
Je me suis réveillée en pleine nuit. Ma chambre était encore plongée dans l'obscurité. Je ne me souvenais pas m'être endormie. J'ai jeté un coup d'œil à mon téléphone. Il était 4h32 du matin. Mon sommeil était complètement chamboulé.
N'ayant plus sommeil, j'ai eu envie d'en apprendre davantage sur ma vie. Heureusement, j'avais mon téléphone pour m'aider. J'ai ouvert Messenger et j'ai été surprise par le nombre de conversations que j'avais.
La plus récente était avec Derek, puis un certain Finn. Ensuite Claire, ma mère, mon père et Melissa, que je supposais être Mel. Les autres noms ne me disaient rien.
J'avais pas mal de monde à qui écrire.
Curieuse d'en savoir plus sur ma relation avec Derek, j'ai regardé nos messages. C'était étrange, comme si j'observais la vie de quelqu'un d'autre, alors que c'était la mienne. Son dernier message disait : « Je ne voulais pas dire ça, s'il te plaît reviens. »
J'ai remonté plus haut dans la conversation. J'étais perplexe. Le message précédent datait de plusieurs jours. J'avais dû effacer une partie de notre discussion car ça n'avait aucun sens.
Les autres messages étaient gentils ou drôles. J'étais contente que mon futur moi soit avec Derek. Il avait l'air d'être un bon gars. Je n'arrivais toujours pas à croire qu'il était mon copain. On se disait « je t'aime » souvent. On semblait en être à ce stade de notre relation.
Pourquoi n'arrivais-je pas à me souvenir de lui ?
Ensuite, j'ai jeté un œil à ma conversation avec Claire. Elle était marrante. Mais je ne me reconnaissais pas dans les messages.
J'avais envoyé des trucs du genre : « Je sais, quelle pimbêche, t'as vu comment elle était sapée ! Beurk ! » et « Pour qui elle se prend ! Elle peut pas me parler comme ça ! »
J'étais choquée par d'autres messages que j'avais envoyés. « Beurk, ce lourdaud d'Harrison a encore essayé de me draguer, quand va-t-il enfin piger que je ne suis PAS INTÉRESSÉE ! »
Claire répondait : « Ugh, je sais, il est tellement à côté de la plaque, le pauvre gars ! ;) »
Et puis il y avait : « J'étais tellement bourrée hier soir que je me souviens même pas avoir couché avec Derek mdr. T'inquiète pas, il a dit qu'on s'était protégés ;) »
Oh mon Dieu.
Donc, j'avais eu des rapports sexuels ? Je n'étais plus vierge. Je ne me souvenais même pas de ma première fois. Était-ce avec Derek ? Depuis combien de temps on était ensemble quand c'est arrivé ? Est-ce que j'étais ivre ? J'espérais que non.
En lisant plus de messages que j'avais envoyés à Claire et Melissa, j'ai fondu en larmes. Qui étais-je devenue ? Qui étais-je ?
Quand j'ai enfin arrêté de pleurer, j'ai essuyé mon visage avec un mouchoir et pris de grandes inspirations pour me calmer.
J'étais plus perdue que jamais, effrayée, et j'avais envie de hurler ou de m'enfuir. Ou les deux. Savoir qui on est est censé être la chose la plus élémentaire, mais maintenant, tout était différent. « Je » étais différente.
J'ai rouvert l'application et vu que je n'avais pas regardé la conversation avec Finn. Je l'ai ouverte et j'ai parcouru les anciens messages. Ils ne parlaient que de rendez-vous. Il n'y avait pas de salutations ni de conversation normale. C'était étrange.
Qui était Finn ? Ces messages montraient qu'on se voyait souvent.
Quelqu'un a frappé à la porte. J'ai vite verrouillé mon téléphone et l'ai posé sur la table de chevet.
Une infirmière est entrée.
« Oh, vous êtes réveillée ! » dit-elle, surprise.
« Oui, je crois que je me suis endormie tôt », ai-je répondu.
Ma voix sonnait bizarrement.
« Je suis juste là pour vous examiner. Ça ne prendra pas longtemps. Comment vous sentez-vous ? » demanda-t-elle.
« Je suis encore très confuse, mais physiquement, ça va. J'ai un peu mal à la tête parfois et ma gorge est sèche, mais je pense que c'est normal ? »
« Oui, c'est normal. Avez-vous essayé de vous lever ? »
« Pas encore. Je peux bouger mes orteils, mais je n'ai rien tenté d'autre. Je ne veux pas tomber... »
Elle a souri. « D'accord, on attendra le Dr Shaeffer alors. »
Elle a vérifié mon état de santé, changé ma perfusion, et semblait satisfaite de ce qu'indiquaient les machines. Ça m'a rassurée.
Elle était gentille, mais j'étais trop occupée à réfléchir à ce que j'avais appris pour vraiment y prêter attention.
Elle m'a demandé si je voulais manger ou boire quelque chose, mais j'ai dit non. Je voulais continuer à regarder mon téléphone. Elle est partie, et j'ai repris mon téléphone. J'avais un nouveau message.
Donc, Finn et moi étions proches, non ? Il m'appelait « espèce de dingue » et terminait par trois x. Ça voulait dire qu'on était proches, non ? Pourquoi attendait-il que je lui dise de venir, contrairement à mes meilleures amies ou Derek ?
Qu'est-ce qu'il voulait dire ? Qui était l'Abruti ? C'était quoi ces « trucs avec sa mère » dont il parlait ? Allez, souvenirs, revenez !
J'ai fermé les yeux et me suis concentrée sur le nom Finn, mais rien ne me revenait.
J'ai ri à son message.
Je n'avais pas répondu depuis quinze minutes. Peut-être qu'il n'était pas habitué à ça dans nos conversations habituelles.
Mon téléphone a vibré quelques secondes plus tard.
Un appel.
Finn m'appelait. Oh là là ! Qu'est-ce que j'étais censée faire maintenant ? Répondre ? Je ne savais même pas qui il était pour moi. Ni comment j'étais censée me comporter.
J'étais curieuse, alors j'ai décroché et porté le téléphone à mon oreille.
« Allô ? »
J'ai entendu un léger soupir.
« Lace, tu peux pas imaginer comme ça fait du bien d'entendre ta voix ! »
Mon cœur s'est emballé, ce qui était idiot puisque je ne connaissais même pas ce type. Certes, c'était agréable de savoir qu'un ami proche était en vie ; mais pas besoin de s'exciter comme ça, Lacey !
« Ma voix est bizarre, non ? » ai-je dit.
Il me fallait vraiment quelque chose pour m'empêcher de dire des trucs bizarres ou stupides à chaque fois. Ça semblait arriver dans toutes les conversations que j'avais ! J'ai entendu Finn rire.
« Elle est un peu rauque mais très sexy. T'es toujours la même fille marrante que je connais. »
Eh bien, Dieu merci ; il semblait que j'étais encore un peu moi-même avec lui ! Mais pourquoi venait-il de dire que ma voix était... sexy ?
C'était normal de dire ça à une amie ? Ou c'était juste moi ?
« Haha, merci, j'apprécie le compliment. »
« Je suis toujours là pour toi, ma fille marrante préférée. »
Il s'est tu tandis que je ne pouvais m'empêcher de sourire, mes doigts jouant nerveusement avec les draps. « Alors... l'Abruti t'a déjà rendu visite ? »
« Euh... »
Oh non. J'étais coincée. Qui était censé être l'Abruti ?
« Je parie qu'il a joué son numéro de « chérie » et tout le tralala. »
Un seul gars m'avait rendu visite et m'avait appelée chérie jusqu'à présent, et c'était mon petit ami Derek. Donc c'était lui l'Abruti ? Finn avait l'air vraiment agacé par lui.
Presque... jaloux ? Quelqu'un pourrait-il me dire qui était Finn pour moi ?
« Claire et Melissa sont passées aussi. » J'ai un peu changé de sujet pour éviter de dire quelque chose de stupide.
« Comme c'est mignon. »
Je pouvais presque le voir lever les yeux au ciel, ce qui m'a fait froncer les sourcils encore plus. « Bref, arrêtons de parler d'eux. Quand est-ce que je peux venir te voir ? » a demandé Finn.
Je n'arrivais même pas à imaginer son visage.
D'après ce que je pouvais voir, je n'avais aucune photo de lui sur mon téléphone et nos messages ne montraient rien.
« Tu peux venir maintenant si tu veux », ai-je suggéré, bien que j'étais vraiment nerveuse à cette idée puisque je ne savais pas du tout qui il était.
« Maintenant ? Mais l'Abruti ne vient pas à six heures et demie ? »
Ah bon ? Il ne m'en avait pas parlé. Donc, j'imagine que Derek était l'Abruti.
« Je ne sais pas, il ne me l'a pas dit. Il a dû partir quand mon médecin est arrivé. »
« Oh ! Bon, je ne vais pas prendre le risque de venir alors. Envoie-moi un message quand la voie sera libre. »
Libre ? Qu'est-ce qu'il voulait dire par « libre » ? Il prévoyait de me rendre visite en secret ou quoi ? Dans quelle situation étrange je me trouvais ?
« D'accord », ai-je dit, ne voulant pas trop y réfléchir.
« Alors, comment tu te sens depuis que tu t'es réveillée, Lace ? » a demandé Finn de la voix la plus douce qui soit.
« Surtout très confuse », ai-je répondu honnêtement.
Je ne savais pas pourquoi, mais j'avais l'impression que je ne pouvais pas lui mentir. Comme s'il... saurait, d'une manière ou d'une autre. De toute façon, c'était normal de se sentir confuse après avoir été dans le coma pendant deux mois.
Je ne voulais pas lui dire, ni à personne d'ailleurs, que j'avais perdu deux ans de mémoire tant que je n'aurais pas compris ce qui s'était passé pendant ce temps et ce qui l'avait causé.
J'avais le sentiment que si les gens le savaient, ils se comporteraient différemment avec moi ou profiteraient de la situation. Et si pendant ces deux ans, j'étais devenue présidente de classe ?
Et si je disais à tout le monde que je ne me souvenais de rien ? Ils prendraient sûrement ma place. Ou ne m'en parleraient même pas.
Et s'ils avaient des secrets que j'étais censée connaître ?
Il n'était pas question que je leur parle de ma perte de mémoire pour l'instant. Je devais d'abord comprendre ce qui s'était passé. Et si ce n'était pas possible, on dirait la vérité. Mais seulement à ce moment-là.
C'était un plan étrange, mais c'était le mien et je voulais m'y tenir.
« Eh bien, je t'aiderai à rattraper les deux mois que tu as manqués quand j'arriverai à l'hôpital, d'accord ? »
Si seulement il savait que j'avais deux années entières à rattraper !
« Merci, Finn. »
Silence.
« C'est la première fois que tu prononces mon prénom sans... avoir peur de te faire prendre », dit-il après un moment.
J'étais perplexe. Quoi.
« Oh, eh bien, il y a une première fois à tout j'imagine... Et il n'y a personne ici. » C'était la bonne chose à dire ?
« Dans ce cas, que dirais-tu d'un peu de sexe au téléphone ? »
Mes yeux se sont écarquillés mais je me suis figée, le téléphone toujours à l'oreille. Du sexe au téléphone ? C'était quoi ce bordel ?
S'il te plaît, ancienne Lacey, dis-moi que tu n'étais pas une prostituée et que Finn n'était pas un de tes clients. Oh mon Dieu.
« Lace ? Je plaisantais, idiote. Tu as oublié mon sens de l'humour bizarre pendant ton coma ? Je serais vraiment vexé. »
« Désolée, j'ai euh, fait tomber mon verre d'eau et j'ai dû nettoyer... » ai-je menti.
« Lace... ça va ? Tu sais que tu ne peux pas me mentir. Qu'est-ce qui ne va pas ? C'est l'Abruti ? Il est là ? »
« Non, il n'y a personne. J'étais juste... » J'ai soupiré. « Laisse tomber. »
« J'ai envie de te voir, Lace. Tu m'as trop manqué. Et je ne pouvais même pas te rendre visite souvent. Contrairement à cet abruti, ugh, je le déteste tellement ! Il était là, à faire semblant d'être tout aimant et attentionné alors qu'on sait tous les deux qui il est vraiment. »
J'ai dégluti difficilement. Tant de questions se bousculaient dans ma tête ; c'était pire qu'une série TV compliquée et un puzzle combinés.
Qu'est-ce que Finn voulait dire par là ? Je savais que j'étais censée comprendre ce qu'il voulait dire, mais bon, je ne comprenais pas, évidemment. Stupide perte de mémoire.
« Je t'enverrai un message quand je pourrai, d'accord ? » ai-je dit, espérant que ce serait suffisant pour lui.
« Bien sûr. » Sa voix était chaleureuse, comme s'il souriait. « Tu sais, tu as raté plein de ces potins de célébrités que tu adores. Tu veux que j'apporte mon ordi pour que tu puisses te mettre à jour ? »
J'aimais toujours les potins de célébrités ! Enfin quelque chose que mon moi de seize ans pouvait gérer.
« Carrément ! »
Il a ri.
« Tu as l'air plus excitée par ça que par l'idée de me voir, Lace-chérie. »
« Bah, quand tu deviendras aussi intéressant que les Kardashian, peut-être que je reverrai mes priorités. »
Il a ri à nouveau, et j'ai su que c'était quelque chose que mon moi actuel aurait dit. C'était un peu une supposition, mais j'étais heureuse de constater que j'étais toujours la même personne à certains égards. Du moins avec Finn.
C'était tellement différent avec Claire, Melissa et Derek !
« D'accord, je vais devoir me lancer dans une carrière de mannequin pour garder ton intérêt. Et on sait tous les deux que j'en serais capable. »
Donc... il était beau gosse ? Plaisantait-il ?
« Ne prends pas la grosse tête. »
On a frappé à la porte. « Il y a quelqu'un, je dois y aller. »
« Mais je voulais discuter encore ! Tu ne sais même pas pour One Direction ! Ma sœur était inconsolable pendant des jours ! »
« Ça devra attendre, je dois vraiment y aller », ai-je dit, entendant un autre coup à la porte. « Un instant ! » ai-je crié.
« D'accord, d'accord. On se parle plus tard, Lace-chérie. Je t'aime. »
Et juste comme ça, il a raccroché, me laissant plus confuse que jamais.