Savanah

IL Y A SIX MOIS

Je ne peux pas m'empêcher de sentir l'excitation monter en lisant le message de ma meilleure amie. Zayla connait mon amour non partagé pour le roi des lycans, Adonis Dimitri Grey.

Si, j'ai depuis longtemps abandonné l'espoir que nous soyons compatibles, ce n’est pas le cas de Zayla.

« Combien de temps encore ? », demandé-je à mon oncle Mark, qui conduisait. Il ne répond pas, comme d'habitude.

Tout ce que je fais le met en colère. Aujourd'hui, c'est parce que j’ai mis trop de temps à décider ce que j’allais porter pour aller voir le roi.

Je sais, je sais. Je suis un stéréotype. Mais, pour ma défense, il ne m'a prévenue que quelques minutes à l'avance qu'il voulait que je vienne avec lui.

J’ai dû essayer toutes les robes de mon armoire avant de me décider pour une robe noire élégante qui épouse merveilleusement mes courbes. Elle valait vraiment la peine d'être de patienter.

Je devrais probablement me présenter. Je m'appelle Savanah Willows. J’ai vingt ans. Et, comme tu l'as probablement deviné, je suis un lycan.

Avant que tu ne poses la question, je ne suis pas une de ces lycanes qui a obtenu ses pouvoirs parce qu'elle a trouvé un compagnon qui était un lycan et qui s'est lentement transformé en loup-garou.

Comme je l'ai dit, je n'ai pas encore trouvé mon compagnon. Je n'ai même pas encore embrassé un garçon.

Non, je suis le genre ennuyeux, née avec une forme de lycan. C'est du côté de mon oncle. Il est membre du Conseil des Alphas, et c'est ainsi que j’ai rencontré le roi pour la première fois.

Dès que j'ai vu ses yeux noisette, je suis tombée amoureuse. Mais, je savais que nous n'étions pas faits l'un pour l'autre. Cette vérité me fait l'effet d'un éclat de verre dans le cœur chaque fois que je m'en souviens.

On dit que l'on sait quand on a trouvé son compagnon, mais je n'ai jamais ressenti ce picotement dont parlent les gens. Et, il n'a certainement jamais rien ressenti pour moi.

Les rares fois où j’ai pu le rencontrer en personne, j'ai eu de la chance s'il m'a gratifiée d'un seul regard.

Il n'a toujours pas trouvé sa compagne, et je n’ai pas trouvé le mien.

Je mentirais si je disais que je n'y avais pas pensé : que se passerait-il si je me trompais, s'il était mon compagnon ? Mais, je savais qu'il était stupide de rêver.

Mon seul espoir était qu'aucun de nous ne trouve jamais son compagnon. C'est théoriquement possible. Il arrivait souvent que des loups meurent avant d'avoir pu rencontrer leur compagnon. C'est la triste réalité de la vie d'un métamorphe.

J’ai déjà perdu l'espoir que le mien existe. La plupart des loups rencontrent leur partenaire à l'âge de dix-huit ans. C'était deux ans auparavant, et rien.

Alors peut-être que le roi se rendrait compte que sa compagne est morte et choisirait de former un lien de seconde chance avec moi à la place. Je sais que cela semble un peu psychotique, mais je l'aime.

À ce stade, c'est mon seul espoir. Je m'y accroche comme à cette planche à la fin du Titanic.

« Savanah, réveille-toi ! » Le son de la voix de mon oncle me réveille en sursaut, et je me redresse en clignant des yeux. La première chose dont je me rends compte, c'est que ma robe noire s’est froissée dans mon sommeil.

En jetant un coup d'œil par la fenêtre, je vois que nous nous trouvons dans l'allée du gigantesque palais royal. Des tourelles s'élèvent de tous les côtés et le mur d'enceinte se dresse devant moi.

Mon oncle me jette un coup d’œil suspicieux en sortant de la voiture.

« Que prépares-tu, Savanah ? » demande-t-il d'un air narquois. Je lève les yeux.

Mon oncle me traite toujours comme de la terre sur ses chaussures depuis mon dix-huitième anniversaire, lorsque je n'ai pas trouvé mon compagnon. Et, parce que je n'ai pas de compagnon, il semble penser que je ne vaux rien.

« Tu n'es pas curieuse de savoir pourquoi je t’ai invitée au palais ? » ricane-t-il, et je sens mon cœur se tordre.

J’ai été stupide de croire qu'il m'avait invitée par bonté d'âme. Mon oncle complote toujours, et je sais maintenant que je fais partie de ses plans.

« Que prépares-tu ? » demandé-je en essayant de garder une voix ferme. Je ne veux pas me mettre mon oncle à dos.

Il s’approche de moi et me chuchote à l'oreille.

« Il y a beaucoup d'hommes puissants qui viennent au Conseil aujourd'hui. Sais-tu ce qu'ils ont tous en commun ? »

Je secoue la tête, les nerfs à vif.

« Ils sont tous ici parce que leurs compagnes sont mortes. Et, ils sont tous très puissants. Aujourd'hui, nous allons créer un nouveau lien pour notre famille. Est-ce que tu comprends ? »

Mon estomac commence à remuer. Je comprends.

Il veut me marier à l'un des hommes du conseil du roi Dimitri pour forger une nouvelle alliance entre nos familles. Il ne va pas me laisser attendre le roi lui-même.

« Je… Et, si mon compagnon est encore en vie ? » demandé-je doucement, essayant de gagner du temps.

« Bien tenté », grogne mon oncle. « Nous savons tous les deux que ton compagnon est probablement mort dans un fossé quelque part. »

« Maintenant, tu vas dire bonjour aux hommes du conseil du roi. Et, tu ne vas pas essayer de flirter comme tu le fais avec Dimitri chaque fois que tu le vois. »

« Il n'est pas intéressé par les putes comme toi, et tu ferais mieux de t’y habituer. »

Je baisse la tête tandis que mon oncle m'entraîne vers le palais en riant doucement. Il n'aime rien de plus que de me punir.

En entrant dans l'ombre du palais, je sens mes derniers espoirs concernant Dimitri s'envoler et je me résigne à devenir la compagne forcée du conseiller qui rapporterait le plus d'argent à mon oncle.

Je ne veux plus jamais revoir un conseiller.

Cela fait des heures que je parade comme un animal de cirque, mon oncle me tirant d'un prétendant potentiel à l'autre comme si j'étais le cheval le plus prisé d'une vente aux enchères.

Tous les hommes qu'il m'a montrés étaient ridés et hideux, la plupart d'entre eux étant des loups-garous qui semblent avoir dans les soixante ou soixante-dix ans (ce qui signifie probablement qu'ils sont en réalité âgés de centaines d'années).

Chacun d'entre eux semble me déshabiller du regard.

Pour couronner le tout, je n'ai toujours pas pu voir le roi, et encore moins lui parler.

J'espère que si je lui explique ce que fait mon oncle, il pourra peut-être m'aider. Mais il est introuvable.

Je veux juste rentrer chez moi, ou au moins m'asseoir et envoyer un message à Zayla pour lui dire à quel point cette journée est cauchemardesque.

« Viens ici », grogne mon oncle en me tirant vers un homme si vieux qu'il se déplace en fauteuil roulant. « Ne me laisse pas tomber, fainéante. »

À ce moment-là, une odeur délicieuse envahit la pièce et je m’arrête, me tournant vers la porte.

Mon oncle n'essaie même pas de m'arrêter, et je sais pourquoi. Comme tout le monde dans la pièce, il se tourne vers l'avant du hall.

Adonis Dimitri Grey, le roi des lycans. Peu importe le nombre de fois où je le vois, je n’arrive pas à croire qu’il est réel.

Il est bâti comme un dieu grec. La plupart des lycans sont musclés, mais cet homme est d'un autre niveau.

Ses cheveux bruns parfaitement coiffés trônent sur sa tête mieux que n'importe quelle couronne, et sous ses épaisses mèches, des yeux noisette et brillants scrutent la pièce.

La salle entière devient complètement silencieuse lorsqu'il s'avance. Ces yeux éblouissants regardent les conseillers assemblés.

Pendant un instant, ils se fixent sur moi, et je me retrouve incapable de respirer. Mon cœur bat si fort que j’ai l’impression qu'il va sortir de ma poitrine.

Je m'attends à ce qu'il détourne le regard, mais pourquoi me fixe-t-il encore ?

Si je n'entendais pas le bruit sourd et régulier de ses pas, je pourrais penser que je suis en train de rêver. Mais, il se dirige vraiment vers moi, le regard sévère.

Il s'arrête devant moi et je me force à baisser les yeux.

Puis je sens un doigt sous mon menton, et il le soulève pour que je le regarde.

Je sursaute en regardant ce beau visage, le même dont j’ai rêvé pendant des années.

« Que fais-tu ici ? »

Sa voix est douce comme une friandise, du chocolat et du caramel et tout ce qu'il y a de bon dans le monde.

« Roi Ado, je veux dire Dimitri », bégayé-je, soudain incapable de parler correctement. J’oublie presque que seuls les amis les plus proches du roi sont autorisés à l'appeler Adonis.

Lentement, l'expression du roi s'assombrit. Je vois la colère briller dans ses yeux.

Puis, il se redresse et s'éloigne de moi.

« Je sais pourquoi tu es ici », dit-il en me regardant avec une telle haine que cela me fait l'effet d'un coup de poing dans le ventre.

Le roi se tourne vers les gardes qu'il avait placés dans les couloirs.

« Gardes, emmenez cette rebelle », grogne-t-il.

Mais avant que je puisse ouvrir la bouche pour expliquer que je suis la nièce du conseiller Mark, je sens un bâillon métallique se refermer sur ma bouche et des mains fermes m'empoigner.

Je tourne des yeux suppliants vers mon oncle, mais je vois dans son regard que je n'obtiendrais aucune sympathie de sa part. Son regard est froid et calculateur.

Je me tourne vers le roi, l'homme que j’ai aimé en secret pendant des années, et je crie malgré le bâillon. Mais, il ne fait que détourner son regard de moi alors que je suis traînée vers les cachots.

Avant même que je m'en rende compte, je tombe contre la terre dure, et je ne peux plus respirer.

Tout est noir autour de moi. Mon cœur bat la chamade.

J'entends le grincement des barreaux métalliques que l'on referme et des pas qui s'éloignent.

Puis c’est le silence.

Je reste recroquevillée sur le sol rocailleux pendant un très long moment. J'ignore ce qui s’est passé. Comment ai-je pu passer d'invitée à la fête du roi à prisonnière dans son donjon ?

Je me redresse lentement et je tâte le terrain. Je me rends compte que je suis près d'un mur. Je fais glisser mon corps le long du sol jusqu'à ce que je puisse m'y appuyer.

En clignant des yeux, je remarque que je m'habitue progressivement à l'absence de lumière.

Je me trouve dans une pièce semblable à une grotte. Il y a une porte creusée dans un mur, et elle est bloquée par d'épais barreaux rouillés. Le reste de la pièce est trop sombre pour que je puisse voir.

En frissonnant, je rapproche mes jambes et je découvre que j’ai déchiré ma belle robe.

Une larme s'échappe et je sens un sanglot sortir de ma bouche. Il résonne sur les murs comme une sorte de fantôme sinistre.

« Chut, ma petite. Ne pleure pas. »

Je pousse un cri. Je ne peux pas m'en empêcher. La voix a surgi de l'obscurité, à quelques mètres de moi, et définitivement à l'intérieur de ma cellule.

« Qui est là ? » gémis-je, en essayant de paraître forte, ce qui est loin d'être le cas.

C'est alors que je vois quelque chose bouger dans l'ombre devant moi.

Une grande silhouette se lève, comme si elle sortait de l'obscurité.

Il s'avance, et je sens une sensation étrange remonter le long de mes bras. Un picotement étrange.

Au début, je crois que c'est mon corps parce que mon corps va s'évanouir de peur, puis je commence à sentir une chaleur se répandre dans mes os. Plus la silhouette se rapproche, plus je me sens bien.

Je sens une odeur de pin alors que la silhouette se rapproche. C'est un homme. Je le devine à ses muscles saillants.

« Qu'est-ce qui m'arrive ? » demandé-je lorsque la chaleur se propage jusqu'à mon cœur.

L'homme se tient maintenant juste au-dessus de moi, et je peux voir son corps tonique, mais mal nourri... à l'exception de son visage.

Il passe une main dans ses cheveux noirs décoiffés et rit.

« Tu ne le sais pas, ma petite ? »

Il s'accroupit et son visage apparaît devant moi.

Je sursaute en voyant les horribles marques de griffes sur son visage. Je ressens une envie bizarre de tuer celui qui les lui a faites.

« Il semble que nous nous soyons trouvés », dit-il d'une voix soyeuse et dangereuse.

Mes yeux remontent le long de ses lèvres minces et de son nez cicatrisé...

Puis mon regard se pose sur ses yeux verts électriques, et j’ai l'impression qu'un éclair vient de me frapper.

Il n'a même pas besoin de prononcer les mots suivants. Je sais ce que cette sensation signifie.

Mais, entendre le mot sortir de sa bouche est plus puissant que je ne peux l'imaginer.

« Compagnon », dit-il, sa voix se répercutant étrangement sur les murs.

Il me faut plusieurs secondes pour que ses mots s'intègrent complètement.

Cela ne peut pas arriver.

J’ai élaboré tout un plan pour être la seconde chance du roi Ado... Dimitri.

Aucune partie de mon plan n'implique d'être jetée dans les donjons royaux par mon amour lui-même et d'y trouver cet étrange prisonnier à l'apparence mortelle qui attendait de me réclamer.

Mais, je ne peux pas nier le sentiment qui parcourt mes veines, s'accumulant au niveau de mon sexe.

Je n'ai jamais ressenti cela pour le roi.

Toutefois, ce n'est pas ce que je voulais.