S.S. Sahoo
ACE
Madame Achebe était en retard, comme d'habitude, et j'étais assise sur le tabouret du laboratoire, jouant avec mon crayon, quand soudain, dans ma vision périphérique, j'ai vu quelqu'un arriver en courant par la porte de derrière.
Je me suis retourné et j’ai vu Veronica qui regardait partout dans le laboratoire comme si elle cherchait quelqu'un, avant de pousser un soupir de soulagement. Ses yeux se sont posés sur moi, et comme j’étais moi-même en train de la fixer, je me suis retourné aussi vite que j'ai pu et j'ai baissé les yeux vers mon cahier.
Je n'avais aucune idée de la raison pour laquelle mon cœur s'emballait, et je me suis pincé les lèvres tandis que je gardais ma main sur ma poitrine, sentant les battements de mon cœur qui s'accéléraient. Est-ce que je suis malade ?
Le tabouret à côté de moi a bougé, et je n'ai pas pris la peine de lever les yeux. C'était sûrement Veronica. J'ai balayé tout le laboratoire des yeux à la recherche d'une place libre, mais je n'en ai trouvé aucune.
La seule place libre était juste à côté de moi. La plupart du temps, Jung s'asseyait à côté de moi, mais il avait de la fièvre et il était absent. C'était comme ça que Veronica s'était retrouvée assise à côté de moi.
Au bout de quinze minutes, madame Achebe est finalement apparue, et, comme d'habitude, nous a servi une excuse bidon pour expliquer son retard : elle avait dû s’arrêter pour aider quelqu'un sur son chemin.
Elle savait qu’on ne la croyait jamais, pourtant elle continuait à nous mentir uniquement parce que les élèves ne se plaignaient jamais d'elle.
« Bon, aujourd'hui, nous allons préparer une solution colloïdale d'hydroxyde ferrique », a-t-elle annoncé.
Et comme nous avions déjà noté la partie théorique au cours précédent, nous nous sommes levés de nos tabourets, prêts pour l'expérience.
« J'espère que tout le monde ici se souvient de ce que j'ai fait au dernier cours, hein ? » a-t-elle demandé, et tout le monde a répondu « oui » en guise de réponse. Aujourd'hui, c'était à notre tour de réaliser l'expérience et de noter les relevés.
« Excusez-moi, madame... ? » J'ai regardé à côté de moi et j’ai vu Veronica, la main gauche en l'air, essayant d'attirer l'attention de notre professeur.
« Je suis une nouvelle élève transférée et je n'ai pas cette expérience notée dans mon cahier, ni même les expériences précédentes. Pourriez-vous me les donner s’il vous plaît ? » a-t-elle demandé.
J’enfilais ma blouse avant de préparer les choses nécessaires à l'expérience.
« Quel est votre nom, ma chère ? » a demandé madame Achebe à la nouvelle élève qui a répondu : « Veronica Sullivan, Madame. »
Je l'ai regardée. Quand j'ai entendu son nom de famille, quelque chose a fait tilt. J'ai déjà entendu ce nom de famille quelque part.
« Très bien, Veronica. Nous allons résoudre ce problème. Ace, mon cher. »
J’ai levé les yeux vers la professeure de cinquante-cinq ans lorsqu’elle a cité mon nom.
« Peux-tu aider Veronica ? Fournis-lui tes notes et explique-lui les expériences. D’accord ? » a-t-elle demandé.
J'ai hoché la tête. Elle a souri et s’est assise pour commencer à faire l’appel, et j'ai regardé à ma droite pour trouver Veronica déjà prête, crayon en main.
« Alors, qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui ? » a-t-elle demandé, sans même prendre la peine de me remercier pour mon aide.
J'ai ajusté mes lunettes et je lui ai donné mon cahier pendant que je préparais de l'eau distillée, un flacon de chlorure ferrique et quelques autres choses.
J'ai attendu qu'elle lise toute l'expérience, et après cela, j'ai pris un peu de temps pour lui expliquer le déroulement de l'expérience, et à mon grand soulagement, elle est restée silencieuse tout le temps, hochant de temps en temps la tête.
Puis nous avons commencé l'expérience.
« C’est toi qui étais assis à côté de moi à la cafétéria hier, non ? » a-t-elle demandé soudainement alors que la solution commençait à devenir rouge, et j’ai acquiescé timidement.
« Ace ? » a-t-elle ajouté.
« Ace Knights », ai-je précisé.
Elle a penché la tête sur le côté, me regardant pendant quelques secondes avant de prendre la parole. « Tu pourrais aussi m'aider dans d'autres matières ? » a-t-elle demandé.
Je lui ai fait un signe de tête. « Bien sûr. Tu peux récupérer mes cahiers, et si tu as des questions, tu peux me les poser. Je serai heureux de t'aider », dis-je sans trop réfléchir aux mots que j’utilisais.
Pourquoi serais-je heureux ? Qu'est-ce que je suis en train de dire ?
« Merci », a-t-elle répondu, et je lui ai souri.
Nous avons continué notre expérience et je lui ai donné quelques explications concernant la solution de chlorure ferrique.
Elle était très attentive. Elle n'a rien dit pendant que je lui parlais et que je notais les résultats dans mon cahier.
Elle les a notés à son tour, et alors qu'elle me rendait le stylo qu'elle m'avait emprunté quelques secondes auparavant, j'ai accidentellement heurté sa main avec mon coude, et le stylo est tombé par terre.
Elle m'a regardé droit dans les yeux, et j'ai senti comme un pincement dans ma poitrine. Soudain, j'ai senti mon visage chauffer et mon rythme cardiaque s'accélérer.
Elle avait des yeux d'un brun profond et elle avait deux tresses sur le côté. Elle avait un grain de beauté sous l'œil gauche et des traits anguleux.
Elle était assez grande, un peu plus grande que moi, mais je n'ai pas pu l’observer plus longtemps, car j'ai été tiré de ma rêverie lorsqu'elle s'est penchée pour ramasser le stylo qui était tombé par terre.
Ainsi, elle s'est approchée de moi et j'ai pu sentir son parfum. Un parfum boisé que je laissais entrer dans mes narines par de grandes inspirations.
Mais heureusement, avant qu'elle ne puisse se rendre compte de mon comportement bizarre, la cloche a sonné et j'ai ramassé mes affaires aussi vite que j'ai pu.
Je lui ai dit que je lui laissais mes cahiers et j'ai quitté le laboratoire par la porte de derrière, ignorant son visage interrogateur.
Qu'est-ce que tu étais en train de faire, Ace ?