Je respire difficilement tandis que je cligne rapidement des yeux, la neige me frappant doucement, atterrissant sur mes cils battants.
C'est la première fois de ma vie que je suis plongée dans le silence. Lorsque j'entends un coup de tonnerre, je sursaute, mon esprit essayant encore de dire à mon corps ce qu'il doit faire.
Comme respirer, par exemple.
"Waouh, tellement super !" entends-je dire Kitty à côté de moi, son souffle visible dans la température fraîche.
Je réalise qu'il fait nuit, et tout ce que je peux voir, c'est un mur de glace massif à une cinquantaine de mètres dans les airs avec une ouverture géante, digne des anciens dieux. Cela ne peut pas être réel...
Je lève les yeux et j’aspire de l’air, ma main couvrant ma bouche.
Une énorme planète lumineuse est visible dans le ciel nocturne étincelant, illuminant tout de nuances de bleu, donnant à la neige blanche une apparence magique. Elle est si proche que je peux réellement voir l'atmosphère bouger autour d'elle.
"Regarde ! Putain de..."
"Ma sœur...putain de merde. Ouais, c'est ce qui donne à cette planète sa putain de magie ! Ça alimente cette planète avec tellement d'énergie", dit Kitty la bouche ouverte, puis elle tire sur mon manteau.
"Regarde. Nous sommes dans un camp en face du sanctuaire. Nous attendons que les hommes de Xilleth arrivent pour t'escorter jusqu'au palais ! Ils n'ont pas fait confiance aux moines pour te remettre eux-mêmes entre leurs mains.”
"Trop de mal rôde dans ces vallées. Ils les appellent les Ombres, de sombres combattants qui terrorisent les populations du Nord et du Sud. Des âmes possédées et ressuscitées de cette sorcière maléfique."
Je regarde autour de moi et je vois partout des hommes et des femmes vêtus de vêtements résistants au froid, en fourrure, et de chapeaux à larges bords qui s'inclinent vers le bas.
Je repère une grande table de restauration où l'on semble servir de la nourriture chaude, la vapeur étant visible dans l'air de la nuit. Le camp est massif, et je peux voir des terres enneigées aussi loin que mes yeux me le permettent.
C’est froid et désertique, mais c'est étrangement beau, la neige scintille comme des diamants dans les congères.
Je ferme mon manteau, me sentant étrangement... parfaitement bien.
Ce tissu doit être follement isolant.
Je vois Kitty utiliser sa main gauche comme si elle tapait à la machine. "Ohhhh…cool ! Ils ont mis à jour le système, tellement plus facile à utiliser !"
"Quoi ?"
"Je parle à Pierce et je tape à la machine, soeurette", dit Kitty tout en ricanant, puis elle fait un signe de tête vers la gauche.
"Les moines sont des maîtres de l'air et peuvent fabriquer des tentes de glace à partir de l'énergie de l'atmosphère. Chaque royaume voyage avec au moins quelques maîtres de l'air parce qu'ils fournissent un abri instantané."
Je vois d'étonnantes structures de dômes de glace dans la neige, beaucoup d'entre elles sont éparpillées partout.
Incroyable.
"C'est ta tente pendant que tu attends l'arrivée de l'armée." Je vois un grand dôme de glace avec des rideaux blancs accrochés à l'extérieur.
"Oh, et ton nom est Hiro Suko. Les Suko étant lié à certaines des lignées les plus anciennes et les plus pures, tu es l'une des dernières, à part ton père."
"Merci, c'est important de le savoir." Je la regarde. "Bon travail d'agent, Kitty."
Elle me regarde. "Je lisais juste ton dossier que Pierce a téléchargé."
"Oh...eh bien, bonne lecture, alors."
"Merci, amie-sœur."
Un homme s'approche de nous, vêtu d'une longue cape brune en fourrure, d'origine asiatique, et paraissant plus âgé avec ses cheveux grisonnants. "Princesse Hiro, votre hutte de glace est prête. S'il vous plaît, sortez du froid."
Il s'incline, les mains tendues devant lui. N’est-il pas mignon !?!? Je refoule ma réaction étourdie.
Et c'est fou comme on parle automatiquement leur langue ! Je suis tellement excitée par cette aventure, je ne peux même pas me contenir.
"Merci beaucoup !" dis-je avec un peu trop d'enthousiasme. "Cet endroit est tellement époustouflant !" Je regarde autour du camp, ne croyant pas que je suis vraiment ici.
Il me lance un regard bizarre.
Je sens que Kitty me pousse.
"Ahhh !" Je respire bruyamment et me bouche les oreilles. "Tu viens de..."
Elle vient de parler dans ma tête !
L'homme m'attrape le bras, les yeux écarquillés d'inquiétude. "Princesse, est-ce que tout va bien !?"
Il dégaine son épée, regarde autour de lui, et siffle en l'air, ce qui amène plusieurs hommes à dégainer leurs épées, se criant les uns aux autres de se mettre en position.
Merde !
Mon instinct de survie se réveille.
Je ris, rougissant dans le froid. "Oh…oui, je vais bien, je suis désolée", dis-je négligemment. "Vous pouvez baisser les armes ! Je viens de voir quelque chose…euh, un lapin- là-bas."
Un lapin ?
Il fronce les sourcils en me regardant, l'épée toujours levée.
Je lance un regard à Kitty, refoulant mon irritation. "Alors quoi ?!" murmuré-je.
L'homme lève le poing et les autres hommes baissent leurs épées.
"Princesse ? Rentrons à l'intérieur", dit l'homme avec de l'inquiétude dans son regard sombre. "Je suis sûr que vous êtes juste nerveuse à cause du long voyage qui vous attend."
Parfait.
Bon début.
La princesse Hiro est une patate.
Je lui fais un signe de tête, sentant les yeux sur moi.
On me conduit à une superbe hutte de glace, et mes yeux s'écarquillent lorsque j'y entre, marchant sur un grand plancher en peau de fourrure et voyant un lit de glace avec de la fourrure drapée dessus. Puis je regarde à ma gauche et vois une table et des chaises de glace.
"Waouh..." Il y avait même un grand pot avec des braises brûlantes, réchauffant la pièce, la rendant confortable.
Insensé.
L'homme me quitte, mais pas avant de me lancer un regard hésitant. Je jette un coup d'œil à Kitty et saisis ses épaules, la secouant. "Tu as parlé dans ma tête ? ! Préviens-moi d'abord !"
"Oui, soeurette, je pense que ce vieux schnock a cru que tu étais sous l'emprise de drogues." Elle rit. "Ils ont bien ce genre de choses ici."
Il l'a probablement pensé ! Je regarde la pièce, étonnée. "Comment se fait-il que la glace ne fonde pas ?"
"C'est enchanté. Les maîtres de l'air sont comme les charpentiers de ce monde. Plus le maître de l'air est expérimenté, plus l'enchantement est long. Certaines structures peuvent durer éternellement, comme les palais de glace."
"Waouh", dis-je, en marchant autour, en touchant le mur de glace. Ce n'est même pas si froid, pas comme je m'y attendais. "Je ne quitterai jamais cet endroit."
"Ouais, c'est l'un des endroits les plus radieux où j'ai voyagé." Elle regarde autour d'elle, ramasse une sorte de fruit bleu sur la table et en prend une bouchée, comme si c’était une pomme.
"Donc," dit-elle en mâchant, "ça pourrait être une victoire facile si nous sommes prudentes. Par exemple, tu dois cacher tes talents. Je veux dire, nous ne voulons pas que ton frère rompe les fiançailles."
"D'accord", dis-je, souhaitant ne pas avoir à les cacher. "Comment puis-je trouver l'Épée dans la Pierre ?"
"Je suis sûre que tu peux demander à ton futur mari. Ton frère t'emmène dans son château, et je pense que le roi de Petra s'y rendra pour te réclamer." Elle me regarde. "Meuf, tu peux devenir VILAIIINE !!"
"Chuut !" sifflé-je, en espérant que personne ne l'ait entendu. "Arrête avec cette voix !"
"Quelle voix ? Des SQUELETTES hurlants ! !!" Elle utilise son poing comme un micro et commence à secouer sa tête dans tous les sens, ayant l'air ridicule dans son déguisement de métamorphe.
"Kitty !" dis-je en la reprenant, priant pour que personne ne vienne ici. "Chuut !"
Elle s'arrête, respirant difficilement. "Je suis quelqu'un d'important."
"Princesse ?" entends-je de l'embrasure de la porte.
Je me lève d'un bond. "Oui ?"
Le même homme âgé passe la tête. "L'armée de Sa Majesté arrive." Il s'incline avant de partir.
Mon pouls saute. "Merci", murmuré-je.
"Et l'aventure commence !" dit Kitty en applaudissant. "Allons voir ! Ils chevauchent leurs grands animaux de compagnie, les ours polaires !" Comme pour étayer ses paroles, j'entends des rugissements et des grognements provenant de l'extérieur.
Je prends une inspiration et sors à travers mes rideaux, et mon cœur s'arrête. Le vent frappe mon visage tandis que je contemple la scène.
Je vois au moins cinquante ours polaires géants se frayer un chemin dans le camp, trois fois la taille de la version terrestre. Je vois un ours secouer sa tête massive, agité et rugissant, jusqu'à ce que l'homme qui le chevauche lui donne de la viande.
Les hommes ont l'air bien différents des moines et de mes origines asiatiques.
Ce doit être les Gaelin.
La plupart d'entre eux ont des nuances de cheveux blonds argentés, très élégants. J'en vois certains avec des cheveux plus foncés, mais la plupart ont une couleur pâle.
J'ai envie de me pincer, étant témoin de quelque chose que les Terriens ne penseraient même pas possible.
Mon regard les parcourt et voit les moines et d'autres hommes à l'allure militaire saisir les rênes des ours, les attacher à des poteaux enfoncés dans la neige. Je ne peux m'empêcher de les fixer.
Ce sont des êtres magnifiques, mais intimidants, ce sont des hommes de grande taille, je leur arriverais probablement à la poitrine.
Je regarde Kitty. "Leurs yeux brillent en bleu ?"
Trop cool.
"Oui, seuls certains d'entre eux le font, cela dépend aussi de la lignée", murmure-t-elle, l'air tout aussi captivée. "Je pense que seuls les Gaelin de haut rang le font."
Je jette un coup d'œil en arrière, et ma respiration se bloque.
Mes yeux vont immédiatement vers un homme sur un ours polaire, sa selle luisant d'argent au clair de lune alors qu'il est assis avec confiance. Il descend soudainement de sa monture, parle et montre du doigt certains des Gaelin.
Je ne peux détacher mon regard de lui alors que je le regarde se tourner vers moi, sans me soucier du fait que la bête qu'il montait rugit si fort que mon cœur s'arrête un instant. La tête de l'ours est plus grosse que la moitié supérieure de mon corps, terrifiant.
Je le regarde se tourner entièrement vers moi, et nos regards se heurtent instantanément. J'ai l'impression que quelqu'un me frappe si fort dans le ventre que je ne peux plus respirer correctement.
Je prends une seconde pour que mon esprit rattrape mes yeux. Je laisse échapper une lente inspiration, sentant mon pouls s'accélérer.
Cet homme est extraordinairement beau, avec une peau ivoire lumineuse et un regard hypnotisant qui brille dans l'obscurité. La belle et forte ossature de son visage ne sera probablement jamais égalée.
J'en suis sûre.
Quel plaisir de voir un spécimen masculin comme celui-ci. Et dire que j'ai dû quitter la planète Terre pour en être témoin. Je me sens sincèrement honorée de cette expérience.
C'est comme voir une licorne pour la première fois.
L'air s'engouffre à nouveau dans mes poumons avant que je ne m'évanouisse juste devant cette créature angélique.
Je m'étonne que tout son corps ne rayonne pas de sa gloire, ou qu'il ne se mette pas soudainement à pousser de grandes ailes blanches pour s'envoler et ne plus jamais être vu.
Mon regard vorace le dévore, chaque centimètre de sa stature de dieu. Qu'est-ce que ça fait d'être avec quelqu'un comme ça ?
Je remarque qu'il n'a pas non plus détourné son regard du mien, m'observant presque avec curiosité. L'ange porte un manteau de fourrure noire et blanche qui s'étend jusqu'au sol, ce qui lui donne l'air d’être issu de la royauté...
"Ma poule !" entends-je dire Kitty à côté de moi, me pinçant durement. "Qu'est-ce que tu fais ? !"
Je crois que je lui dis de la fermer, ou qu'elle me laisse seule avec mon bonheur oculaire, en colère qu'elle veuille ruiner ce moment unique pour moi.
J’admire un ange dans son habitat naturel.
J'aurais aimé avoir un appareil photo.
Elle m'attrape et me murmure à l'oreille: "Arrête de baiser ton frère du regard !"
Frère.
Non.
Ça ne me dit rien.
Kitty me pince à nouveau, en chuchotant davantage. "C'est ton FRÈRE, le roi Andreas de Xilleth, celui qui est ici pour te livrer à ta cible, à qui tu es fiancée !" siffle-t-elle dans un chuchotement.
Je romps le contact visuel avec l'être angélique et regarde Kitty avec horreur, mon monde s'écroulant peu à peu. Je regardais mon frère !? Quel. Putain. De. Beau. Montagnard.
Je me retourne brusquement et me dirige vers ma hutte, la gêne maculant mon visage.
A-t-il remarqué ! ?
"Où vas-tu ?" dit Kitty derrière moi.
J'ai des yeux de folle.
Je peux le sentir.
Kitty retire mes mains de sa gorge.
"Je ne savais pas !" siffle-t-elle. "Mais je comprends maintenant le drame autour d'Andreas. Ma sœur, la raison pour laquelle tu es dans un mariage arrangé, c’est Andreas.”
"Genre, il y a cinquante ans, Andreas a couché avec les deux femmes du roi de Petra. Alors pour régler ses comptes, Andreas propose maintenant sa sœur, une Aeko rare, en mariage."
Je la regarde fixement. "Attends, il a couché avec les deux ? En même temps ? Ensemble ?"
Elle ricane, en hochant la tête.
Des images coquines envahissent mon esprit. "Il y a 50 ans ? Quel âge a Andreas ?!" Mon esprit s'emballe, se dérègle et décroche.
"Une centaine d’années", dit-elle, "mais les Gaelin vivent longtemps".
"Il ne me ressemble pourtant pas. Comment peut-il être mon frère ? Je suis asiatique, une Aeko." Elle doit se tromper. Il ne peut pas être mon frère.
"Eh bien, vous êtes liés par le mariage, évidemment." Elle me regarde comme si j'étais stupide. "Ton père a épousé la reine de Xilleth, la mère d'Andreas, quand tu avais 5 ans.”
"C'est pourquoi tu es une princesse maintenant, sinon, tu ne serais pas de la royauté de Xilleth. Andreas ne t’a vue qu'une seule fois lorsque vous étiez plus jeune, ou du moins c'est ce que l'EBF a implanté dans ses souvenirs."
Je lui tourne le dos, fermant les yeux. "Oh, Dieu merci, nous ne sommes pas liés par le sang. J'étais sur le point de m'enfuir… très, très loin."
"Il est toujours techniquement ton frère", fait remarquer Kitty.
Ensuite, elle me tourne le dos et s'entoure de ses bras comme si elle embrassait quelqu'un.
Mon visage rougit tandis que je la regarde. "Ce n'était pas si mal."
Elle se couvre la bouche en riant. "Ma poule, tu dois l'inviter à dîner après l'avoir molesté visuellement. Ce pauvre homme."
Kitty va mourir.
J'étais sur le point de la plaquer au sol, mais j'ai senti une présence derrière moi, me faisant me figer avant d'exécuter la mort prématurée de Kitty. La couleur se vide de mon visage. Mon intuition se met en marche.
Je me tourne lentement pour le voir…MON FRÈRE…se tenant dans l'embrasure de la porte. Sa grande taille et son manteau de fourrure semblent occuper toute la hutte.
Je respire.
"Petite Hiro", dit-il, et sa voix de baryton basse et sexy me fait vaciller. "La dernière fois que je t'ai vue, tu portais des nattes."
J'entends Kitty faire un bruit.
Elle va quand même mourir.
Notez mes mots.
Je fais une légère révérence, connaissant automatiquement leurs traditions. "C'est bon de te revoir..." Je fais une pause, ne sachant pas comment l'appeler.
Je ne peux pas l'appeler frère.
Je ne peux pas.
Ça semble faux.
"Andreas", propose-t-il avec un sourire, et bien sûr, ses dents blanches sont parfaites.
Je sens que ma raison s'en va. "Andreas." Je peux sentir mon visage chauffer comme celui d'une écolière.
C'est tellement mauvais.
Je ne m'attendais pas à ça, il m'a complètement aveuglée.
Son regard bleu vif parcourt mon visage pendant ce qui semble être une éternité, puis descend le long de mon corps, lentement. J'ai l'impression de ne pas pouvoir respirer alors que je l'observe, me demandant ce qu'il pense.
Lorsque son regard troublé rencontre enfin le mien à nouveau, j'expire un souffle tranquille.
"Tu es magnifique, Hiro. Je peux voir que tu es une femme maintenant et que tu rendras notre famille fière par ce mariage. Nous allons enfin nous unir avec le Sud, repoussant les ténèbres."
Je force un sourire.
Andreas jette un coup d'œil à Kitty avec des yeux étroits, puis à moi. "Tu es télépathe ?"
Mes yeux s'élargissent.
MERDE.
J'étais sur le point de dire NON ! Puis…
"Intéressant", dit-il en tirant légèrement sur sa bouche. "Tu chevaucheras avec moi, petite Hiro. Le passage vers Xilleth sera dangereux." Il regarde Kitty une dernière fois avant de se retourner pour partir.
J'expulse un autre souffle, mon cerveau souffrant du manque d'oxygène.
Nous nous regardons toutes les deux.
Je dois chevaucher avec Andreas…genre, m'asseoir avec lui...super près ? ! Je sens mon visage brûler, me demandant ce que j'ai fait dans ma vie passée pour mériter cette torture.
Kitty soupire. "Ça pourrait être pire."
Nous savons toutes les deux que ça ne peut pas.
