Je me tenais près de la tombe, impassible, tandis que deux hommes jetaient de la terre sur le corps recouvert à côté de moi.
Encore une journée, encore un corps à enterrer - une personne de plus pour laquelle j'avais travaillé et qui n'était plus.
Mon téléphone vibra dans ma poche alors que je m'éloignais de la tombe anonyme. C'était un simple message de Matt :
Je relus le message plusieurs fois avant de comprendre. La maison numéro dix-sept était une nouvelle demeure pour les familles.
Et là, ça fit tilt. Noël nous avait trouvé notre épouse.
« Bon sang ! » m'exclamai-je avec colère en me dirigeant vers ma voiture qui m'attendait.
Je quittai rapidement la vieille zone pour me rendre au centre-ville. Je savais pourquoi Noël nous avait trouvé une fille. C'était pour m'empêcher de coucher avec Lyra. Ce n'était pas ma faute si elle aimait ma façon de faire.
Je doublai d'autres voitures pour atteindre le Village au plus vite. Je ne comprenais pas pourquoi Noël avait fait ça, si ce n'était pour empêcher Lyra et moi d'avoir des relations.
Ça n'avait aucun sens. Il avait voulu que Matt, Thomas et moi travaillions, et maintenant il voulait qu'on se concentre sur la création d'une famille.
Je roulais aussi vite que possible, impatient de découvrir ce que Noël avait prévu pour nous. Et de savoir quel genre de femme il avait choisie.
Je savais en rejoignant le Village que ma partenaire serait choisie pour moi. Je savais aussi qu'elle serait partagée.
Ça me convenait. Noël avait dit que mon travail pour le Village était trop important pour me précipiter dans une famille. Cela me permettait d'avoir ma vie - d'être autoritaire et dominant.
Peut-être que je n'étais pas prêt à être avec une seule femme ; peut-être qu'elle ne serait pas ce que je voulais. Probablement, Noël aurait choisi la meilleure correspondance pour Matt, pas pour moi et Thomas.
En approchant du Village, je me rappelai comment cet endroit avait été là quand je n'avais nulle part où aller. Je n'étais pas riche - j'étais sans-abri quand Noël m'a trouvé.
Une fois qu'il m'a pris sous son aile, j'ai fait ce dont il avait besoin : tuer un juge, livrer de la drogue, ou même éliminer quiconque menaçait notre Village.
Je conduisis jusqu'à l'endroit où les nouvelles maisons étaient en construction pour les nouvelles familles.
C'étaient des maisons individuelles en brique - quatre étages si on comptait le sous-sol. Chaque maison avait un garage pour deux voitures, une grande allée, et un jardin devant et derrière ; elles étaient vraiment belles.
La voiture de Matt était déjà dans l'allée. Je garai la mienne à côté. Pas de trace de la moto de Thomas, donc je supposai qu'il était en route.
Je vérifiai rapidement qu'il n'y avait pas de sang sur moi avant d'entrer, ce qui était une bonne chose.
La porte était ouverte. J'étais impressionné par la beauté de ces maisons. Je les avais vues se construire pendant que je vivais dans les appartements.
L'escalier était l'élément central dans l'entrée. Le couloir longeait le côté et menait à ce qui semblait être une grande cuisine lumineuse.
Je vis une porte à gauche au bas de l'escalier, qui devait mener au garage. Une porte à droite à mi-chemin dans le couloir devait être le salon.
« Matt ? » appelai-je en me tenant dans le couloir, qui avait des parquets en bois et une peinture orange-brun chaleureuse sur les murs.
Matt apparut dans l'embrasure de la cuisine au bout du couloir.
« Bienvenue chez toi », dit Matt calmement.
Je soupirai en regardant l'endroit qui serait désormais ma maison, notre maison. C'était étrange, mais dans le Village c'était normal.
Matt retourna dans la cuisine, et je le suivis. La cuisine était immense avec plein d'appareils neufs. Des placards gris avec un plan de travail façon pierre. Tout était propre et neuf.
Matt s'appuyait contre l'îlot central. Une grande table pour six personnes se trouvait au bout de la pièce. Mais l'îlot de cuisine avait quatre hauts tabourets, deux de chaque côté.
Je regardai le gars dont j'étais devenu ami, celui que Noël m'avait associé pour apprendre les coutumes du Village et dont je m'étais rapproché.
Ses yeux bleu vif ressemblaient à ceux de son père. Ses cheveux foncés étaient toujours bien coupés, et il avait toujours une barbe courte et soignée.
« Noël nous a trouvé une épouse », fut tout ce qu'il put dire en entrant dans la grande cuisine.
« Je pensais qu'on était loin de devenir une famille », dis-je.
Matt haussa simplement les épaules.
« Moi aussi. Mais non, il nous a trouvé Olivia. »
Olivia. Son nom sonnait trop innocent pour moi, trop pur. Je la corromprais rapidement.
« Elle est à l'étage, endormie. C'est un choc pour elle, et j'ai dû lui donner des médicaments pour l'amener ici », expliqua Matt.
Je n'étais pas surpris. D'habitude, quand ces femmes étaient trouvées, elles avaient peu d'argent et on leur promettait une vie meilleure, puis elles découvraient qu'elles allaient être mariées.
« Tout ce qu'elle sait, c'est qu'elle vient vivre avec moi. Je ne lui ai pas dit grand-chose de plus, et ni Noël ni Lyra non plus. »
« Eh ben, et elle a mal réagi à un seul homme étrange. Comment va-t-elle se sentir quand elle devra vivre avec trois ? » dis-je.
« J'espère que le fait d'être dans une belle maison pourrait la faire se sentir mieux », dit Matt juste au moment où nous entendîmes nos noms appelés depuis le couloir. « Dans la cuisine, Thomas. »
Je me retournai pour voir un Thomas en sueur entrer dans la pièce. Comme moi, il était surpris par la maison et son contenu.
Thomas était plus grand que nous deux. Ses cheveux clairs étaient coupés très courts, presque rasés. Il avait clairement fait de l'exercice. Nous restions tous en forme, mais pas comme Thomas. Il le devait.
« Je suppose que Noël l'a trouvée, alors ? » dit Thomas, énonçant l'évidence.
« Olivia. Oui, elle est à l'étage. »
Matt expliqua rapidement la situation à Thomas. Thomas nous regarda tour à tour, Matt et moi ; nous avions tous les deux l'air sérieux et mécontent.
On ne détestait pas l'idée d'être en famille. Ce n'était pas le problème. Ce qui nous énervait, c'était la rapidité avec laquelle Noël avait changé d'avis.
On était tous censés être ses proches collaborateurs, tous au travail. Qu'est-ce qui allait changer ? Et pourquoi Olivia ?
Je savais que Matt saurait. Je savais que son père lui aurait tout dit. Matt était rarement tenu à l'écart des informations.
« Noël veut qu'on forme notre famille », commença Matt, « avec Olivia. Mais il veut toujours qu'on continue notre travail ; rien ne changera sauf qu'on sera des hommes de famille, ce qui signifie... »
« Que les choses seront différentes », terminai-je sa phrase.
Thomas soupira à côté de moi. On savait tous que les hommes de famille étaient plus respectés. On attendait plus d'eux. Ils étaient choisis pour commencer la prochaine génération. Cela signifiait aussi que certaines choses dans la vie des hommes célibataires devaient changer.
« Ouais », répondit Matt, me regardant droit dans les yeux. « On doit tous respecter les autres épouses et la nôtre. Coucher avec d'autres femmes n'est plus autorisé. »
« Matt, tu sais... » commençai-je, mais Matt hocha la tête et m'arrêta.
« Je sais, je comprends ça, et je ne suis pas sûr qu'Olivia soit ce que tu veux. Elle pourrait ne pas aimer ce côté des choses. C'est pourquoi, en tant que chef de famille, je te laisserai aller à ton club et faire ce que tu fais, mais tu ne peux pas le montrer dans le Village ou avec d'autres épouses. »
J'acquiesçai. J'avais été imprudent, surtout avec Lyra. Je devrais être un bon membre de la famille et prendre soin de ma famille dans cette maison.
Mais je ne pouvais pas promettre d'être loyal ou fidèle. J'aimais le sexe, et je l'aimais à ma façon.
« Je pense que ce sera un choc pour Olivia d'apprendre qu'elle a trois maris sans ajouter que l'un d'eux aime utiliser des chaînes et des fouets dans la chambre », rit légèrement Matt.
« Ce n'est pas que la douleur, mon pote, mais même quand ce n'en est pas, c'est toujours intense », souris-je. Thomas se contenta de secouer la tête.
« C'est quand même sacrément bizarre », dit Thomas.
« Ne juge pas ce que tu n'as pas essayé », lui rappelai-je.
Puis on se tut tous en se regardant. On était maintenant responsables de cette maison et de la femme sur le lit.
« On devrait aller voir comment elle va ? » demanda Thomas.
Matt et moi acquiesçâmes ; elle pouvait avoir réagi aux médicaments de Matt ou être réveillée, pour ce qu'on en savait.
Matt nous guida à travers la maison, montant le premier escalier et traversant le couloir de l'étage, passant devant une salle de bain familiale.
« C'est la chambre principale », il s'arrêta devant une porte fermée, et mon cœur battait la chamade. « C'est sa chambre - notre chambre quand on est avec elle. »
J'étais encore nouveau dans la façon dont ces familles vivaient, mais Matt et Thomas en savaient plus.
Lentement, Matt ouvrit la porte sur une immense chambre. Tout était dans des tons de gris doux et de violet clair.
Je vis deux portes : une pour une salle de bain et une pour un grand dressing. Il y avait une coiffeuse de style ancien avec un petit siège violet sans dossier.
Le lit était un énorme lit gris avec une tête de lit incurvée, mais pas de pied de lit. Il pouvait facilement accueillir quatre personnes. La literie était d'un violet doux et brillant.
Au pied du lit se trouvait une grande méridienne de style ancien en gris avec deux coussins violets contre le dossier. Le repose-pieds avait une couverture violette joliment disposée dessus.
Mes yeux revinrent vers l'immense lit haut. Elle était là, allongée sur le lit, les yeux toujours fermés. Matt avait mis une couverture grise et duveteuse sur son petit corps pour la garder au chaud. Ses cheveux roux vif encadraient son beau visage pâle.
Je savais que tout allait changer, et que je devrais renoncer à des choses pour cette étrangère endormie.
