Les parents d'Eve rentrèrent à la maison mais repartirent presque aussitôt le lendemain matin. Elle réveilla Eros et l'emmena dans la salle de bain pour lui brosser les dents et coiffer ses cheveux.
"C'est quoi ça ?"
Eve baissa les yeux vers lui, ne sachant pas trop quoi répondre. C'était une brosse à dents, tout bête. Mais elle réalisa que tout le monde n'avait pas forcément accès à de l'eau propre et une haleine fraîche.
"C'est une brosse à dents," dit-elle simplement.
Ses cheveux noirs lui tombaient dans les yeux, et il les repoussa d'un geste. "Ça sert à quoi ?"
Eve mit du dentifrice sur une brosse à dents bleue et la lui tendit. Elle le souleva pour le poser sur le lavabo afin qu'il puisse se voir dans le miroir.
"On s'en sert pour se laver les dents. Regarde, comme ça." Evangeline mit sa brosse à dents violette dans sa bouche et l'ouvrit grand. Elle se brossa doucement, avec un grand sourire.
Lentement, le petit garçon mit sa propre brosse à dents dans sa bouche et commença à faire pareil. Quand ils eurent fini, Eve essuya soigneusement le dentifrice autour de sa bouche et le fit descendre.
"Pourquoi on se brosse les dents, Evey ?"
"Pour avoir un joli sourire. Tu trouves que des dents sales, c'est beau ?" Eros rigola et secoua la tête.
Eve le prit dans ses bras et descendit avec lui, l'installant à la table de la cuisine. Elle prépara le petit-déj : des œufs, du bacon et des tartines, avant de le mettre dans sa voiture et de filer en ville.
Pas d'école aujourd'hui ; c'était plus important. Elle l'emmena direct dans un magasin pour enfants et lui acheta des fringues propres. Ils ressortirent du magasin avec des lunettes de soleil assorties.
Eros avait oublié à quel point la vie pouvait être cool. Il était habitué aux piqûres, aux machines et aux méchants qui lui faisaient mal. Il kiffait cette nouvelle vie. Eve était super gentille avec lui. Elle lui rappelait sa luna.
Après le shopping, Eve se rendit au planning familial. En le sortant de la voiture, elle croisa les doigts pour que tout se passe bien. Ils entrèrent main dans la main dans le bâtiment et furent reçus pour leur rendez-vous.
Ils s'assirent et attendirent qu'on les appelle. Quand ce fut leur tour, ils suivirent le médecin jusqu'à la salle d'examen.
Une fois seuls, Eros parla enfin. "Evey... cet endroit ressemble à..."
Au ton triste de sa voix, Eve comprit qu'il allait pleurer. Elle aurait dû se douter que ça le perturberait. Se levant de sa chaise, Eve le serra dans ses bras.
Il avait vécu des trucs horribles, et elle venait de lui rappeler ces mauvais souvenirs.
"Tu veux que je te raconte une histoire ?"
Eros hocha la tête.
"Il était une fois une fille qui voulait quitter son bled paumé. Elle voulait voyager, tomber amoureuse, peindre, faire la fête... elle voulait plus que ce que sa vie lui offrait.
"Quand ses parents lui ont dit qu'ils partaient en Russie, elle était trop contente. Enfin elle allait quitter son trou perdu.
"Ils sont arrivés en Russie et se sont vite préparés pour aller à une grosse teuf. La fille a dansé toute la nuit à cette fête, mais elle ne savait pas que la vraie fête commencerait quand elle rencontrerait un beau roi..."
Quand la porte s'ouvrit, elle s'arrêta de parler, et Eros regarda le mec en blouse blanche. Le type stressait le petit, mais après un moment, il se détendit.
Quand le rendez-vous fut fini, ils retournèrent tout contents à l'accueil pour payer.
Eve baissa les yeux vers Eros quand il tira sur sa main. Elle se pencha pour entendre ce qu'il voulait dire.
"Evey, je crois que je dois me transformer..."
Se transformer ? Les yeux d'Eve s'écarquillèrent, réalisant qu'un gamin se changeant en loup, c'était pas une bonne idée.
"Tu penses pouvoir rester normal encore deux minutes ?"
Eros hocha la tête, et Eve régla vite fait la facture avant de le porter hors du bâtiment jusqu'à sa caisse. Elle roula jusqu'au parc, et ils marchèrent vers les bois.
Quand ils furent assez loin, Eve hocha la tête et lui sourit. "Vas-y, Eros."
Le garçon sourit tandis que ses os craquaient et qu'il se transformait. Eve eut encore mal au cœur en voyant son corps devenir un loup.
Ils restèrent dehors, jouant ensemble jusqu'à ce que le soleil commence à se coucher.
Eve fut soulagée de voir que ses parents n'étaient toujours pas rentrés quand elle se gara devant chez elle. Ils entrèrent et se préparèrent vite fait pour aller au lit. Alors qu'ils s'allongeaient dans le lit d'Eve, elle commença à parler.
"Au lieu de dire 'se transformer' tu pourrais dire 'Evey, je crois que je dois jouer' ?"
Eros rigola et hocha la tête, faisant un bisou sur la joue d'Eve. "D'accord, Eve."
Quand elle se réveilla, Eve remarqua d'abord qu'il faisait encore nuit dehors. Ensuite, elle entendit Eros crier.
Elle se redressa et entendit un coup de feu dans sa chambre. Le verre explosa quand la balle frappa le mur. Elle roula hors de son lit et protégea Eros des éclats.
"Eve." Eros pleurait.
"Chut," dit Eve. Vite fait, elle attrapa sa main et le tira dans les escaliers jusqu'à la cuisine, où elle se précipita pour prendre le téléphone.
"Eve, ils sont là pour moi. Ils sont revenus me chercher."
Pendant un instant, tout fut silencieux.
"Qu'est-ce que tu veux dire, Eros ?"
"Je peux les sentir. Ils sont là pour moi. C'est les mecs qui... Je dois y retourner. Je dois te sauver, Eve."
"Eros, non !"
"T'as été trop gentille avec moi, et je peux pas te laisser m-mourir à cause de moi."
Sans un mot de plus, Eros se transforma et s'enfuit de la cuisine. Eve perdit connaissance. Quelqu'un l'avait assommée avant qu'elle ne puisse suivre son louveteau.
Quand Eve se réveilla, elle était dans un lit inconnu. Sa tête lui faisait super mal, mais à part ça, toutes ses blessures étaient soignées et elle allait bien.
En se redressant, elle remarqua d'abord qu'elle était dans la chambre de quelqu'un. À ce moment-là, la porte s'ouvrit et la personne qui l'avait sauvée entra.
"T'es réveillée," dit doucement Adlaric en s'asseyant à côté d'elle.
"Qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce qui lui est arrivé ?" demanda Eve, l'air super inquiète. Elle faisait confiance à Adlaric.
Elle se sentait en sécurité avec lui.
