Flammes dans le Givre

EMMA

QUATORZE ANS PLUS TÔT

« Alors, tu penses quoi du nouveau ? » me demande Cayla, ma meilleure amie, tandis que nous nous dirigeons vers notre premier cours.

« Je sais pas trop. Il vient du Minnesota, alors je m’attends à entendre l’accent du nord. Tu vois, quoi », ajouté-je en imitant assez mal l’accent du Midwest. « Il doit être habitué à la neige qu'on a en ce moment. Je pense qu'il s'intégrera bien », dis-je avec un sourire, ce qui fait lever les yeux au ciel à mon amie.

« Ton optimisme à toute épreuve m'agace parfois », rétorque-t-elle.

Cayla est une grande blonde qui me dépasse d’au moins dix centimètres. Elle est vraiment jolie avec ses grands yeux bruns, et c'est la capitaine des pom-pom girls et de l'équipe de débat du lycée.

Très différente avec mon mètre soixante, je suis brune avec des yeux bleus que certaines personnes trouvent étonnants. Je suis populaire parce que je suis douée en sport, j'aime lire et je suis amie avec Cayla.

Contrairement à elle, j'ai des copains et copines de tous horizons. Je trouve qu'un nouvel élève est une bonne chose et qu’il pourrait agrandir notre groupe d’amis.

On s'assied pile au moment où notre professeur, monsieur Baker, ferme la porte et se dirige vers le devant de la classe.

« Bonjour à tous. Aujourd'hui, nous accueillons un nouvel élève qui vient d'emménager à New York en arrivant du Minnesota.

« Même si l'année scolaire a déjà commencé depuis trois mois, apportons-lui notre soutien, aidons-le à se familiariser et accueillons-le chaleureusement au sein de notre communauté.

« Je vous présente Maxwell Preston. » Monsieur Baker désigne un grand gars mince que je n'avais pas remarqué avant.

Il a les yeux marron et les cheveux foncés. Sa peau est bronzée, ce qui est étrange pour quelqu'un arrivant du Minnesota en décembre.

Il se lève timidement, les yeux rivés au sol pendant que les autres élèves chuchotent entre eux.

Cayla me glisse à l'oreille, en riant un peu trop fort : « Au moins, Jax n'a pas à s'inquiéter de perdre sa place de quarterback. »

Je lève les yeux au ciel à sa remarque.

Monsieur Baker indique à Maxwell le siège vide à côté de moi et lui adresse un pouce levé qui se veut rassurant.

Quand il s'assied, je lui souris et lui tends la main.

« Salut Maxwell, je m’appelle Emma Sage. Bienvenue au lycée Hickory. »

Il lève les yeux et sourit timidement. « Salut Emma, tu peux m'appeler Max. »

« Tu peux m'appeler Em. Ça ne doit pas être facile d'arriver ici en pleine année scolaire, surtout si près des vacances de Noël. Ta famille est toujours dans le Minnesota ? »

Il hoche la tête en me regardant maintenant. Je peux mieux le voir.

Ses yeux bruns et sa barbe naissante lui donnent un air mignon et masculin, malgré sa minceur.

« J'aimerais te montrer à quoi ressemble New York. J'organise une fête pour Noël chez moi chaque année.

« C'est très décontracté. Nous regardons généralement L'Étrange Noël de monsieur Jack, tous en pyjama, et on se régale avec des bons plats et des bonnes boissons.

« Tu veux venir ? C'est le week-end prochain. »

Son sourire s'élargit.

« Bien sûr, ça me ferait plaisir, Em. »

Je ne recroise pas Max pendant le reste de la matinée. Alors que Cayla et moi nous dirigeons vers la cafétéria pour déjeuner, on entend un claquement fort.

En tournant à l’angle d’un couloir, je vois Max poussé contre les casiers par Tommy Reeves, dont la famille fréquente Hickory depuis trois générations et qui ne laisse personne l’oublier.

Max est aussi grand que Tommy, mais il est plus mince et n’a pas la carrure pour se mesurer à lui. Son sac tombe en éparpillant ses livres de cours, une calculatrice qui semble coûteuse et un iPod vert abîmé.

« Jolis jeans, Minnesota », se moque Tommy avec mépris. « Ils ont des vrais magasins là d'où tu viens ? » Ses potes rigolent, portant tous des vêtements de marque et des baskets impeccables.

Max se redresse, en essayant de cacher qu'il respire difficilement. « On a des magasins », dit-il. La réplique tombe à plat, mais il a un air de défi dans le regard.

« Tu dis quoi ? Je pige rien avec ton accent. » Tommy saisit le col de sa veste et le pousse à nouveau contre le casier. « Tu devrais peut-être retourner dans le champ de maïs d'où tu viens. »

Les mains de Max tremblent légèrement, mais il ne détourne pas le regard. Il ne lui donnera pas cette satisfaction.

Je veux intervenir, mais Cayla m'arrête. « Emma, ne fais pas ça. Ils seront encore pires avec lui si une fille l'aide. Crois-moi, je l'ai déjà vu. »

Ils le poussent une dernière fois et s'éloignent, en piétinant volontairement ses affaires éparpillées. Max reste immobile, les mâchoires serrées. Il ne ramasse pas encore ses affaires, et il y a quelque chose dans cette résistance silencieuse, ce refus de céder, que je trouve admirable.

« On se revoit au cours de sport, le fermier », lance Tommy par-dessus son épaule. Son ton est clairement menaçant.

Je me sens triste alors que Cayla et moi continuons vers nos casiers.

« Salut, bébé. » Mon nouveau petit copain, Jax, passe un bras autour de moi. Je lui souris. Jax et moi sortons ensemble depuis deux mois, presque depuis le début de l’année.

C’est la star de l'équipe de football. Un grand déconneur. Je le connais depuis l'école primaire.

Il peut parfois être excessif, bruyant, sélectif avec son cercle de copains, ce que je n'aime pas trop… mais avec moi ? Il est sympa. Beau. Drôle. Et c'est ce que je voulais pour cette année.

Moins de stress. Plus de fun. Profiter de ces années de lycée avant que ça se termine.

« Hé, comment se passe ta journée ? » lui demandé-je.

« Ça va. Je devais faire visiter le lycée à un nouveau, mais il est barbant, alors je l'ai refilé à Trent. »

Je me sens inquiète. « Ah bon ? Il s'appelle comment ce nouveau ? »

« Maxwell. »

Je hoche la tête, essayant de ne pas montrer que je suis contrariée que Jax ait laissé la visite à quelqu'un d'autre… surtout Trent, qui est connu pour être un peu méchant et faire des bizutages.

« Je vois... » dis-je, en conflit avec mes émotions contradictoires.

« Ouais, j'ai entendu dire qu'il l'a largué dans les vestiaires. Trop marrant. »

« Ce n'est pas... vraiment drôle. »

Il me regarde et lève les yeux au ciel. « Ce qui était vraiment drôle, c'est quand on a fait de la muscu en sport. Je l'ai mis au défi de soulever vingt kilos sur le banc. »

« Tu as... quoi ? » Je m'arrête de marcher et le regarde. Son bras tombe de mon épaule.

« Je ne pensais pas qu'il le ferait vraiment. Ce gars est trop fier. »

« C'est dangereux, Jax. Ce n'est pas une blague à faire. »

« Relax, Emma. Il va bien. Monsieur Long l'a aidé quand il n'a pas pu le soulever. » Il lève à nouveau les yeux au ciel et s'éloigne. « Je te vois après les cours ! »

Je reste là, stupéfaite, en le regardant partir. Parfois, je me demande ce que j'apprécie chez Jax. Il est très beau, et on passe des bons moments, mais il peut être un vrai con parfois.

J'entre dans la cafétéria, me sentant triste et ne sachant pas comment aider Max.

« Salut les gars », dis-je en m'asseyant, l'air abattue.

Cayla me regarde à peine alors qu'elle lit sa brique de lait, vérifiant probablement la quantité de sucre qu'elle contient car elle est sûrement dans l’une de ses périodes sans sucre.

J'ouvre mon yaourt et lève les yeux juste au moment où Max entre dans la cafétéria, l'air perdu et blessé.

« Max ! Viens t’asseoir ici ! » crié-je, en me levant et agitant les bras. Quelques personnes tournent la tête, mais je m'en fiche. Je ne me suis jamais souciée de ce que les gens pensent de moi.

Il a l'air soulagé quand il me voit et se dirige vers notre table.

« Cette place est libre. » Je tapote celle à côté de moi et souris. Il s'assied, l'air soulagé.

« Merci. »

Cayla lève les yeux au ciel en soufflant de manière exagérée, clairement pour Max.

Alors que Max semble gêné, je me tourne vers lui en bloquant Cayla de sa vue.

« Jax m'a raconté ce qui s'est passé ce matin. C'était vraiment nul de sa part. Je suis désolée pour ça. Et je suis désolée aussi pour ce qui vient de se passer dans le couloir. »

Max essaie de sourire. « Tu sors avec Jax ? » demande-t-il, l'air déçu.

« Ouais... Il n'est pas aussi nul qu'il en a l'air », dis-je, mais je ne suis plus sûre d'y croire après avoir entendu comment il a traité Max aujourd'hui. Max hoche la tête mais évite de me regarder alors qu'il commence à manger son sandwich sans rien ajouter.