Tous les yeux sur nous - Couverture du livre

Tous les yeux sur nous

Rebeca Ruiz

Le Show Doit Continuer

LANEY

Lorsque nous arrivons au spectacle d'Ace, la file d'attente fait le tour du pâté de maisons. Les nouvelles vont vite, surtout quand l'une des plus grandes rockstars du monde est impliquée.

Je ne voulais pas venir au départ, et maintenant, sachant que ça va être une salle comble ? Je pourrais vomir.

Bien sûr, ça pourrait juste être les nausées matinales. On dirait que mon estomac fait des sauts à chaque instant.

Je suis ma sœur jumelle Addie. Je suis toujours en train de la suivre. Elle est toujours en charge de chaque situation. C'est difficile de ne pas l'admirer pour ça.

Bien que parfois, comme ce soir, c'est plus épuisant que réconfortant. J'aime son assurance, mais je déteste quand elle pense en savoir plus sur moi que moi.

Le pire, c'est que c’est quand elle est comme ça, qu'elle m'entraîne dans les ennuis en prétendant que c'est pour mon bien.

«Peut-être que c'est une mauvaise idée», je dis comme une excuse.

Addie voit clair dans mon jeu. «Eric peut nous faire entrer, ne t'inquiète pas. »

«Super», je soupire. J'ai envie de m'allonger sur le trottoir et de mourir.

Addie me tire et son mari Eric marche devant nous. Il n'arrête pas de se retourner et de me regarder en s'excusant.

Il n'a pas envie d'être ici non plus, mais quand Addie a une idée en tête, il n'y a rien d'autre à faire que de se détendre et de profiter du voyage.

Les fans qui se rassemblent autour de l'entrée remarquent soudainement qu'Eric est arrivé. Tout le monde crie son nom.

«Entrez, monsieur. »

Eric fait un signe de tête et salue les fans. Il serre même quelques mains en entrant.

Addie salue aussi.

Je ne sais pas comment ils font. Je déteste avoir affaire aux gens.

Comme Eric et Addie sont célèbres, ils ne prennent même pas la peine de vérifier nos sacs. S'ils savaient la surprise qu'Addie nous réserve dans son énorme sac...

J'ai un mauvais pressentiment à ce sujet.

ACE

J'ai la tête qui tourne.

Je n'ai pas été nerveux avant un spectacle depuis près de dix ans, mais ce soir, j'ai du mal à rester en place. Mes doigts trébuchent nerveusement sur les cordes de ma nouvelle Stratocaster bleue alors que je joue quelques gammes sur le manche.

Il n'y a rien de tel que le son d'une nouvelle guitare. Agréable, chaud et pur.

Mais pas assez pour m'empêcher de penser à Laney et au bébé.

Je pense aux yeux gris de Laney, pleins de larmes.

Je touche l'endroit sur ma poitrine où elle a laissé une trace de peinture bleue.

Il n'y en a plus. J'avais oublié que j'avais changé de chemise.

J'entends la chasse d'eau.

La porte de la salle de bain s'ouvre.

C'est Stephanie Cox, toujours aussi sexy. Cette femme pourrait sortir d'une poubelle et avoir l'air d'aller à un gala.

«Quand est-ce que tu passes sur scène ? »

Elle fait la moue avec sa bouche. Elle est irritée.

Putain. Ça ne fait que la rendre plus sexy.

«Je ne sais pas trop. D'une minute à l'autre, probablement. »

Elle croise les bras. «Ça ne laisse pas de temps pour nous. »

C'est mon intention.

Je me connais. Je sais que je ne peux pas dire non à Stephanie, surtout qu'elle a tellement envie de moi. J'ai été faible et je l'ai embrassé, et puis j'ai été faible et je l'ai laissée venir dans les coulisses avec moi, et puis j'ai été faible encore quand j'ai fermé la porte et je l'ai laissée rester.

Mais c'est tout. Je ne serai pas faible une quatrième fois.

Stephanie me fait un clin d'œil et me lance un bisou.

Bon sang, je suis un idiot.

Si j'arrive à garder deux longueurs d'avance, peut-être que je pourrai m'en sortir sans faire une horrible erreur.

Une erreur, c'est la raison pour laquelle je suis dans ce pétrin en premier lieu.

J'appelle ça un désordre, mais ça n'en a pas l'air. Malgré tout, la décision de coucher avec Laney il y a un mois me semblait juste. C'était parfait.

Stephanie prend une bière dans le frigo personnel de ma loge. Son cul est incroyable. La fine robe noire qu'elle porte ne laisse pas grand-chose à l'imagination.

Je dois détourner le regard, honteux.

Elle ne devrait vraiment pas être là.

On frappe à la porte.

«Quand vous voulez, Mr. Flanagan», crie l’assistant à travers la porte.

«Merci ! »

«Mis-ter Flan-a-gan. » Et voilà qu'elle recommence, en prononçant chaque syllabe. Me montrant ce dont sa bouche est capable à chaque claquement de langue.

«Tu devrais les faire attendre», roucoule-t-elle.

«Pas ce soir. »

Je me lève et me dirige vers la porte.

«Attends. » Elle se place entre moi et la sortie.

«J'ai besoin de jouer, Steph. Nous parlerons plus tard. »

«D'abord, quelque chose pour te souvenir de moi. »

Elle soulève l'ourlet de sa robe. Elle ne porte pas de culotte.

«Oh, putain. »

«J’espère bien que tu en profiteras. » Elle m'embrasse solidement sur les lèvres et une fois de plus, elle me montre ce que sa langue peut faire.

LANEY

Addie insiste pour qu'on se tienne juste à côté de la scène, mais Eric et moi finissons par la convaincre de faire preuve d'un peu de retenue.

J'utilise mes nausées matinales comme une excuse pour m'asseoir au bar et boire un seltzer.

Eric est suivi par un troupeau de fans où qu'il aille.

Tous veulent un morceau de lui, une signature, une photo, lui poser des questions, l'inciter à les suivre sur Twitter, écouter leur nouvelle démo. Il est visiblement stressé par tout ça.

Il se penche et chuchote à Addie, puis disparaît.

«Il a décidé de se faufiler dans les coulisses. » Elle s'assied à côté de moi et commande un seltzer avec du citron vert. «Il n'a pas pensé que tous les fans d'Ace seraient aussi ses fans. »

«Tu peux aller avec lui si tu veux. Je vais m'en sortir. »

Addie attrape ma main et la serre. «On est là-dedans ensemble, Laney. Ace est peut-être une merde, mais je ne te quitterai jamais, jamais. »

Mes yeux commencent à pleurer. Je serre sa main en retour.

Elle peut être folle, mais ma sœur est la plus belle et la plus puissante force du bien dans ma vie.

«Tu n'as pas à me remercier non plus. » Elle me fait un clin d'œil. On rit toutes les deux.

«Addie, s'il te plaît ne fais rien d'embarrassant ce soir. »

Elle hoquète et fait semblant d'être surprise. «Eh bien, je n'ai jamais rien fait de tel ! »

«Addie, s'il te plaît. »

«Ne t'inquiète pas, je ferai seulement ce qui doit être fait. »

Je soupire. C'est ce qui m'inquiète.

Addie se tourne dans son tabouret pour faire face à la scène et s'appuie sur le bar. Elle pourrait être un cow-boy dans un vieux film de John Wayne. Vengeant les faibles et nettoyant les ordures.

Elle finit son eau de seltz d'un trait.

«Qu'est-ce qui lui prend autant de temps ? »

Avant que je puisse répondre, les lumières s'éteignent.

Tout le monde se met à crier pour Ace.

Un accord retentit, et les lumières de la scène s'allument.

Ace joue un simple riff

«C'est ‘Ton Souffle’ ! » Addie couine de mécontentement.

On dirait qu'elle va exploser.

«Ce bâtard joue une chanson qu'Eric a écrite sur moi

Tout le monde devient fou.

Ça n'a rien à voir avec l'homme avec qui j'ai eu une dispute il y a quelques heures. Il se pavane sur la scène, libéré de tout ce qui le préoccupe.

Beaucoup de rockstars essaient de prétendre qu'ils sont au-dessus de tout le monde. Ils se tiennent au-dessus de la foule, imposant leur talent et leur célébrité aux personnes qui les ont rendus célèbres.

Pas Ace.

Ace ne peut pas effacer le sourire niais de son visage. Il passe le meilleur moment de sa vie.

Il se penche de près et chante avec le public.

Ses fans l'adorent, et je vois pourquoi, il donne à chacun dans ce public l'impression d'être son meilleur ami. La salle lui appartient.

C'est un homme en charge de son monde.

Et très probablement, de mon cœur...

ACE

Dès que je joue le premier accord, mes problèmes disparaissent.

Aucune des confusions de la journée ne m'a suivi sur scène, bien que Stephanie ait essayé.

Elle se tient en coulisses, irritée et gênée que je lui ai dit non.

Après qu'elle m'ait embrassé, j'ai compris. Je ne pouvais pas faire ça à Laney.

Quand Stephanie a glissé sa main dans mon slip et m'a embrassé de ses lèvres douces et pleines, je ne pensais qu'aux yeux larmoyants de Laney. J'ai quitté la loge avant que mes hormones ne prennent le dessus.

J'ai repoussé Stephanie. Je ne crois pas qu'elle ait jamais été repoussée auparavant. Certainement pas par moi, en tout cas.

D'habitude, une femme comme Stephanie peut faire ce qu'elle veut avec moi. Il y en a eu beaucoup comme elle au fil des ans, et je suis toujours heureux de me plier à leurs caprices sexuels.

Mais il n'y a eu qu'une seule femme comme Laney.

J'ai commencé à penser que ce ne serait pas si mal si elle était la dernière femme. La seule pour le reste de ma vie.

Mais qui sait ? Il est peut-être trop tôt pour le dire.

Les deux premières chansons se déroulent sans accroc. Les musiciens que Vince a trouvés fonctionnent très bien. Ce sont de vrais professionnels.

Je saute sur la plateforme de la batterie pour mon solo dans «Rêves Oubliés» et je vois Eric qui attend à quelques mètres de Stephanie.

Merde.

Il est visiblement en colère. Quand Eric est en colère, il ne le dit pas, il tend les épaules et regarde le sol.

Là, ses yeux pourraient brûler un trou jusqu’en Chine.

Mais il s'en remettra, j'en suis sûr. Il a fait le même genre de conneries. Je vais juste lui parler après le spectacle et arranger les choses.

Attends.

Est-ce que ça veut dire que Laney est ici ?

J'étire mes yeux et je cherche dans le public. C'est difficile de se concentrer sur la chanson tout en la cherchant dans le public.

Mon cœur fait un bond dans ma gorge.

Je vois sa silhouette dans la douce lueur orange qui vient du bar. Elle est reconnaissable entre toutes.

Ses courbes douces et magnifiques. La façon dont elle tient ses hanches.

J'aimerais pouvoir voir son visage...

LANEY

Ace me fait me sentir comme une petite fille. Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi calme et confiant. La façon dont il bouge. La passion qu'il met dans son art. Je me souviens soudain pourquoi j'ai couché avec lui au mariage d'Addie.

Il est sexy dans une chemise noire moulante et un pantalon en cuir rouge. Sa barbe rousse et ses cheveux hirsutes rebondissent tandis qu'il danse et fait les cent pas sur le bord de la scène.

J'aimerais pouvoir être enveloppée dans ses bras à nouveau.

Il est comme un aimant. Je suis presque à l'avant de la foule avant de m'en rendre compte. J'ai du mal à me rappeler pourquoi j'étais en colère au départ.

Le batteur et le bassiste descendent de la scène.

Un assistant se faufile et tend à Ace une guitare acoustique.

ACE

Je joue chaque note avec soin, canalisant mes sentiments pour Laney dans mon instrument.

Je veux qu'elle sache. Celle-ci est pour elle.

Chaque plan.

Chaque riff.

Chaque note.

Pour elle.

LANEY

Les lumières s'éteignent. La seule illumination dans la pièce est un doux projecteur violet sur Ace.

Il chante quelque chose de lent et de beau.

Je ne remarque même pas les mots.

Je peux le sentir. Les mots ne sont rien en comparaison de la musique.

Pour Ace, la musique est tout.

Elle se répercute dans mon ventre, presque comme si notre enfant bourdonnait de joie au son de la mélodie.

Finalement, nos yeux se fixent.

Ses yeux bleus pétillants brillent de passion.

Et je tombe plus profondément, et plus profondément...

SPLAT !

Une tomate frappe Ace directement dans la bouche !

Il arrête de jouer.

«Boo, espèce d'enculé ! » C'est la voix d'Addie.

Un agent de sécurité arrive et conduit Ace hors de la scène.

Addie jette la deuxième tomate, celle-ci éclabousse le sommet de sa tête.

Bon sang, Addie.

Parfois, elle a le pire timing.

Bien sûr, elle n'a jamais rien fait d'aussi ridicule auparavant.

Il regarde par-dessus son épaule pendant qu'on l'emmène. Je sens qu'il me cherche.

Addie crie : «Fuis, espèce de lâche ! »

Deux grands agents de sécurité arrivent près d’elle.

Elle lance une troisième tomate, touchant l'un d'eux en pleine poitrine.

Combien de tomates a-t-elle dans ce sac ?

Les deux agents de sécurité finissent par saisir Addie et tentent de la traîner hors de la pièce. Elle fait tout ce qui est en son pouvoir pour s'assurer qu'ils n'y arrivent pas.

Le plus fou, c'est qu'elle est en train de gagner.

J'entends des chuchotements autour de moi. «C'est Addie Michaels ! Le mannequin ! »

Plusieurs personnes enregistrent l'incident avec leur appareil photo.

C'est ma chance.

La sécurité est occupée, et personne ne surveille la porte des coulisses. Je dois dire à Ace ce que je ressens. On pourrait recommencer à zéro.

Peut-être qu'Addie n'a pas tout gâché après tout.

Je me faufile au-delà du contrôle de sécurité. C'est sans surveillance, comme je le soupçonnais.

Je croise Eric qui sort pour aider sa femme. Il me fait un clin d'œil. «Bonne chance. » En un instant, il disparaît dans la foule.

Je cherche la loge d'Ace dans les coulisses. Merde !Pour une si petite salle, cet endroit a beaucoup de recoins.

Alors que je passe de porte en porte, je sens mon sang se glacer d'anxiété.

Qu'est-ce que je vais lui dire ?

Techniquement, ce n'est pas ma faute, j'ai essayé de l'empêcher.

Mais vu comment il a agi aujourd'hui, il l'a mérité.

Quand même, c'était mal.

Je sais qu'il me regardait là-haut sur cette scène.

Nous avons partagé quelque chose.

Quelque chose de beau.

Quelque chose de familier.

Quelque chose... Ahah!

J'arrive à une vieille porte couverte de signatures d'anciens artistes au bout d'un couloir étroit. Ça doit être là.

Sans perdre un instant, je pousse la porte.

Une bimbo aux seins ballonnés et aux mèches blondes criardes chevauche lascivement un type torse nu allongé sur un canapé.

Il est là. Ace Flanagan.

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