La salle était complètement silencieuse alors que tous les élèves se trouvaient autour du bureau de la professeure qui réalisait une expérience démontrant la pression hydrostatique.
J'essayais de comprendre le processus et j’étais très concentré, mais mes yeux sont tombés sur Veronica. Elle regardait l'expérience, mais semblait apathique.
J'ai jeté un coup d'œil vers la professeure, puis de nouveau sur Veronica qui bâillait.
Un sourire s'est dessiné sur mes lèvres tandis que j'étudiais son visage, lorsque soudain, j'ai senti une douleur lancinante dans mon ventre.
J'ai regardé sur le côté pour trouver Jung qui me regardait en fronçant les sourcils. Il venait de me donner un coup de coude car il voulait savoir pourquoi je souriais.
J’ai alors secoué la tête, puis je me suis raclé la gorge avant de reporter mon attention sur l'expérience.
La professeure nous aidait à comprendre la pression hydrostatique en utilisant simplement un bol rempli d'eau, un verre vide et une petite carte, mais mes pensées s’égaraient.
Elle a posé quelques questions, demandant notamment dans quels contextes la pression hydrostatique pouvait être utilisée pour obtenir d'excellents résultats.
Certains élèves ont répondu pendant que je sortais mon cahier pour y noter où je pourrais utiliser la pression hydrostatique pour faire des expériences.
« Très bien, vous pouvez retourner à vos places », a dit la professeure, et c’est ce que nous avons fait.
J'ai regardé à ma gauche et j'ai vu Veronica assise à sa place, du côté de la fenêtre, regardant vers le terrain de sport de l'école.
Deux mois s’étaient écoulés depuis qu'elle était arrivée, et cela faisait deux mois que je la voyais faire des choses bizarres, tant le jour que la nuit.
Elle me privait de sommeil car chaque je veillais chaque nuit jusqu’à deux heures du matin pour la voir se promener avec ses écouteurs dans les oreilles.
Je descendais, je passais devant le gardien endormi et je la suivais jusqu'à ce qu'elle retourne dans son dortoir. C'était devenu une habitude, et je n’aimais pas ça.
Parfois, je me demandais pourquoi les agents de sécurité ne venaient pas la chercher alors qu’ils devaient la voir sur leurs écrans de vidéosurveillance. J'ai pensé que, peut-être, la caméra de vidéosurveillance ne fonctionnait pas, tout simplement.
J'ai donc fait quelque chose pour vérifier. Je suis passé sous la caméra et j’ai simulé une chute. Je me suis laissé tomber au milieu de la route et j'ai fermé les yeux.
Au bout de cinq minutes, j'ai entendu deux agents arriver en courant de la salle de surveillance pour me venir en aide. Ils m'ont transporté jusqu’à l’infirmerie où le médecin leur a dit que je m'étais évanoui à cause du stress.
La caméra semblait donc bien fonctionner et j'étais encore plus perplexe par rapport à la situation.
Veronica avait donc emprunté mes notes et il lui arrivait de me poser des questions concernant les cours, mais à part ça, elle ne me parlait pas vraiment. J’avais compris qu'elle n'était pas du genre à s’ouvrir facilement aux autres.
Elle mangeait seule, s'asseyait seule et passait son temps seule. Elle était solitaire.
« Tu aimes cette fille ? » a chuchoté Jung, et je l'ai regardé avec une pointe d'agacement. « Qu'est-ce que tu veux dire ? »
Il avait un petit sourire moqueur en regardant par-dessus mon épaule vers Veronica.
« Tu as toujours les yeux posés sur elle. Qu'est-ce que je pourrais comprendre d'autre ? » Il a levé les sourcils.
Je l'ai regardé avec une mine renfrognée. « Tu dis n’importe quoi. Ce n'est pas du tout ça ! » ai-je dit en sortant mon cahier.
« Hé, l'intello ! »
J’ai rapidement refermé mon casier en entendant cette voix horrible.
C’était celle de Chelsea Kinsley, l'intimidatrice féminine de l'école et petite amie d'Elliot, qui avait également fait de moi sa cible et venait me chercher des histoires de temps en temps.
Je venais d'avoir quinze ans, en janvier, et pourtant, j'avais l'impression d'être le seul garçon de toute l'école qui n’avait pas eu la chance de grandir.
Même les filles de l'école étaient plus grandes que moi. Je ne mesurais qu'un mètre soixante environ, alors qu'elles grandissaient à vue d’œil en trois ou quatre mois.
« Qu'est-ce que tu veux, Chelsea ? » ai-je demandé. J'ai senti ma bouche s'assécher en levant les yeux vers elle. Elle souriait et ses yeux brillaient d'une lueur malicieuse.
« Rien, l’intello. Je suis juste passé dire bonjour. Ça fait longtemps que je ne t'ai pas vu dans les parages. » a-t-elle dit en gloussant.
Je lui ai adressé un sourire forcé et je me suis préparé à partir. « Eh bien, j'ai des cours à suivre. J'ai... »
Alors que je faisais un pas de côté pour la contourner, elle a sorti sa main de derrière son dos et m’a jeté son jus de fruits en plein visage.
Alors que je réalisais ce qui venait de se passer en essuyant mes lunettes, j'ai constaté que le liquide dont j'étais recouvert était du jus de tomate. Mes vêtements en étaient tout recouverts, ainsi que mes livres.
Certains élèves autour de moi semblaient choqués tandis que d'autres riaient. Je baignais dans le jus de tomate et je n'avais aucune idée de l'endroit où elle l'avait trouvé.
J'entendais au loin la voix d'Elliot qui riait aux éclats et je me suis tourné vers Chelsea qui gloussait en tapant dans ses mains et en mâchant un chewing-gum.
Je m’apprêtais à partir, mais mon pied a glissé sur le carrelage recouvert de jus. J'ai perdu l'équilibre, j’ai buté contre Chelsea et je me suis étalé sur le carrelage, cassant mes lunettes.
À entendre les rires redoublés d’intensité autour de moi, ça devait être un spectacle exceptionnel.
Je me suis relevé en gémissant, puis j’ai retiré mes lunettes cassées.
Je ne voyais vraiment rien sans mes lunettes. Tout était flou, mais j'ai quand même réussi à ramasser mon livre.
Chelsea allait bien. Elle avait réussi à garder l’équilibre et elle riait aussi fort que les autres autour de moi.
Je me suis senti ridicule mais j'ai choisi de simplement hausser les épaules, comme toujours. J'avais connu pire et je prenais cela comme un nouveau défi pour tester mon niveau de patience.
Je me suis tout de même senti triste car certains élèves semblaient soutenir leurs actes, plutôt que de s’en plaindre.
« Oups », a dit Chelsea. J'ai jeté un coup d'œil vers elle et je l’ai vue avec les mains sur sa bouche, comme si elle essayait de ne pas rire.
Puis elle a fait un geste rapide devant moi et a regardé mes cheveux avec insistance. Je les ai touchés pour vérifier et j’ai senti quelque chose de collant.
J’ai compris à ce moment que ce fichu chewing-gum qu'elle mâchait quelques secondes auparavant avait en fait terminé sa course dans mes cheveux.
Je n'ai même pas essayé de le retirer car je savais que c'était inutile. J'ai fini de ramasser mes affaires et je suis parti, mais en me dirigeant vers le couloir, j'ai vu Veronica dans le coin, qui me regardait attentivement.
J'ai évité le contact visuel avec elle et je me suis dirigé vers les toilettes. À l'intérieur, j'ai posé mes livres sur le lavabo et je me suis regardé dans le miroir.
Mes lunettes étaient cassées, ma chemise était couverte de jus de tomate, j’étais complètement décoiffé, et ce fichu chewing-gum était collé sur une touffe de cheveux au beau milieu de mon crâne.
J’avais envie de pleurer, mais je me suis contrôlé et j'ai ouvert le robinet.
J'ai me suis passé de l’eau sur le visage et je me suis regardé dans le miroir.
« Plus qu’un an », ai-je murmuré devant mon reflet.
