L'après-midi suivant, Jade était derrière le bar, essuyant le comptoir pendant un moment calme de son service.
Il n'y avait pas grand monde au bar à cette heure-ci.
Elle n'aimait guère travailler l'après-midi car les pourboires étaient maigres, mais elle avait prévu de voir une amie plus tard, alors elle avait échangé son service avec un collègue.
Elle servait des verres aux quelques clients présents, écoutant leurs histoires sur les raisons qui les poussaient à boire en pleine journée.
Puis elle se mit à ranger les bouteilles derrière le bar quand elle entendit la porte s'ouvrir.
« Bonjour », dit-elle sans lever les yeux. En se retournant, elle sourit en voyant deux hommes près de l'entrée. L'un d'eux était Davis.
L'autre était un grand gaillard qui ressemblait davantage à un garde du corps qu'à un homme d'affaires.
« Je ne m'attendais pas à vous voir aujourd'hui, dit-elle. Que puis-je vous servir ? »
« Juste un soda avec un zeste de citron vert, s'il vous plaît », dit Davis en s'installant au bar. L'homme imposant prit place à côté de lui, posant une mallette noire sur le comptoir.
Jade lui servit son verre et le lui tendit, puis demanda à l'autre homme : « Et pour vous ? »
« Rien, merci », répondit-il d'une voix grave.
« Alors, commença-t-elle, vous avez dû retourner au boulot comme prévu, n'est-ce pas ? »
« En effet, dit Davis, tapotant son verre. On dirait que rien ne tourne rond sans moi ces temps-ci. Mais en fait, je suis venu ici pour vous voir. »
« Vous vouliez juste m'entendre parler à nouveau, hein ? » plaisanta-t-elle, s'accoudant au bar.
« Je suis contente que vous soyez passé, poursuivit-elle, sortant de l'argent de sa poche. Vous avez oublié ça hier soir, et je ne peux pas l'accepter. C'est beaucoup trop. »
« Non, dit-il, repoussant l'argent vers elle. Je l'ai laissé exprès pour vous. J'ai eu une journée difficile et vous avez été très gentille avec moi. »
« Oh... eh bien, merci », dit-elle, souriant timidement en remettant l'argent dans sa poche.
« Et même si j'apprécie votre voix, ce n'est pas pour ça que je suis venu vous voir, dit-il, buvant une gorgée de son soda. J'ai une proposition à vous faire. »
Jade le regarda attentivement. « Une proposition ? Écoutez, Davis, je vous apprécie, mais je ne vais pas devenir votre quatrième femme ou je ne sais quoi... »
« Non, non, non, dit-il en riant de sa méprise. Ce n'est pas du tout ce que je voulais dire ! D'ailleurs, je n'ai été marié que deux fois, et la deuxième fois a été la bonne. »
Jade rit un peu nerveusement avant de remettre une mèche de cheveux derrière son oreille. « Oh, d'accord... »
« Je suis le fondateur et le patron de Champion Acquisitions et... »
« Vous... vous êtes Davis Champion ? » dit Jade, surprise face à l'homme plus âgé devant elle.
« Vous avez entendu parler de moi ? » demanda-t-il.
« Tout le monde connaît votre nom », dit-elle.
Davis sourit face à sa réaction légèrement gênée. Les gens réagissaient souvent ainsi quand ils découvraient qui il était. Il n'était pas ce à quoi ils s'attendaient.
« Bref, mon petit-fils est le président de l'entreprise et prendra ma place quand je prendrai ma retraite bientôt.
« Du moins, c'est le plan. Nous avons eu quelques soucis récemment pour garder du personnel, en particulier son assistant. »
« Et en quoi ça me concerne ? » demanda-t-elle, maintenant très intriguée.
« Voici ma proposition. Je veux vous embaucher comme secrétaire principale pour travailler directement avec mon petit-fils. J'espère que vous avez assez de caractère pour l'aider à s'améliorer. »
Jade rit avant de remplir son verre vide. « Je ne suis pas une nounou pour un gosse de riche. »
« Vous serez très bien payée. J'offre un excellent salaire, plus un appartement de fonction et un budget pour vos vêtements et votre nourriture. »
Jade le regarda bouche bée tandis que l'homme imposant à côté de Davis ouvrait la mallette et posait un document sur le bar.
« Ceci, dit l'homme, est un contrat de travail qui détaille tous vos avantages et ce que le poste implique. »
Jade prit le papier silencieusement, toujours abasourdie en regardant le contrat. « C'est... le salaire ? » chuchota-t-elle, fixant le nombre de zéros.
« Oui. Ce n'est pas suffisant ? Je peux... »
« Pas suffisant ? Davis, je veux dire... M. Champion... c'est plus que ce que je gagne en cinq ans. »
« Alors vous acceptez le contrat ? » dit-il, souriant avec espoir.
« Je... je suis désolée, dit-elle doucement, reposant le papier sur le bar. Je ne peux pas. »
« Quoi ? Pourquoi ? » demanda-t-il, surpris.
« Pourquoi ? Parce que je ne vous connais pas. Et aussi, je n'ai pas les compétences requises. Je n'ai pas de diplôme ni de formation.
« J'ai à peine décroché mon bac. Je ne suis pas ce que vous recherchez », dit-elle doucement, se sentant diminuée par son passé.
« Jade, nous avons embauché de nombreux assistants qui prétendaient savoir ce qu'ils faisaient. Tous avaient des diplômes universitaires. Tous avaient le parcours, l'expérience et la formation.
« Et tous ont échoué. Mais vous avez la force de caractère, l'attitude et l'honnêteté que je recherche. »
« C'est de la folie. Vous venez juste de me rencontrer hier. Comment pourriez-vous savoir tout ça ? » argumenta-t-elle.
« J'ai l'œil pour observer les gens. J'ai vu tout ce dont j'avais besoin hier », répondit-il.
Jade regarda Davis avec un petit sourire. « Vous ne pouvez pas être sérieux... Je ne suis pas... »
« J'y ai réfléchi toute la nuit, dit-il, tapotant sa main qui agrippait fermement le bar pendant qu'elle réfléchissait. J'ai besoin de vous. »
Elle prit une profonde inspiration, sachant que si elle pouvait vraiment faire ce travail, cela changerait sa vie du tout au tout.
« D'accord, très bien. J'accepte. »
« Parfait », sourit-il, lui serrant fermement la main. « Je vous retrouverai demain à l'accueil et nous réglerons tous les détails pour vous. »
« Signez ici », dit l'homme imposant, posant un stylo sur le contrat.
« Oh... d'accord », dit-elle doucement, apposant sa signature.
« Quand vous aurez fini votre service, retrouvez-moi ici », dit Davis, se levant de son siège. Il lui donna une carte de visite avec une adresse notée au dos.
« Mais je... » commença-t-elle, ses mots s'éteignant alors qu'elle le regardait sortir, suivi par l'homme grand et sérieux. « Bon, d'accord », se dit-elle, contemplant la carte qu'elle tenait.
