Lune Fantôme - Couverture du livre

Lune Fantôme

SGCambridge

Chapitre 3

Phoenix

Je suis assaillie par des lumières aveuglantes alors que j'essaie d'ouvrir les yeux. Dans un gémissement, je les ferme une nouvelle fois avant de les ouvrir lentement, l'un après l'autre. Je me trouve dans une pièce stérile, avec des murs blancs, des objets en acier inoxydable, sans doute une chambre d'hôpital.

Je me réjouis intérieurement d'être encore en vie. Puis la panique s'installe et je tente de me lever pour sortir de là.

Mais que se passe-t-il ?

J’observe mon corps et je remarque que je suis attachée à la table. Des lanières en cuir retiennent mon corps, de ma poitrine jusqu'à mes chevilles.

Ma respiration s'accélère alors que je commence à me débattre sur le lit en essayant de trouver un moyen de sortir.

Non, non, non. Pas encore. Je ne peux pas être à nouveau prisonnière.

Des larmes menacent de couler mais je les retiens. Je n'ai pas pleuré depuis au moins un an et demi, je ne vais pas recommencer maintenant. J'arrête de bouger et je regarde autour de moi pour voir s'il y a quelque chose qui pourrait m'aider à m'échapper.

Merde. Rien. Rien que je puisse atteindre en tout cas.

Alors je recommence à me tourner dans tous les sens, et avant que je ne puisse faire quoi que ce soit, je sens le lit basculer sur le côté, et je me prépare à l'impact.

Le grand fracas résonne dans la pièce et me coupe le souffle. J'entends des pas qui se précipitent dans ma direction, ce qui me pousse à me débattre encore plus.

« Merde ! » J'entends une voix masculine avant qu'il ne crie : « Diedre, va chercher de l'aide, vite ! »

Il accourt près de moi et pose sa main sur le côté de ma tête, mais ma louve refait surface et grogne et montre les dents vers la main. Il la retire rapidement et me parle. « Je n'essaie pas de te faire du mal. Je vais juste t'aider à te relever. »

Ma louve se calme, car elle constate qu'il ne représente pas une menace, mais elle refait rapidement surface lorsqu'une femme et un autre homme entrent dans la pièce.

Je sens la main sur laquelle je suis allongée se transformer en griffe, s'enfonçant dans ma cuisse au passage. L'odeur métallique envahit mon nez, ce qui rend ma louve folle.

« S'il-te-plaît, calme-toi », me supplie la femme. « Tu te fais du mal. Écoute… » Elle se décale pour s'asseoir à côté de moi. « Je vais te libérer, mais tu dois savoir que nous ne te ferons pas de mal, alors s'il-te-plaît, ne nous fais pas de mal. »

Elle me regarde pour avoir mon accord, ses mains se posent sur la première sangle. Je hoche la tête en signe de consentement et demande à ma louve de se reposer. Mes yeux reprennent leur couleur bleu-gris habituelle, contrairement au bleu vif de ma louve.

Je la regarde défaire chaque sangle, en prenant soin de ne pas faire de mouvements brusques pour éviter de m'effrayer.

« Nous ne voulions pas t'attacher, tu sais », m'informe-t-elle, « mais tu continuais à essayer de nous griffer pendant que le Dr Harris soignait tes blessures, même si tu étais inconsciente. Nous l'avons fait pour notre sécurité, et la tienne. »

Elle lève légèrement la tête pour me regarder afin de voir si j'ai compris ou non et je réponds par un nouveau hochement de tête.

Enfin, elle enlève la dernière sangle, et l'homme, que je suppose être le Dr Harris, se précipite pour m’attraper avant que je ne tombe la tête la première sur le sol. L'autre homme, le plus grand des deux, se déplace vers la droite du lit.

Une fois le lit remis à l'endroit, ils m'aident à remonter dessus pendant que le médecin apporte son matériel. Ils vérifient mes bandages et sont satisfaits de ne pas voir de sang s'infiltrer à travers.

Ils sont loin de se douter que mes blessures sont déjà guéries. Je n'ai plus la pierre de lune qui empêche mon loup de me guérir et, dans ma meute, nous guérissons plus vite que tous les autres loups.

L'infirmière Diedre, comme elle m'a indiqué s'appeler, commence à me poser des questions. Pour chacune d'entre elles, je me contente de secouer la tête, je ne veux pas revivre les deux dernières années. Finalement, elle me pose une question à laquelle je peux répondre.

« Peux-tu au moins nous dire ton nom ? » demande-t-elle doucement.

« Ni… » Je marque une pause pour m'éclaircir la gorge. « Nix », dis-je simplement.

Elle me regarde comme si elle attendait quelque chose avant de froncer les sourcils. « Juste Nix ? » demande-t-elle. Je fais oui de la tête.

« D’accord, Nix, je vais te donner un sédatif léger pour t'aider à dormir. Ça te convient ? » Des images de la dernière fois qu'on m'a donné un sédatif défilent devant moi et je ne peux pas m'empêcher de pousser le grognement sourd qui accompagne le changement de couleur de mes yeux.

Elle fait immédiatement un pas en avant et pose une main sur mon bras de manière rassurante. « D'accord, d'accord. Pas de sédatif. Calme-toi. » Elle frotte sa main le long de mon bras de manière apaisante, et je me sens détendue.

« Bien, mais j'ai besoin que tu essayes de te reposer, d'accord ? Quand tu te réveilleras, on t'emmènera prendre un bain, mettre des vêtements propres et on te donnera une chambre. Mais pour l'instant, repose-toi. »

Je hoche lentement la tête et elle n'a même pas le temps de sortir de la pièce avant que mes yeux ne commencent à se fermer.

***

J'y suis presque. Juste un peu plus loin.

J’appuie sur mes jambes pour aller plus vite, mais c'est presque impossible avec toutes les marques d'il y a deux jours sur mon corps. Ils m’ont sacrément blessée.

Je peux entendre le ruissellement de l'eau, c’est trop lourd pour être un ruisseau. Peut-être une sorte de rivière ?

C'est ma septième tentative d'évasion.

La dernière fois que j'ai essayé, j'ai entendu le bruit de l'eau, mais je n'y suis pas parvenue avant d'être plaquée au sol. Ils m'ont vraiment mis la pression cette fois-là.

Ils m'ont plongée dans une cuve remplie d'eau et de particules d'argent. Mes yeux et ma gorge ont été assez abîmés pendant un moment après ça.

Je couine d'excitation quand je remarque la rivière pas très loin devant moi. Le flot d'eau devrait laver l'odeur de mes ravisseurs...

Je profite d’une autre poussée d'adrénaline et j'ignore les coupures causées par les branches qui me frappent le visage. J'arrive au point d’eau et je commence à courir pour la traverser car elle est trop peu profonde pour tenter de nager.

J'en suis à la moitié quand mon épaule commence à me piquer, suivie de ma jambe. Je baisse les yeux et je vois qu'on m'a tiré dessus. Encore une fois. Ma distraction momentanée a suffi pour que l'un d'entre eux me localise.

Un loup a accroché ses dents à mon mollet et a commencé à me traîner vers la terre ferme. Trois autres hommes m'attendent, et je me maudis de m'être arrêtée. Je vois la crosse de l'arme s'abattre sur ma tête, et puis plus rien...

Trois d'entre eux. Je me réveille et trois d'entre eux se relaient pour souiller mon corps. Quand ils remarquent que je suis réveillée, ils m’attachent avec des menottes en argent et continuent de m’agresser.

Quand ils ont fini, une aiguille avec un liquide violet foncé est insérée dans mon cou et la douleur se répand dans mon corps, me faisant finalement crier.

***

Je me suis redressée dans le lit, j’ai poussé un cri en me grattant et en me griffant le cou. Je peux encore sentir la brûlure de l'aconit qui coule dans mes veines. Le tue-loup, comme on l'appelle communément, n'est pas une blague.

Bien qu'il ne soit pas mortel, il est dix fois plus douloureux que l'argent.

En entendant mes cris, l'infirmière Diedre se précipite dans la pièce et tente de me calmer. Je peux sentir le sang couler sur mon cou à cause de mes coups de griffes, mais je ne ressens aucune douleur.

Comme elle ne parvient pas à retirer mes mains, elle décide de me serrer dans ses bras, son corps tremble légèrement tandis qu'elle sanglote dans mon épaule.

« Que t'ont-ils fait ? Ma pauvre fille. »

Elle commence à me bercer d'un côté à l'autre en fredonnant doucement, et elle attend que je me calme.

Le son de sa voix me ramène à une autre époque où ma mère me chantait la même chanson lorsque je faisais un cauchemar. Mes cris se réduisent à des gémissements et elle s'éloigne de moi pour inspecter mon cou et ses yeux s'écarquillent.

« Il faut que j'aille voir le médecin. Tu peux m'accorder une minute ? » demande-t-elle sans quitter mon cou des yeux.

J’acquiesce, et elle se retourne pour aller chercher le médecin.

Le Dr Harris s'avance prudemment vers moi, un air perplexe sur le visage. Il s'arrête à côté de moi et me tient le menton en inclinant ma tête sur le côté.

Il fait un signe à l'infirmière, qui lui tend un bol en acier inoxydable contenant un liquide et des morceaux de tissu blanc. Je ne sens aucune odeur provenant du bol et de son contenu, alors je le laisse continuer.

Délicatement, il essuie le sang de mon cou et prend une grande inspiration.

« Puis-je ? » Il fait un geste vers ma blouse d'hôpital. Je hoche la tête avec appréhension.

Il soulève ma blouse et examine la blessure sur mon ventre, puis il enlève le bandage et le ruban adhésif. Il constate que ma peau est lisse. Enfin, presque. J'ai beaucoup de cicatrices à cause de mes deux années passées avec la pierre de lune.

« Incroyable », dit-il. « Comment as-tu pu guérir aussi vite ? Je veux dire, je sais que tu es un loup-garou et que nous guérissons vite mais c'est au-delà de tout ce que j'ai vu auparavant. Même l'Alpha ne guérit pas aussi vite. »

Il commence à marmonner pour lui-même et à prendre des notes dans un bloc-notes, complètement distrait.

La porte s'ouvre et révèle un grand homme aux épaules larges et aux cheveux blonds.

Il s'éclaircit la gorge pour attirer leur attention, puis se met à parler. « Beta Ayn voulait savoir si la jeune louve est en assez bon état pour se déplacer maintenant. Il veut lui parler. »

Diedre se tourne vers moi et remarque que mes yeux s'écarquillent. Elle décide alors d’intervenir. « Elle peut se déplacer, oui, mais je ne pense pas qu'elle puisse parler beaucoup. »

Il me regarde une nouvelle fois et une lueur de compassion traverse son visage. « Compris. Mais je pense qu'il aimerait quand même la voir. »

« Je vais l'accompagner, si c'est d'accord », dit-elle, et il acquiesce avant de sortir de la pièce.

« D’accord, ma belle. Allons te nettoyer pour que nous puissions rendre visite à Beta Ayn. »

Elle m'aide à me lever et me tend des vêtements à enfiler avant de me désigner un paravent derrière lequel je dois me changer.

Quand j'ai fini, je retourne auprès d’elle et elle me donne une paire de chaussures.

Le Dr Harris est pris par ses notes mais demande à me voir pour un suivi le lendemain.

Diedre m'emmène dans un long couloir jusqu'à ce que nous arrivions devant des escaliers. En haut se trouve une porte, et lorsqu’elle l'ouvre, je découvre... la nature.

Nous sommes à l'extérieur et je regarde ce qui m'entoure. Il y a quelques maisons à proximité et je peux en distinguer d'autres au loin. De grands arbres créent une quantité d’ombre parfaite pour que je n'aie pas à cligner des yeux.

Les louveteaux courent partout, rient et jouent. Les mères sont assises dehors et gardent un œil sur les jeunes.

Je suis alarmée lorsque je sens une goutte humide rouler le long de ma joue et j'utilise mes doigts pour l’essuyer, puis je regarde mes doigts pour les inspecter. Je lève la tête vers le ciel, mais c'est une journée claire et ensoleillée. Pas un seul nuage de pluie en vue.

Je sens encore un liquide descendre le long de ma joue avant de réaliser que je suis en train de pleurer. Je ne pleure jamais. Plus maintenant. Je ne ressens rien.

Rapidement, je me concentre et je ferme complètement la porte des émotions. En essuyant les traces de cette trahison, je suis Diedre jusqu'à ce qu'elle s'arrête devant un bâtiment imposant.

Maison est un mot trop faible. Cette chose est gigantesque. Elle fait honte à mon ancienne maison de meute, ça c'est sûr. À notre droite se trouve un lac, le soleil couchant se reflète sur la surface de l'eau.

Diedre s'approche de la porte où se tient un garde. Elle lui dit quelque chose, et il me regarde avant de s'écarter et de nous ouvrir la porte.

L'intérieur est encore plus beau que l'extérieur. Des sols en bois nous accueillent, brillants et polis à la perfection. Avant que je puisse m'imprégner de tous les petits détails, Diedre me prend la main et me conduit dans un couloir.

Nous marchons un moment avant de nous arrêter devant une double porte en chêne. Elle frappe deux fois, et c'est le même grand homme que tout à l'heure qui nous ouvre.

Il nous fait entrer et nous dirige vers une grande table ovale occupée par une seule personne.

« Beta Ayn. Comme vous l'avez demandé », dit-il avant de retourner à son poste à la porte.

Beta Ayn lève la tête, et un petit sourire se dessine sur ses lèvres. « Je vous en prie, asseyez-vous. »

Diedre et moi nous asseyons et faisons face au Beta devant nous. Il semble avoir environ vingt-trois ans, ou pas plus de vingt-cinq ans maximum. Ses doux yeux bleus me fixent.

« Je suis Beta Ayn, comme tu l'as probablement deviné. J'ai entendu dire que tu ne parlais pas ? Est-ce par choix ou as-tu toujours été incapable de le faire ? » demande-t-il.

Diedre parle à ma place. « Je crois que c'est par choix, puisque j'ai pu apprendre son nom, mais c'est tout ce qu'elle m'a dit ».

Il acquiesce et s’adosse à sa chaise, « Bien, et quel est son nom ? » Il s'adresse à Diedre et je suis contente qu'il le fasse. « Nix », répond-elle. Visiblement, il en attend plus, mais elle continue. « C'est tout. Juste Nix. »

« D’accord, Nix. Je me suis arrangé pour que tu puisses séjourner dans l’une des chambres pendant l'absence de l'Alpha. Il devrait être de retour demain, avec ses parents et sa sœur.

Ne t'inquiète pas, Alpha est le seul à vivre ici, sa famille est juste de passage pour quelques semaines. J'ai pris la liberté d'envoyer quelques vêtements pour toi, j'espère qu'ils seront à ton goût.

Le dîner est servi à sept heures dans la cuisine de la meute, ou alors je peux demander à quelqu'un de venir te préparer quelque chose dans la cuisine ici, si cela te met plus à l'aise.

Nous voulons simplement que tu te reposes. J'aimerais cependant pouvoir obtenir des réponses à certaines questions. Penses-tu que c'est possible ? »

Je fais oui de la tête. Bien sûr, je finirai par répondre à leurs questions. Ils m'ont sauvé la vie. Ils me donnent un endroit où dormir pour quelques jours.

Il lève la tête vers le garde qui ouvre à son tour la porte et fait entrer une jeune fille.

« Voici Grace. Elle va te conduire dans ta chambre et te montrer où tout se trouve. »

Je fais un signe d'au revoir à Diedre et je suis Grace à l'extérieur. Une fois la porte franchie, elle prend à droite jusqu'à ce que nous arrivions devant des escaliers. Elle n'essaie pas de faire la conversation et je sais pourquoi. Elle a peur.

Je peux sentir sa peur. Nul doute que tout le monde a entendu parler de mes tendances violentes, je vais simplement devoir me rappeler de m'isoler.

Nous nous arrêtons devant une porte, et elle se tourne vers moi. « C'est la chambre dans laquelle tu vas t’installer. Elle est assez proche de la chambre de l'Alpha, donc ils te prêteront peut-être une autre chambre de l'autre côté de la maison. Il aime bien avoir son intimité. »

Je ne dis rien, alors elle ouvre la porte de la chambre et je la suis à l'intérieur. Elle ouvre précipitamment l'armoire pour me montrer où se trouvent les vêtements et m’indique la porte de la salle de bain avant de sortir rapidement de la pièce.

Après avoir lâché un énorme soupir, je me déshabille et me dirige vers la salle de bain pour profiter d’un bain bien mérité.

Une heure, un bain et une douche plus tard, je me sens à nouveau comme une vraie personne. J'attrape une serviette sur une étagère voisine et je me dirige vers le miroir suspendu au-dessus du lavabo.

J'ai une sale tête.

Mes cheveux, qui m’arrivent maintenant à la taille, tombent sur mon corps dans un désordre humide et emmêlé. Ma chevelure autrefois somptueuse est maintenant terne et a sérieusement besoin de soins. Des poches se sont accumulées sous mes yeux, qui sont vides et fades.

Je lâche la serviette pour qu'elle tombe sur le sol, et je me force enfin à observer les dégâts causés à mon corps. Un sanglot étouffé parvient à s'échapper avant que je ne puisse l'arrêter.

Des cicatrices marquent ma poitrine, mes bras et mes jambes, des lignes déchiquetées sans direction particulière. Ils n'essayaient pas de faire de l'art après tout, seulement de causer de la douleur. En me détournant du miroir, je regarde par-dessus mon épaule pour observer mon dos.

C'est pire. C'est presque comme si je n'avais plus de dos. Ce qui était autrefois lisse et doux est maintenant marqué et, avouons-le, c'est hideux.

Je sors en trombe de la chambre pour chercher quelque chose à porter, mais je m'arrête net lorsque je vois la chambre, ou plus précisément le lit.

On dirait qu'il appartient au ciel, entouré de bleu. Recouvert d'un épais tissu gris anthracite, le lit est un paradis avec des oreillers.

Oubliant temporairement ma recherche de vêtements, je m'assois sur le matelas, et je glisse prudemment jusqu'à ce que ma tête touche l'un des douze oreillers.

Je ne sais pas trop comment ni quand, mais à un moment donné, je me suis endormie, car l'instant d'après, j'entends des voix juste avant que la porte ne s'ouvre.

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Noté 4.4 de 5 sur l'App Store
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