Aylin était effondrée. Elle n'arrivait pas à croire ce qui venait de se passer. Les larmes coulaient sur son visage tandis qu'elle s'éloignait de la foule joyeuse.
Elle se transforma en louve brun-rouge et fila vers chez elle. Ses pattes martelaient le sol et sa tête bourdonnait.
« Retourne vers ton Compagnon ! » lui cria sa louve, Kaia, dans son esprit.
« Non ! Il ne veut pas de nous ! » répliqua Aylin, ignorant Kaia.
Tout s'écroulait autour d'elle. Son monde entier. Tous ses espoirs s'étaient envolés.
Voir l'homme qui était censé l'aimer embrasser une autre femme, c'était la goutte d'eau qui faisait déborder le vase.
De retour chez elle, elle passa par la porte de derrière et la claqua si fort que le verre se fissura.
Elle monta quatre à quatre dans sa chambre et fit couler la douche. L'eau chaude ruisselait sur son corps endolori, mais ne soulageait en rien la douleur dans son cœur.
Elle ne pouvait s'empêcher de penser à cette jolie blonde aux longues jambes qui avait grimpé les marches, enlacé Daemon et l'avait embrassé à pleine bouche.
Elle était parfaite. De beaux yeux bleus et une poitrine généreuse - tout ce qu'un homme pouvait désirer, y compris son futur compagnon.
Après sa douche, elle enfila un jogging ample et un grand t-shirt.
Elle s'effondra sur son lit et fixa le plafond, se demandant ce qu'elle allait bien pouvoir faire. Daemon ne l'avait pas rejetée, ce qui signifiait qu'ils étaient toujours compagnons.
Elle resta longtemps allongée sur le dos à contempler le plafond blanc avant de se tourner sur le côté. Elle espérait que tout ceci n'était qu'un mauvais rêve.
Peut-être qu'en fermant les yeux, elle se réveillerait et tout irait bien. Bientôt, elle sombra dans le sommeil.
Des coups à sa porte d'entrée la tirèrent de son sommeil. Elle courut ouvrir, espérant que c'était Daemon venu lui dire qu'il avait rejeté Ophelia et l'avait choisie elle.
Quand elle ouvrit la porte, elle fut soulagée de le voir.
« Alpha », dit-elle en s'inclinant.
« Aylin », répondit-il froidement. Elle s'écarta et il entra dans la maison. « Je suis sûr que tu sais pourquoi je suis là. »
Feignant l'ignorance, elle lui mentit. « Non, je ne vois pas. »
« Moi, Daemon Morris, je te rejette, Aylin Turner, comme ma compagne et luna. » Ses paroles glaciales la blessèrent au plus profond d'elle-même. Elle tomba à genoux, et Daemon lui jeta un dernier regard avant de la laisser sur le sol.
Quand elle entendit la porte d'entrée se refermer, Aylin poussa un hurlement si puissant qu'il fit trembler toute la maison. Elle se recroquevilla en boule. Elle pouvait déjà sentir leur lien de compagnons se briser.
C'était comme si on lui arrachait les muscles des os, et son cœur brûlait dans sa poitrine.
Elle avait l'impression d'être broyée de l'intérieur, son âme se déchirant. Sa raison de vivre lui avait été enlevée, et elle voulait mourir.
« Je suis désolé », murmura Daemon, entendant le hurlement venant de la maison derrière lui. Il retourna à la maison de la meute pour retrouver sa luna.
Des heures passèrent avant qu'elle ne se relève enfin. Elle monta en courant dans sa chambre.
Elle fit un sac avec quelques affaires dont elle aurait besoin et décida de quitter la meute Dark Moon. Personne ne le remarquerait, et personne ne s'en soucierait.
C'était officiel.
Aylin Turner était devenue une solitaire.
Trois semaines s'étaient écoulées depuis qu'Aylin avait quitté sa meute. Dès son départ, elle s'était sentie sombrer de plus en plus dans la tristesse. Le sommeil était difficile et son argent fondait comme neige au soleil.
Quand elle se regardait dans le miroir, elle ne se reconnaissait plus.
Les cernes sous ses yeux s'agrandissaient chaque jour. Ses cheveux bruns autrefois soignés partaient dans tous les sens, et sa peau perdait son éclat.
Personne de son ancienne meute ne savait qu'elle était partie, et ils s'en fichaient comme de l'an quarante. S'ils s'en souciaient, ils l'auraient retrouvée depuis belle lurette.
Allongée sur le lit dur et inconfortable du motel, Aylin avait envie de pleurer, mais elle n'en avait plus l'énergie.
Fixant le plafond blanc et terne, elle imaginait ce qu'aurait pu être sa vie. Plus elle y pensait, plus elle voulait se cacher et mourir.
Sa vie n'avait plus de sens maintenant, laissée complètement seule.
Se réveiller le lendemain matin la fit se sentir mal. Elle rassembla ses affaires et quitta le motel miteux au bord de l'autoroute déserte.
Elle n'avait pas de voiture, alors elle devait marcher.
Aylin ne savait même pas où elle se trouvait. Était-elle encore sur le territoire de son ancienne meute, ou sur celui d'une autre ? Si c'était le cas, elle serait capturée et jetée au trou.
Même si c'était le cas, qui s'en soucierait ? Elle pourrirait seule dans une cellule sombre pour le reste de sa vie. Cela semblait être une fin appropriée pour elle. Les espoirs et les rêves d'Aylin étaient partis en fumée.
Au fil de la journée, il y avait de moins en moins de voitures, et celles qui passaient ne la regardaient même pas. Personne ne s'arrêtait. Personne ne s'en souciait.
La nuit tomba, et Aylin n'était pas près d'une ville ou même d'un autre motel miteux pour passer la nuit.
La seule chose à laquelle elle pouvait penser était de dormir dans les bois pour la nuit. Il faisait froid, mais elle s'en fichait comme de sa première chemise. Ses pieds lui faisaient mal et son corps l'abandonnait. Aylin ne voulait plus continuer.
Elle quitta l'autoroute, mit son sac en bandoulière et trouva un endroit à peu près confortable pour dormir cette nuit-là.
Elle s'enfonça dans les bois. Les grillons chantaient tandis que la lune se levait. Aylin trouva un grand arbre à environ 400 mètres.
Adossant son corps épuisé contre lui, elle espérait que ce serait la nuit où son corps cesserait de fonctionner. Elle espérait que son cœur s'arrêterait simplement de battre et mettrait fin à sa souffrance.
Fermant les yeux, elle sombra dans l'obscurité.
Des hurlements au loin réveillèrent Aylin. Elle avait été repérée, et ils se rapprochaient d'elle.
Elle bondit sur ses pieds et courut aussi vite qu'elle le pouvait. Elle avait bloqué sa louve des semaines auparavant, alors elle ne pouvait pas se transformer.
Son corps affaibli par le manque de soins la ralentissait déjà. Des loups la poursuivaient, et elle pouvait sentir leur souffle chaud dans son dos.
L'air froid lui brûlait la peau tandis qu'elle courait, ses pieds frappant durement la terre. Le cœur d'Aylin battait la chamade et brûlait. Elle avait l'impression de faire du sur-place. Elle les sentait se rapprocher.
Soudain, son visage heurta violemment le sol. Elle avait trébuché sur une racine d'arbre qui dépassait légèrement. Dans l'obscurité, elle ne voyait pas plus loin que le bout de son nez.
Sa tête tournait et sa vision était floue. Un souffle chaud effleura son visage. Elle distingua des yeux dorés qui la fixaient.
Après avoir laissé échapper un petit rire face au loup devant elle, Aylin perdit connaissance.
Des cris réveillèrent Aylin. Le bruit de chaînes en argent lui brûla la peau quand elle bougea les poignets.
Sifflant de douleur, elle essaya de focaliser son regard. La deuxième chose qu'elle remarqua fut des murs de béton humides.
S'asseyant complètement, elle appuya l'arrière de sa tête contre le mur. Deux hommes se disputaient de l'autre côté des barreaux. Leurs ombres bougeaient sur le mur à côté d'eux.
Un léger bruit des chaînes fit se tourner leurs silhouettes vers Aylin.
« Tu connais les règles ! » gronda celui de droite.
« Monsieur... »
« Le roi ne sera pas content de ça ! »
Celui de gauche s'inclina. « Monsieur, je sais que c'est notre loi, mais il y a quelque chose de différent chez elle », dit-il.
« Alors tu pourras t'expliquer et justifier tes actes au roi », rétorqua celui de droite.
Une ombre s'éloigna, et l'autre regarda Aylin dans la cellule. « J'espère que tu en vaux la peine, petite. »
Entendant les mots de l'homme-ombre, Aylin eut un petit rire. « Je ne vaux rien. Laissez-moi mourir. »
Il s'arrêta net et pencha la tête sur le côté en se dirigeant vers les escaliers. Il était visiblement perplexe. « Si c'est vrai, le roi te tuera. »
« Très bien », dit-elle. « J'en ai ma claque de cette vie de toute façon. »
Baissant les épaules, il s'éloigna en secouant la tête.
Aylin ne comprenait pas pourquoi ce loup pensait qu'elle en valait la peine. Ce n'était pas le cas. Dans son esprit, la mort était la seule issue. Peut-être que ce roi était sa réponse.
Elle était fatiguée, faible et se sentait bonne à rien.
« Qui que vous soyez, Roi, je vous en supplie, mettez fin à ma vie. »
