Mariés au premier regard

Le père de Cora, Adonis, possédait un vaste domaine viticole. Son vin jouissait d'une excellente réputation, mais cela n'avait pas toujours été le cas. Pendant des années, il avait peiné à joindre les deux bouts, jusqu'à sa rencontre providentielle avec Oscar Vaillant.

Lorsqu'Oscar est venu en Grèce et a dégusté le vin, il a rapidement compris qu'Adonis était au bord de la faillite. Il lui a proposé un soutien financier pour maintenir son affaire à flot.

Oscar a également aidé Adonis à faire connaître son vin à l'international. Mais il y avait une condition. Adonis devait promettre que sa première fille épouserait le fils unique d'Oscar.

Comme l'épouse d'Adonis, Maya, était enceinte et savait qu'ils attendaient une fille, il a saisi l'opportunité.

Adonis devait aussi veiller à ce que sa fille reste éloignée des garçons pour s'assurer qu'elle demeurerait pure jusqu'à ses noces avec le fils d'Oscar.

Ils ont scellé l'accord, et le mariage a été fixé pour le vingtième printemps de la jeune fille.

Dès que Cora a été en âge de comprendre, ses parents n'ont cessé de lui répéter qu'elle devait épouser l'homme qu'ils avaient choisi pour elle.

Elle a reçu une éducation à domicile et n'avait que peu d'amis. Elle est devenue une jeune femme timide et effacée, ne remettant jamais en question les décisions de ses parents.

Noah Vaillant avait grandi dans le sud de la France, berceau d'une famille réputée fortunée. Son père, un magnat de l'immobilier, dirigeait des entreprises aux quatre coins du globe.

Ce dernier possédait également plusieurs établissements en France – bars et restaurants – dont il confiait la gestion à Noah, ainsi que l'un des hôtels les plus prisés de la région.

Le fils était un véritable Don Juan. Il voltigeait de conquête en conquête, ne se montrant jamais sans une nouvelle beauté à son bras. Il chérissait sa vie de célibataire endurci, savourait les plaisirs de la chair et refusait catégoriquement l'idée de s'attacher à une seule femme.

Informé du mariage arrangé, il n'avait cédé que lorsque son père l'avait menacé de le déshériter s'il refusait, le laissant ainsi sur le carreau.

L'appât le plus alléchant était la promesse paternelle de lui léguer un jour son empire.

La cérémonie devait se tenir en Grèce. Par la suite, les jeunes mariés rentreraient en France pour s'installer dans la propriété que Noah avait acquise quelques années auparavant.

Jusqu'à présent, il n'avait aucune idée de l'apparence de sa future épouse et espérait qu'elle serait au moins un tantinet séduisante. Après tout, il avait une réputation à tenir. Que diraient les gens si elle n'était pas attirante ?

Mais peu lui importait, il n'avait nullement l'intention de partager sa couche. Pour lui, ce serait un mariage blanc.

Il ignorait qu'une autre condition était à remplir pour obtenir ce que son père lui avait promis. Mais il allait bientôt le découvrir.

La veille du mariage, Cora était assise sur le banc moelleux près de sa fenêtre, contemplant les étoiles qui scintillaient dans le ciel nocturne.

Elle aurait tant aimé avoir une jeunesse comme les autres filles, aller à l'école, se faire des amies et flirter avec des garçons. Mais elle avait été gardée à la maison, toujours sous l'œil vigilant de ses parents.

Elle ne sortait qu'en leur compagnie. Dans quelques heures, elle serait mariée. La peur lui nouait l'estomac. Peur de ce que serait sa vie unie à un inconnu.

Serait-il doux et attentionné ou cruel et la garderait-il cloîtrée chez lui ? Elle ignorait même son apparence. Son père s'était contenté de dire qu'il était beau.

Elle tourna la tête vers la porte en entendant frapper et vit sa mère entrer avec un plateau. Il y avait une tasse et une petite boîte dessus.

« Bonsoir, ma chérie. Je t'ai apporté une tisane pour t'aider à dormir. Il faut que tu sois rayonnante demain pour ton mariage. » Elle s'approcha du banc et posa le plateau.

« Maman, j'ai bien réfléchi, et je ne veux pas me marier. »

Maya baissa la tête et se frotta le front. « Ma chérie, c'est déjà décidé. On ne peut plus faire marche arrière maintenant. »

« Maman, je t'en prie, parle à Papa. Il n'est pas trop tard. » Elle regarda sa mère et vit les rides d'inquiétude sur son visage.

Sa mère était encore très belle, avec ses cheveux foncés. Même si elle avait presque soixante ans, elle faisait beaucoup plus jeune.

« Cora, n'en parlons plus. Nous ne devons pas contrarier ton père. » Elle leva les yeux et sourit à sa fille. « Noah Vaillant t'a envoyé un cadeau. Il veut que tu le portes dès maintenant. Allez, ouvre-le. »

Prenant une profonde inspiration, Cora saisit la boîte. En l'ouvrant, elle découvrit une magnifique bague en diamant avec une grosse pierre et de petits diamants de chaque côté. Il y avait aussi une alliance assortie.

Maya la prit de la main de Cora. « Il a bon goût. Ça a dû coûter les yeux de la tête », dit-elle. Prenant la main de sa fille, elle lui passa les bagues au doigt.

« Oui, elles sont magnifiques. C'est un homme très fortuné et il le sera encore plus un jour. Tu ne manqueras jamais de rien. »

« Et l'amour, Maman ? »

Elle regarda sa fille en haussant un sourcil. « Quoi, l'amour ? »

« Maman, les gens ne devraient-ils pas être amoureux avant de se marier ? Je n'ai jamais rencontré cet homme et je ne sais rien de lui. »

« Ma chérie, l'amour n'a rien à voir là-dedans. C'est un mariage arrangé. »

« Tu n'aimais pas papa avant de l'épouser ? »

« Je suppose qu'il est temps que tu apprennes la vérité sur ton père et moi. Notre mariage a aussi été arrangé par nos parents.

« Je ne le connaissais pas et je n'étais pas amoureuse de lui, mais avec le temps, nous avons appris à beaucoup nous apprécier. »

« Juste vous apprécier ? Tu me dis que jusqu'à aujourd'hui tu n'es pas amoureuse de Papa ? »

« Nous tenons l'un à l'autre, je le respecte, et c'est ce qui est important : respecter son mari. Ma chérie, l'amour n'est qu'une chimère. Ceux qui pensent être amoureux finissent par avoir le cœur brisé et être déçus. »

Cora resta assise à écouter sa mère parler, abasourdie en réalisant qu'il n'y avait pas d'amour entre ses parents.

Mais maintenant qu'elle y réfléchissait, en grandissant, son père avait toujours été un peu froid envers sa mère. Ils ne montraient jamais d'affection l'un envers l'autre.

Sa mère, en revanche, faisait toujours ce que son père voulait, sans jamais broncher ou répliquer. Quoi qu'il dise, c'était ainsi que les choses se faisaient. « Mais je veux un mariage où il y a de l'amour. »

Maya prit le menton de Cora dans sa main. « Tu as lu trop de romans à l'eau de rose et regardé trop d'histoires romantiques à la télé. Le mariage n'est pas une question d'amour, mais de respect.

« Demain, tu deviendras Madame Vaillant. En tant que son épouse, on attendra certaines choses de toi. Premièrement, tu dois respecter ton mari et faire ce qu'il dit.

« Deuxièmement, c'est ton devoir de lui procurer du plaisir avec ton corps. J'espère seulement qu'il sera doux avec toi la première fois. Ne dis jamais non à ton mari. Rends-le heureux et je suis sûre qu'il sera bon pour toi. »

Le visage de Cora devint livide et son cœur se mit à battre la chamade. Elle n'avait jamais vraiment pensé au sexe jusqu'à présent, et cela l'effrayait terriblement. « Maman, je suis vierge et j'ai peur. »

« Je sais, ma chérie. La première fois, ça fera un peu mal et tu ressentiras une certaine douleur, mais après les premières fois, tu commenceras à ressentir du plaisir.

« Tu pourrais même aimer ça. Certaines femmes aiment, d'autres non. Maintenant, bois ta tisane et repose-toi, je te verrai demain matin à la première heure. Je t'aime. Bonne nuit. »

Après le départ de sa mère, Cora resta assise à regarder les bagues à son doigt. Elle ne connaissait rien au sexe. Elle n'avait même jamais été embrassée par un garçon, alors elle n'avait aucune idée de ce qui l'attendait.

Elle avait vu des émissions de télé où les couples faisaient l'amour, mais ça ne montrait pas grand-chose. Non, elle ne voulait pas d'un mariage sans amour ni faire l'amour avec un homme dont elle n'était pas amoureuse.

D'accord, on la forçait à épouser un inconnu, mais cela ne signifiait pas qu'elle devait être comme sa mère et se soumettre à un homme qu'elle ne connaissait pas et dont elle se moquait éperdument.

Noah était assis dans le jet privé familial avec ses parents et son meilleur ami, qui allait assister à son mariage.

Ils allaient bientôt atterrir en Grèce, où ils avaient réservé une chambre d'hôtel avant la cérémonie.

« Je n'en reviens pas que tu te lances dans ce mariage farfelu. Tu ne sais même pas à quoi ressemble la fille ?

Elle est peut-être affreuse », lança Barry en sirotant son whisky.

Noah se frotta le menton et regarda son ami. « Je n'ai pas le choix. Son physique m'importe peu puisque je n'ai pas l'intention de coucher avec elle. »

« Et tes copines ? Elles ne vont pas apprécier quand elles apprendront que tu es marié. »

Noah sourit à Barry. « Je ne pense pas que ça les dérangera. Ça pourrait même me rendre plus attirant. »

Barry jeta un œil aux parents de Noah assis plus loin. « C'est dingue qu'il y ait encore des mariages arrangés de nos jours.

Ils t'ont dit quelque chose sur cette fille que tu vas épouser ? »

« Pas grand-chose. Ils ont dit qu'elle aura vingt ans demain et qu'elle est vierge. La pauvre, elle va rester sur sa faim.

J'ai essayé de trouver une photo d'elle en ligne mais rien. Pas de Facebook, pas de Twitter, que dalle.

Je n'arrive pas à croire qu'ils m'obligent à l'emmener dans leur maison en Espagne pendant une semaine après le mariage. Qu'est-ce que je suis censé faire avec elle pendant une semaine ? »

« Ne sois pas méchant. Emmène-la visiter des trucs, garde-la tellement occupée qu'elle sera trop crevée le soir pour vouloir du sexe. Ou si elle est mignonne, pourquoi ne pas coucher avec elle ? »

Noah secoua la tête. « Parce qu'ensuite elle en voudra tout le temps. Après tout, je suis un as », dit-il en faisant un clin d'œil à Barry.

« Noah, tu as les chevilles qui enflent », répondit-il en riant.

Alors que l'avion atterrissait, Noah regarda ses parents. Tous deux dans la soixantaine, ils avaient encore fière allure pour leur âge.

Son père était grand, mince et robuste. Sa mère était petite et blonde, elle aussi prenait soin de son apparence, mais beaucoup était dû au maquillage.

Ils partaient souvent en voyage chacun de leur côté. Ils ne s'aimaient pas beaucoup, mais aucun ne voulait divorcer.

Divorcer signifierait renoncer à une grosse part de leur fortune, ce qu'aucun ne souhaitait.

Il n'en avait jamais eu la preuve, mais il avait toujours su que tous deux avaient eu d'autres amants pendant leur mariage.

Après l'atterrissage, ils montèrent tous dans la grande voiture qui les attendait et se rendirent à l'hôtel.

En traversant le hall, Noah ne cessait de reluquer toutes les jolies femmes. Même Barry les dévorait des yeux.

« Dommage que tu ne puisses pas t'envoyer en l'air ce soir puisque tu te maries demain matin. »

Noah regarda son ami et sourit. « Qui dit que je ne peux pas ? »

« Moi, je le dis. »

Noah et Barry se retournèrent pour voir son père. « Père, m'empêcheriez-vous de profiter d'une dernière nuit de liberté ? »

« Écoute-moi bien. Nous sommes en Grèce, où M. Thanos est très connu, et beaucoup de gens ici lui rapporteraient s'ils te voyaient faire quelque chose de déplacé.

Tu peux te tenir pour une nuit. Va dans ta chambre, bois quelques verres et dors bien.

Demain sera une très longue journée pour toi et je ne veux pas que tu gâches tout. » Il regarda Barry. « Je compte sur toi pour rester avec mon fils et le tenir à l'écart des ennuis. »

« Oui, monsieur », dit-il. Quand l'homme plus âgé se détourna, il fit un salut moqueur. « Noah, je ne sais pas comment tu supportes ton père. Il te traite plus comme un employé que comme son fils. »

« Allons simplement dans notre chambre. » Oui, lui aussi détestait la façon dont son père le traitait. Noah était content d'avoir sa propre maison et de ne pas avoir à vivre avec lui et subir tous ses mauvais comportements.

Une fois dans sa chambre, Barry arriva avec une bouteille de scotch et deux verres.

« On ne peut pas sortir faire la fête, mais on peut se rincer le gosier ce soir et mater des films sexy. »

Assis sur le canapé, Barry alluma la télé et trouva les films érotiques qu'il voulait pendant que Noah leur servait un grand verre de scotch à chacun.

Bien qu'il soit tard, ils commandèrent de la nourriture en chambre. Ils étaient tous deux ivres quand ils décidèrent qu'il était temps de dormir.

Barry retourna dans sa chambre et Noah s'effondra sur le lit. Il gémit tristement en voyant l'heure et en réalisant qu'il devait se réveiller dans moins de cinq heures.

Fermant les yeux, il s'endormit rapidement.

Il les rouvrit en entendant de forts coups à la porte. La tête douloureuse et la gorge sèche, il se leva et alla ouvrir.

« Arrêtez de frapper si fort », dit-il avec colère. Son père et sa mère se tenaient là, l'air mécontent.

« Tu sais quelle heure il est ? Et tu empestes l'alcool », dit sèchement Oscar.

Noah s'écarta pour laisser entrer ses parents. « Fichez-moi la paix, j'ai encore largement le temps avant que ce stupide mariage ne commence. »

« Fiston, va prendre une douche et je vais commander du café. Tu dois dessaouler et ne pas être en retard à ton mariage.

Nous ne voulons pas être impolis envers M. Thanos et sa famille », dit Emma, le poussant presque vers la salle de bain.

« D'accord, Maman. Pas besoin de m'accompagner. »

« Noah, ta mère et moi t'attendrons en bas dans la salle à manger. J'attends de toi que tu te comportes bien et sois respectueux. »

« Ne vous inquiétez pas Père, je serai sage comme une image », dit-il d'un ton moqueur.

Quand il sortit de la douche avec une serviette autour de la taille, Barry était là ainsi qu'une grande cafetière. « Sers-moi une tasse, tu veux bien mon pote ? »

« Mec, tu as l'air aussi mal en point que je me sens », dit Barry en lui tendant une tasse de café.

Après avoir fini son café, Noah enfila un jean et une chemise. Une fois habillé, lui et Barry descendirent rejoindre ses parents. « Je voulais te remercier d'être venu avec moi. »

« Noah, tu plaisantes ? Il n'était pas question que je rate un voyage en Grèce. Et je peux rester ici quelques jours pendant que tu pars en lune de miel.

J'ai même repéré une des femmes de chambre de l'hôtel, alors je sais que je vais m'amuser, mais je ne suis pas sûr que ce soit ton cas », dit-il en riant et en se prenant un coup de poing dans le bras de la part de son ami.

« Hé mec, pas si fort. »

Après le petit-déjeuner, il était temps de retourner dans leurs chambres pour mettre leurs tenues de mariage. Noah n'avait pas hâte d'y être.

Il avait entendu parler des mariages grecs et ne les aimait pas. D'une part, les seules personnes qu'il connaîtrait seraient ses parents et Barry.

Tous les autres seraient des inconnus, puisque personne de son côté ne serait présent, ce qui lui convenait. Ce n'est pas comme s'il était emballé à l'idée de ce mariage ou qu'il le voulait vraiment.

Alors pourquoi voudrait-il que des gens qu'il connaissait soient là ? Il voulait juste en finir avec tout ça pour pouvoir rentrer chez lui.