mais il s'est simplement éloigné.
Même si je le voulais comme compagnon, quel genre de compagnon serait-il ? Il était horrible et cruel.
Je le détestais.
J'ai lancé un dernier regard suppliant à mon père.
« S'il te plaît Papa... Ne fais pas ça », ai-je imploré.
« Sois... sois juste une gentille fille, Skylar. Tout ira bien si tu es une gentille fille », a-t-il dit.
Puis on a tiré violemment sur la corde. Je suis tombée en avant.
J'ai été traînée hors de la maison de la meute par la corde autour de mes poignets, totalement ignorée par l'alpha et les deux guerriers.
Quand ils trouvaient que je ne marchais pas assez vite, ils tiraient brutalement sur la corde.
J'ai jeté un dernier coup d'œil en arrière alors que ma maison disparaissait. Des larmes silencieuses coulaient sur mon visage.
J'avais toujours essayé d'être sage. D'être respectueuse. À quoi ça m'avait servi ?
Pourquoi n'avait-il pas voulu ma sœur ?
Elle serait partie avec lui volontiers. Alors pourquoi m'avait-elle dit de ne pas me soumettre ? Pas que je le voulais, mais c'était bizarre.
J'ai vite arrêté d'y penser car des épines et des branches entaillaient la peau de mes jambes et de mes pieds.
Normalement, ma peau aurait simplement guéri, mais du sang coulait des coupures, chacune d'elles me faisant plus mal. Sans ma louve, je ne guérirais pas. C'est ce qu'il voulait dire par résultats ?
Chaque fois que je trébuchais ou tombais, le guerrier qui me tirait donnait un coup sec sur la corde. Le regarder avec colère ne faisait qu'empirer les choses. Il voyait bien que je saignais, mais ça n'avait pas l'air de le déranger.
Je l'ai senti.
On approchait de la frontière entre ma meute et la sienne. Une fois cette ligne franchie, il n'y aurait plus de retour possible. J'avais entendu les histoires. Une fois sur son territoire, je ne pourrais plus jamais partir.
C'était chez moi ; on m'emmenait contre ma volonté.
Je me suis arrêtée net.
Le guerrier qui tenait la corde a tourné la tête et m'a regardée avec colère.
« Avance », a-t-il ordonné.
Je n'ai pas bougé et j'ai secoué la tête.
Il a donné un énorme coup sur la corde si fort que je suis tombée à genoux.
Je me suis mise à pleurer ; ce n'était pas seulement la ligne invisible qui avait été franchie. Je sentais autre chose aussi. Un rejet, une connexion brisée.
J'avais été rejetée par ma meute.
J'avais entendu des histoires sur ce que c'était d'être rejeté par son compagnon. C'était rare, mais ça arrivait. Mais la douleur d'être rejeté par sa meute était dix fois pire.
Pas étonnant que les rogues deviennent fous ou accros à l'aconit.
Je tenais mon ventre comme je pouvais, les mains toujours attachées. Je me suis pliée en deux de douleur et j'ai laissé couler mes larmes.
Je n'ai relevé la tête que quand j'ai senti une main douce sur ma joue.
« C'est ça, Skylar, agenouille-toi et soumets-toi à moi. »
Je me suis écartée de sa main et j'ai levé les yeux, le fixant avec colère.
« Vous... Vous avez fait ça. Vous l'avez forcé à me rejeter de ma meute », ai-je dit.
Il m'a regardée et a hoché la tête.
« C'est pour le mieux. Maintenant tu n'as plus qu'à t'agenouiller et te soumettre à moi en tant que ton alpha et ton compagnon. »
J'ai secoué la tête et je l'ai fixé avec colère.
« Je ne me soumettrai jamais à vous, jamais. Je préfère mourir. Je vous déteste. »
J'ai regardé la corde qui liait mes poignets. Je savais qu'elle contenait de l'aconit ou de l'argent. Mes poignets brûlaient encore à son contact.
J'ai compris pourquoi le guerrier portait des gants.
J'ai attrapé la corde à mains nues. Je n'ai pas cherché à retenir le cri qui est sorti de ma bouche quand la corde m'a brûlé les mains.
L'Alpha Sebastian m'a arraché la corde des mains. Il m'a regardée avec colère.
« Pourquoi ? Pourquoi faire un truc aussi stupide ? Tu sais que cette corde contient de l'argent et de l'aconit ? »
Je l'ai regardé méchamment.
« Vous voulez me faire mal... allez-y, ou tuez-moi, vous pouvez le faire aussi, je m'en fiche maintenant », ai-je dit avec colère.
Il m'a regardée et a secoué la tête, puis il m'a attrapé le bras et m'a remise sur mes pieds.
Il a regardé le guerrier qui tenait toujours la corde.
« Allez, on y va », a-t-il dit avec colère en s'éloignant.
Le guerrier a tiré doucement sur la corde. Plus doucement qu'avant. Peut-être qu'il avait pitié de moi.
Je n'avais pas besoin qu'il ait pitié de moi. J'attendrais juste qu'une occasion de m'échapper se présente.
Je n'avais pas besoin d'écouter les derniers mots de ma sœur. Je ne me soumettrais jamais à lui. Je préférais mourir d'abord.
