Le Maître

Je ne peux m'empêcher de fixer la femme aux yeux bandés. Ses mains sont liées à une barre au-dessus de sa tête par des lanières de cuir.

Elle est vêtue principalement de cuir, mais ses seins, ses cuisses et ses fesses sont exposés. Une chaîne relie des pinces sur ses tétons, et une fermeture éclair orne son entrejambe. J'ai l'impression que je devrais détourner le regard, mais j'en suis incapable.

Un homme tourne autour d'elle comme s'il réfléchissait au moment de la toucher. Son corps semble puissant dans ses vêtements noirs moulants. Mais mon attention reste fixée sur la femme. Sa respiration s'accélère dans l'attente.

Je me sens étrange et excitée lorsque l'homme effleure sa peau avec un fouet en cuir et qu'elle frémit.

Soudain, le bras de l'homme s'abat. Il frappe la femme avec le fouet. Elle pousse un gémissement de plaisir intense.

Je ne comprends pas comment cela peut être agréable - qui aime la douleur ? Ça me semble bizarre, mais je continue d'observer alors qu'il la frappe à nouveau. Elle paraît en extase et ses jambes sont humides.

À chaque coup sur sa peau rougie, je sens mon corps s'échauffer. Mes tétons durcissent sous ma robe noire.

« Bonsoir. »

Une voix suave me fait sursauter. Je me retourne et vois un grand homme brun, barbu, au sourire éclatant.

« Oh, bonsoir, dis-je, essayant de cacher mon trouble. Comment allez-vous ?

— Beaucoup mieux maintenant. Je m'appelle Elijah, et vous ?

— Anastasia », dis-je sans hésiter, utilisant un faux nom. Je me rappelle que je suis ici pour enquêter sur les meurtres au club BDSM.

Elijah me fait un baisemain. « Êtes-vous nouvelle ici ? Je pense que je vous aurais remarquée avant, dit-il.

— C'est ma première fois, j'avoue. Vous venez souvent ?

— Oui, c'est l'un de mes clubs préférés. Puis-je vous faire visiter ? » Elijah m'offre son bras. Je souris et l'accepte. « J'en suis membre depuis des années. Ils organisent les meilleures soirées.

— Comment devient-on membre ? je demande, feignant l'intérêt.

— Ça prend du temps mais ça en vaut la peine. Les membres ont droit à un traitement de faveur, explique-t-il. C'est coûteux, et tout le monde ne peut pas adhérer.

— Ah bon ? Ça a l'air très select. Combien y a-t-il de membres environ ? je demande innocemment.

— Je ne saurais dire exactement, au moins une centaine », répond-il alors que nous nous dirigeons vers un autre spectacle.

Nous voyons un homme léchant les bottes luisantes d'une femme qui tient une laisse attachée à son cou. Elle porte une tenue en cuir moulante et un masque, mais je distingue ses cheveux blonds et son sourire cruel.

Je ne m'attendais pas à voir une femme dominatrice. Cela ouvre de nouvelles perspectives dans mon esprit.

« Vous semblez intriguée, Anastasia. Êtes-vous plutôt dominante ou soumise ? demande Elijah.

Je le regarde, prise au dépourvu.

— Oh, euh, soumise, dis-je rapidement, me rappelant mon rôle. Le même rôle que les femmes décédées : des soumises.

— Mmm, parfait, dit-il. Laissez-moi vous montrer les salles privées. Seuls les membres y ont accès. »

Ses paroles me font frissonner. Quelque chose dans sa façon de parler, dans son empressement à être seul avec moi, éveille ma méfiance.

Elijah commence à m'entraîner vers un rideau noir au fond. Je me sens de plus en plus mal à l'aise. J'ai fait beaucoup de choses pour mes articles, mais je n'irai pas dans une pièce isolée avec cet homme inquiétant.

« Oh non, je ne pense pas que...

— Ne vous en faites pas. On va juste jeter un coup d'œil pour voir si quelque chose vous plaît. »

Elijah pose sa main dans mon dos et sur mon bras en me poussant vers le grand rideau noir. J'ai l'impression qu'il cache quelque chose de sinistre.

Je cherche du regard quelqu'un à qui parler. Mais personne ne fait attention à nous. Tout le monde est absorbé par les spectacles et ne remarquera pas si je disparais derrière le rideau.

« Non, je ne veux vraiment pas », dis-je en sentant la panique monter.

Il me serre plus fort, comme s'il appréciait mon refus. « Détendez-vous. Vous aimerez une fois qu'on aura commencé », insiste-t-il.

Je suis terrifiée car il n'écoute pas quand je dis non. Finalement, je crie.

« Arrêtez ! J'ai dit non. »

Elijah semble contrarié, comme si mon refus l'agaçait.

« Elijah. »

La voix derrière nous est grave et veloutée.

J'ai la chair de poule lorsque nous nous retournons pour voir l'un des plus beaux visages que j'aie jamais vus. Il a des cheveux blond sable soigneusement coiffés et une légère barbe sur sa mâchoire carrée. Ses yeux bleus me scrutent avec inquiétude.

Je me sens défaillir quand il me regarde, comme s'il pouvait voir à travers mon faux nom.

Il reporte son attention sur Elijah et son expression se durcit.

« Devons-nous revoir nos règles sur le consentement ? Tu sais ce qui arrive si tu enfreins les règles, n'est-ce pas ? »

Elijah retire ses mains de moi et les place devant lui comme un enfant pris en faute.

« Non, bien sûr que non. Je faisais juste visiter les lieux à Mademoiselle Anastasia. C'est sa première fois ici », dit-il rapidement avec un sourire forcé.

L'homme me regarde et remarque ma tension.

« C'est très aimable à toi, Elijah, dit l'homme, d'un ton peu convaincu. Il s'approche. Peut-être devrais-tu rentrer chez toi maintenant ? »

Cela sonne comme une suggestion, mais nous savons que c'est un ordre.

Elijah déglutit difficilement. Je vois qu'il ne veut pas partir, mais il semble terrifié par cet homme.

« Tu as sans doute raison. Je suis un peu fatigué. » Elijah se tourne vers moi et s'incline légèrement. « Ce fut un plaisir de vous rencontrer, Anastasia. J'espère vous revoir. »

Elijah s'éclipse rapidement avant que je puisse dire quoi que ce soit.

« Je... je suis désolée », je bégaie.

L'homme me regarde à nouveau, son visage s'adoucissant légèrement, mais il reste intimidant. Son costume est entièrement noir, mais je devine ses larges épaules et son torse puissant.

Il me toise, comme s'il se concentrait maintenant sur moi. « Pour quelle raison ?

— Je... Je ne voulais pas le faire partir. C'est juste que...

— Vous avez clairement dit non. Elijah aurait dû écouter immédiatement. Nous avons des règles strictes sur le consentement à Bliss. »

Je me souviens de ce que j'ai appris sur le BDSM. En raison des jeux de pouvoir et de l'intimité impliqués, le consentement est primordial. Je suis rassurée de savoir que Bliss y accorde de l'importance.

« Je m'appelle Dante », dit-il en me tendant la main.

Je prends sa main, forte et chaude.

« Anastasia », dis-je.

Tout comme le spectacle avec la femme attachée et l'homme dominant, Dante éveille en moi un mélange de crainte et d'excitation.

Alors que je me détends, ma peur s'estompant, je sens le regard pénétrant de Dante qui scrute chacun de mes mouvements, chaque signe que j'essaie de dissimuler.

Je me surprends à imaginer ce que ce serait d'être sur scène avec lui. De le laisser me contrôler pendant qu'il révélerait à tous mes désirs les plus secrets, les laissant regarder mais lui seul pouvant me posséder.