Rejetée, Remplacée et Oubliée

« Zut ! J'ai oublié ma casquette. Une seconde, Jay. »

Je suis sortie de la voiture de mon frère et j'ai claqué la portière avant de retourner en courant dans la maison de la meute.

J'ai grimpé les escaliers quatre à quatre et je suis entrée dans ma chambre. J'ai vite fouillé mes affaires et trouvé ma casquette.

C'était une vieille casquette de baseball rouge que mon père m'avait offerte quand j'étais petite. Je la portais tous les jours. Je la portais parce qu'il me manquait beaucoup, et parce qu'elle m'aidait à passer inaperçue.

J'ai entendu un coup de klaxon et j'ai pesté, sursautant presque. J'étais toujours en retard et aujourd'hui ne faisait pas exception.

Je me suis retournée et je me suis étalée de tout mon long.

J'ai marmonné dans ma barbe et je me suis frotté le coude que j'avais cogné par terre. J'ai baissé les yeux et j'ai levé les yeux au ciel. Leah avait laissé ses talons hauts au milieu de la pièce.

Comme il y avait beaucoup de monde dans la maison de la meute, je devais partager une chambre avec ma cousine.

Leah avait un an de plus que moi et on s'entendait bien jusqu'à ce qu'elle ait de la poitrine et commence à s'intéresser aux garçons.

C'est là que Leah et moi étions différentes. Elle aimait le maquillage et les talons hauts, j'aimais les jeans et les sweats.

J'ai été élevée par une mère qui n'aime pas les trucs de fille, mon grand frère, Jay, et mon père, donc pas étonnant que je ne sois pas devenue très féminine.

Le klaxon a retenti à nouveau et j'ai filé hors de ma chambre, oubliant de fermer la porte. Je suis montée dans le pick-up de mon frère et je lui ai souri.

« Désolée, j'avais la tête ailleurs. »

Jay a levé les yeux au ciel et a démarré.

« Quand est-ce que tu ne réfléchis pas ? Tu sais que je déteste être en retard, mais chaque matin, c'est la même rengaine. Pourquoi tu ne mets pas ton réveil plus tôt ? »

J'ai haussé les épaules. « On sait tous les deux que je dormirais juste plus longtemps. »

Jay a ri. « Ouais, c'est bien ton genre. Je suppose que je dois m'y faire, tu es ma petite sœur après tout. »

Il m'a donné un petit coup d'épaule, me faisant sourire.

Mon frère et moi étions très proches quand nous étions seuls, mais en public, nous gardions nos distances.

Je restais loin de lui et de ses amis importants, et il restait loin de moi et de mon seul ami, Sam. Il était le second de la meute et devait préserver son image.

La distance ne me dérangeait pas. Je n'aimais pas attirer l'attention et son rang le mettait sous les projecteurs partout où il allait.

« Tu sais que ça fera trois ans que Papa est parti le mois prochain », a dit Jay doucement. J'ai hoché la tête et regardé la forêt défiler, souhaitant pouvoir y être plutôt que d'aller à l'école.

J'ai soupiré. « Ouais, je sais. Je me demande comment Maman va le supporter. »

« Pas mieux que les autres jours, elle erre comme si elle n'était pas vraiment là. »

J'ai haussé les épaules. « Au moins elle n'a pas essayé de mettre fin à ses jours. »

Jay a crié. « Liv ! C'est horrible. »

Je ne le voyais pas comme ça. « C'est vrai pourtant, Jay. Je veux dire, la plupart des loups veulent mourir quand ils perdent leur compagnon. Maman est juste plus forte que les autres, j'imagine. »

Jay a acquiescé. « Eh bien, remercions la Déesse qu'elle le soit, imagine si on l'avait perdue aussi ? »

J'ai regardé par la fenêtre. « On serait orphelins. »

Nous sommes arrivés à l'école environ cinq minutes plus tard ; nous n'avons plus parlé après notre conversation sur Maman.

Jay et moi avions un point commun : nous détestions parler de nos sentiments. On ne voyait pas souvent Jay ou moi pleurer ou être tristes.

En général, nous ne montrions pas beaucoup d'émotion quand nous étions contrariés.

« À plus tard, Jay », ai-je dit doucement en sortant de sa voiture. C'était le moment de la journée où je l'ignorais totalement et il m'ignorait.

Jusqu'à la fin des cours où nous nous retrouvions dans la voiture. Là, nous pouvions rire, parler et plaisanter autant que nous voulions.

« Olivia ! » Je me suis retournée et j'ai fusillé Sam du regard.

« Quand est-ce que tu vas arrêter de m'appeler comme ça ? » ai-je dit avec colère.

Sam a ri, ses yeux bleus pétillants. « Jamais, j'aime te mettre en rogne, Olivia. Ta réaction est trop drôle pour que je m'en prive. »

J'ai levé les yeux au ciel. « La seule personne qui m'appelle Olivia à part toi, c'est ma mère. Tu sais à quel point c'est agaçant ?

Peu importe combien de fois je demande Livy ou Liv, elle insiste pour utiliser mon nom complet. »

« Elle a raison, tu sais. C'est elle qui t'a donné ce nom. » Il a sifflé et secoué lentement la tête. « Ta cousine est vraiment canon. »

Je me suis retournée et j'ai regardé de l'autre côté de la cour ma cousine, Leah.

C'était une très jolie blonde qui ressemblait à un ange, bien qu'elle n'agisse pas comme tel. Non seulement elle avait un corps de rêve, mais elle savait comment le mettre en valeur.

Cela faisait qu'à peu près tous les gars la voulaient, y compris mon idiot d'ami Sam.

Je l'ai frappé derrière la tête. « Arrête, tu me mets mal à l'aise. »

Il a ri et mis ses mains dans les poches de son manteau avant de se diriger vers l'école.

Je n'étais pas jalouse de ma cousine. Ça ne me dérangeait pas que les gars l'aiment.

En fait, j'aimais bien qu'elle adore l'attention parce que moi je n'aimais pas ça. Elle attirait tous les regards et n'en laissait aucun pour moi, exactement comme je l'aimais.

« On dirait que Leah et Cole sont de nouveau ensemble », a dit Sam. J'ai hoché la tête sans m'en soucier.

Cole Emerson allait devenir le prochain alpha. J'ai froncé les sourcils à cette pensée.

Quand je pensais à Cole Emerson, quelque chose me tracassait.

C'était quand son anniversaire déjà ? Je savais qu'il allait avoir dix-huit ans bientôt, ce qui signifiait que notre meute allait changer quand il prendrait le pouvoir.

« Vraiment ? C'est surprenant. Je pensais qu'il avait rompu pour de bon la dernière fois », ai-je dit, sortant de mes pensées.

Sam a ri. « On dirait que non. Tu sais, je suis surpris qu'elle ne soit pas sa compagne. Elle ferait une luna correcte. »

J'ai ri. « Tu dis ça juste parce que tu la trouves jolie. »

Sam a haussé les épaules comme s'il s'en fichait. « Peut-être, peut-être pas. Je peux avoir une opinion, même si elle est basée uniquement sur le physique. »

J'ai levé les yeux au ciel et ajusté ma casquette. « De toute façon, il ne saurait pas s'ils étaient compagnons. Il n'a même pas dix-huit ans. »

J'ai donné un coup de pied dans un petit caillou en marchant vers les portes, essayant de le faire avancer droit.

« Si, il les a. C'est son anniversaire aujourd'hui. Tu n'écoutais pas ce matin ? Tout le monde lui a chanté joyeux anniversaire avant qu'il parte pour l'école. »

J'ai haussé les épaules. « J'ai le sommeil lourd. »

Sam a levé les yeux au ciel. « Bien sûr, tu as raté le plus grand moment de l'histoire de la meute. C'est notre cinquantième alpha. »

« Ah bon ? C'est plutôt cool, j'imagine », ai-je dit en donnant un coup de pied dans le caillou. Il a sauté par-dessus un terrain inégal. Je me suis dépêchée de le rattraper.

Sam a hoché la tête, essayant de me suivre. « C'est plus que cool, c'est un grand honneur. Dommage que ce soit gâché pour lui. Il s'en fiche complètement. »

J'ai haussé les épaules. « Qui s'en soucie ? Tant qu'il ne nous tue pas tous, je suis contente. »

Nous avons continué à marcher, et j'ai veillé à continuer à donner des coups de pied dans le caillou. Nous sommes arrivés aux portes, et j'ai donné un grand coup de pied dans le caillou, ne m'attendant pas au cri bref qui a suivi.

« C'est quoi ce bordel ? Qui m'a balancé un caillou ? »

Je me suis figée et j'ai eu peur, juste ma poisse habituelle. Ma stupide poisse habituelle. Je me suis tournée sur le côté et j'ai baissé la tête. « Je suis désolée, Alpha. »

J'ai entendu Cole soupirer. « Ce n'est pas ta sœur, Jay ? »

J'ai entendu mon frère grogner. « Malheureusement. »

J'ai levé un peu les yeux pour voir mon frère l'air en colère et embarrassé, ce qui n'était jamais bon signe.

J'ai soudain senti une odeur étrange dans l'air ; c'était un mélange entre une sorte d'eau de Cologne agréable et des fraises. Ça sentait vraiment bon.

« Bon, eh bien, tu peux y aller maintenant ou je ne sais quoi. Dégage. »

Des rires moqueurs ont suivi de la part de notre nouvel alpha et de ses amis.

J'ai hoché la tête et levé les yeux seulement pour être captivée par les plus beaux yeux noisette que j'aie jamais vus.

Il semblait que lorsque j'ai regardé dans ces yeux, le temps s'est arrêté. Tout a cessé de bouger autour de moi, et la seule chose sur laquelle je pouvais me concentrer était mon propre battement de cœur et lui.

J'ai entendu ma louve hurler de joie, heureuse d'avoir trouvé son compagnon.

Et puis ma cousine l'a embrassé, et j'ai senti mon cœur se briser.

« Compagnon », ai-je murmuré. Immédiatement, tout le monde s'est tourné pour me fixer.

Jay a été le premier à parler, son rire emplissant l'air. « Qu'est-ce que tu as dit ? »

« Je-je... »

Un des autres membres de la meute a ri. « Je crois qu'elle a dit "compagnon". »

J'ai senti mon visage rougir et j'ai regardé Cole, attendant qu'il me prenne dans ses bras ou m'embrasse ou quelque chose.

J'ai vu ses yeux parcourir rapidement mon corps et je me suis silencieusement maudite pour mes vêtements amples et ma casquette de baseball.

Il a regardé mon visage d'un air ennuyé puis il a souri méchamment. J'ai senti mon cœur s'emballer et je n'avais qu'une envie, lui sauter dessus.

Peut-être que mes vêtements l'avaient déçu mais j'étais sûre que mon visage ne le décevrait pas. Après tout, les compagnons étaient faits l'un pour l'autre, non ?

« Ouais, c'est ça, comme si un truc comme ça pouvait être ma compagne. Trop banale, trop ennuyeuse et trop... moche. »

J'ai senti mon cœur se serrer alors que des larmes que je ne voulais pas se formaient. Je ne voulais pas être blessée par son insulte. Je ne voulais pas me soucier de mon apparence ou de ce qu'il en pensait.

Mais face à lui, j'étais soudain faible.

« De quoi tu parles, Cole ? Je suis ta compagne ! Je suis la future luna ! »

J'ai senti la vérité de ce que je disais s'ancrer dans mes os et je me suis sentie confiante. J'étais la prochaine luna. J'étais sa compagne. J'avais senti la connexion se faire.

Jay avait l'air d'avoir reçu un choc ; il était sur le point de piquer une crise embarrassante. « Liv, ferme-la. Arrête de dire ces conneries et passe à autre chose. »

Je me suis tournée et l'ai fusillé du regard, reculant un peu. « Je ne mens pas, Jay ! Je le jure ! » Il me connaissait mieux que quiconque et savait que je ne ferais pas une scène sans raison.

Un des membres de la meute m'a regardée méchamment. « Tu as entendu Cole, il a dit que tu n'es pas sa compagne alors arrête tant qu'il te reste un peu de dignité ! »

Je me suis tournée et j'ai fixé Cole en me demandant pourquoi il ne faisait rien. Sûrement, il avait ressenti la connexion que j'avais ressentie ! Sûrement, il savait que nous étions compagnons, destinés à être ensemble.

« S'il te plaît, bien que je trouve ça un peu flatteur, ça devient aussi agaçant. Alors, va juste avec ton petit ami et laisse-moi tranquille. » Chaque mot me blessait profondément.

« Mais, Cole... »

« Arrête d'être pathétique, Olivia ! Dégage ! Tu as entendu ce qu'il a dit. Maintenant arrête de faire ta folle et va-t'en ! » a crié Jay.

Il essayait désespérément de retrouver son air cool maintenant que je nous avais fait passer pour des idiots tous les deux.

« Comme ton frère l'a dit, dégage. Je ne suis pas intéressé et ne le serai jamais. J'ai une compagne quelque part, mais ce n'est pas toi. »

Cole m'a enlevé ma casquette et l'a jetée dans l'eau à quelques mètres de là, la trempant et me blessant encore plus.

Si ça avait été n'importe qui d'autre, j'aurais essayé de lui mettre mon poing dans la figure, mais parce qu'il était un alpha et mon compagnon, j'ai juste accepté et suis allée récupérer ma casquette ruinée.

Essayant d'arrêter les larmes qui coulaient sur mon visage, je me suis retournée et me suis figée.

J'ai regardé Cole mettre ses bras autour de Leah - les bras qui étaient destinés à moi.

J'ai regardé alors qu'il embrassait sa joue, puis son nez, puis sa bouche.

J'ai regardé Leah planter ses ongles dans ses cheveux, et ses mains descendre sur sa taille.

Je les ai regardés s'étreindre, ne sachant pas que voir cela me brisait en mille morceaux.

Non seulement j'avais été rejetée, mais j'avais été remplacée. Et debout là à les regarder, j'ai réalisé que j'avais été totalement et complètement oubliée.