Je soupirai en levant les yeux vers Wolf Technologies.
Le mois dernier avait été dur, mais ça m'avait fait du bien. Plus besoin d'éviter les appels de la famille de Brennan, ni d'expliquer aux filles pourquoi il ne resterait pas avec elles.
J'avais pensé ne pas revenir, mais Papa m'avait dit qu'il s'en sortirait et que je devrais reprendre le boulot. Maintenant que j'étais là, je n'étais plus sûre d'avoir bien fait.
Je traversai le hall, mes talons claquant sur le sol. Je souris. Ces petits trucs m'avaient manqué... finalement, revenir n'allait peut-être pas être si terrible.
Je montai au dernier étage et sortis de l'ascenseur.
Brennan ne savait pas exactement quand je reviendrais. Je lui avais juste dit que je serais là cette semaine, sans préciser quel jour. Je ne le savais pas moi-même.
J'entrai dans le bureau et regardai celui de Brennan. Je pouvais voir à travers les vitres.
Brennan étudiait des papiers avec une grande blonde penchée près de lui, leurs épaules se touchant. Elle effleura sa main et il sourit, la regardant avec envie.
Ça m'agaçait, mais je savais que je n'avais pas le droit d'être en colère.
Je réalisai que même si j'aimais mon travail, le comportement de mon patron ne collait pas avec mes valeurs. Je ne pouvais pas espérer qu'il change ; il ne me devait rien.
Il fallait que je parte. Je pourrais recommencer ailleurs - plus près de Papa. N'importe où sauf ici.
Je posai mon sac sur mon bureau en essayant de ne pas faire tomber le sac hors de prix de l'intérimaire. Je me dirigeai vers la porte du bureau de Brennan et l'ouvris.
"M. Wolf..." La femme rit, se redressant, comme si Brennan venait de sortir une blague hilarante alors que je savais qu'il ne plaisantait pas souvent.
Je toussotai pour attirer leur attention.
Brennan et la femme me regardèrent avec des expressions différentes.
Brennan esquissa presque un sourire, ce qui était bizarre, tandis que l'intérimaire semblait agacée. Elle se leva et commença à marcher vers moi.
"Excusez-moi madame, mais vous êtes censée attendre dans l'autre espace de bureau."
Brennan essaya de ne pas rire en se couvrant la bouche, puis haussa les sourcils dans ma direction. La femme s'approcha. Elle avait l'air de plus en plus en rogne à mesure qu'elle avançait.
Arrivée à la porte du bureau de Brennan, elle pointa du doigt à travers les vitres pour me montrer où je devais attendre.
"Vous pouvez récupérer vos affaires et retourner à l'agence," dis-je avec un sourire.
"Pardon ?" dit-elle. Elle n'avait plus l'air en colère, juste perdue.
"Je m'appelle Grace Reynolds," dis-je. "Enchantée... désolée, je n'ai pas entendu votre nom."
Les yeux de la femme s'écarquillèrent et elle se mordit la lèvre. Elle regarda Brennan derrière moi et hocha la tête avant de lui faire un signe muet pour qu'il l'appelle, même si j'étais juste là.
Je fronçai les sourcils et baissai les yeux. Je savais que je devrais bientôt recommencer à gérer ce genre de trucs.
"Katrina. Désolée, je ne savais pas que c'était vous," dit-elle d'un ton contrit.
"Ce n'est rien, et je m'assurerai que vous soyez payée jusqu'à la fin de votre contrat."
Katrina rassembla ses affaires et fila en vitesse. Je n'avais pas cherché à lui faire peur, mais apparemment c'était le cas.
Je m'assis en face du bureau de Brennan et le regardai d'un air furax. Il se pencha en arrière et haussa les épaules, comme s'il ne pigait pas pourquoi j'étais contrariée.
"Les nanas random en boîte passe encore, mais les intérimaires ? Avec combien tu as couché pendant mon absence ?!" dis-je, ressemblant plus à une copine jalouse qu'à une assistante personnelle.
Je me redressai et rajustai mon chemisier.
"Trois," dit-il. "Et j'ai pas couché avec toutes. L'une d'elles est partie parce qu'elle a trouvé un poste permanent ailleurs."
"Oh, si t'as pas couché avec toutes, alors ça va," dis-je d'un ton sarcastique en levant les yeux au ciel. "J'ai du boulot. Je suis sûre qu'il y a de la paperasse à régler." Je me levai et me dirigeai vers la porte.
"Content que tu sois de retour, G," dit Brennan alors que je sortais. Je m'arrêtai, hochai la tête et retournai à mon bureau.
Les dossiers étaient plus bordéliques que je ne l'aurais cru. J'espérais que l'agence les aurait bien rangés, mais vu l'état des comptes, les trois assistantes avaient été plus là pour le plaisir des yeux de mon patron que pour bosser.
Je me sentis de plus en plus mal à l'aise toute la matinée, jusqu'à ce que je réalise que je ne pouvais plus continuer à travailler chez Wolf Technologies, pour mes valeurs et ma santé mentale.
Brennan pouvait vivre sa vie de célibataire en couchant avec toutes les nanas en talons hauts et en jupe, mais j'avais pas à en faire partie.
Je passai l'aprèm à rédiger ma lettre de démission, et à 16h30 quand Brennan m'appela pour notre réunion quotidienne, je la lui remis et attendis qu'il la lise.
Je l'observai. Son front se plissa et sa bouche, déjà habituellement droite, se pinça encore plus. Sa mâchoire se crispa tandis qu'il reposait le papier et passait sa main sur son visage.
"Qu'est-ce que c'est ?" demanda-t-il.
"Ma démission," répondis-je.
"Je suis pas con, G. Je veux dire, pourquoi tu démissionnes ?"
Je haussai les épaules. "On a des valeurs différentes. J'aime ma famille et tu me fais éviter la tienne pour toi. Des fois j'ai l'impression de t'aider à trouver des nanas pour coucher. Je dois empêcher tes coups d'un soir d'appeler et les éconduire quand tu veux pas leur parler.
"Brennan, ça fait trois ans que je bosse ici, et j'ai l'impression que ta vie perso empiète sur ma vie pro. Je peux plus continuer."
Les épaules de Brennan s'affaissèrent et il leva les yeux vers moi. Je pouvais pas déchiffrer son regard. Il hocha la tête et plia le papier.
"Ok. J'accepte cette démission, mais selon ton contrat, tu dois bosser encore un mois."
"J'espérais que tu serais cool et me laisserais partir sans faire le mois de préavis. Je suis sûre que Katrina serait ravie de revenir," dis-je doucement.
Brennan eut l'air en colère et secoua la tête. Il se leva et alla au fond de son bureau, se tournant pour regarder par les fenêtres. Il mit ses mains dans ses poches.
"Eh bien, Mademoiselle Reynolds, on dirait que vous me prenez pour un sacré connard. Alors au lieu de vous prouver le contraire, respectons simplement le contrat. Un mois. Vous pouvez rentrer chez vous pour aujourd'hui."
Je me levai et sortis. Je pensais me sentir mieux, mais j'étais plus paumée que jamais.
Il fallait que je me casse d'ici. Le plus vite possible. Je devais trouver un moyen de convaincre Brennan de me libérer du contrat plus tôt.
