Lara ressentait une douleur lancinante dans tout son corps. Ses jambes flageolaient, menaçant de céder à tout moment. Elle peinait à lever les bras. Son visage était maculé de sang.
Elle leva les yeux vers le garçon qui lui faisait face. Malgré ses onze ans, il était presque aussi grand qu'un adulte. Il la dépassait largement et la fixait d'un regard vide.
« Allez Lara, essaie encore ! Mais cette fois, mise sur tes atouts. Tu es rapide, sers-toi de cet avantage ! » lança l'instructeur depuis le bord du terrain.
Facile à dire. Le garçon avait deux ans de plus qu'elle et était bien plus costaud.
Lara balaya la salle du regard, espérant que quelqu'un mette fin à ce calvaire. Malgré tous les yeux braqués sur elle, elle ne voyait ni sa mère ni son père.
Évidemment qu'ils n'étaient pas là. Ils étaient morts.
Mais elle pouvait toujours rêver. Elle s'imaginait qu'ils arriveraient, la serreraient dans leurs bras et ne la lâcheraient plus jamais. Leur étreinte la protégerait de cette situation horrible.
« Lara... » commença l'instructeur, mais elle s'élança avant qu'il ne finisse sa phrase. Elle courut aussi vite que ses jambes le lui permettaient, portée par la colère. Elle serra le poing et tenta de frapper le garçon.
Elle l'aurait touché, mais il fut plus malin. Il esquiva et la poussa, la faisant perdre l'équilibre.
Le sol était dur quand sa tête le heurta. Elle eut l'impression que son crâne allait se fendre en deux. Le sang coulait dans ses cheveux, formant une petite flaque autour de sa tête.
Des taches sombres dansaient au bord de sa vision. Deux visages la surplombaient. Le garçon et l'instructeur se tenaient au-dessus d'elle, leurs bouches bougeaient mais le seul son était...
La chambre était plongée dans l'obscurité, lui faisant croire qu'elle rêvait encore. Seul le réveil strident lui indiquait qu'elle était bel et bien éveillée.
Elle éteignit l'alarme et scruta la pièce, attendant que ses yeux s'habituent à la pénombre. Le cauchemar était encore vivace dans son esprit. C'était l'un des nombreux souvenirs douloureux qui la hantaient depuis toujours.
Il lui rappelait ce qu'elle avait enduré. Une leçon gravée dans sa chair qu'elle n'oublierait jamais et qui la mettait hors d'elle.
Soudain, une chaleur intense l'envahit. Cela commença au niveau de ses orteils et remonta lentement jusqu'à sa tête, la faisant haleter de douleur. Ça lui rappela pourquoi elle était réveillée en pleine nuit. L'injection.
Elle s'efforça de bouger les bras pour attraper la boîte sur la table de chevet. Ce simple geste intensifia la chaleur, et plus elle attendait, pire ce serait.
Elle saisit la seringue et l'approcha lentement de sa hanche. Une erreur et l'aiguille pourrait se casser, gâchant le précieux médicament à jamais. Et elle mourrait.
Pas le temps de désinfecter sa peau. Elle retira le capuchon de l'aiguille avec son pouce et l'enfonça dans sa chair, appuyant sur le piston.
La chaleur dans son sang était si intense qu'elle sentit à peine la piqûre. Juste un léger inconfort.
Allongée immobile sur le lit, attendant que le médicament fasse effet, Lara laissa ses pensées vagabonder.
Non pas vers son enfance difficile, mais vers l'homme qui lui faisait ressentir quelque chose de nouveau. Elle n'avait jamais rien vécu de tel auparavant.
À l'école, on leur avait martelé que tout ce qui était sexuel était très mauvais et pouvait vous tuer. À l'époque, si on vous surprenait à vous tenir la main, vous récoltiez vingt coups de fouet dans le dos.
Heureusement, elle avait suivi ces avertissements à la lettre... jusqu'à présent.
Plus elle essayait de ne pas y penser, plus elle pensait à lui. Elle ne voulait pas penser à lui.
Elle jeta un œil à l'horloge et vit qu'il était trop tard pour se rendormir. Elle décida donc de se lever et de commencer sa longue journée.
Elle se leva lentement, se pencha et ramassa son sac. Elle le posa sur le lit. Son arme préférée était sur le dessus quand elle l'ouvrit, et un léger sourire se dessina sur ses lèvres.
Elle possédait de nombreuses armes, mais celle-ci était spéciale car Bill la lui avait offerte pour ses vingt et un ans. Elle la manipulait avec le plus grand soin. Le métal était froid au toucher lorsqu'elle la sortit du sac et la posa sur le lit.
Elle se déshabilla rapidement. L'air frais caressa sa peau brûlante. Elle prit des vêtements propres et alla prendre une douche.
L'eau chaude lui fit du bien en ruisselant sur son corps. Elle laissa l'eau emporter ses pensées, surtout celles concernant l'homme aux yeux verts qui risquait de lui attirer des ennuis.
Elle sourit en pensant qu'elle l'avait traité de démon, car les démons n'existent pas. Ses sentiments pour lui n'étaient pas réels non plus. Du moins, elle l'espérait.
Quand l'eau devint froide, elle sortit. Elle évita soigneusement de se regarder dans le miroir en enfilant un jean noir moulant et un t-shirt noir.
Le noir lui allait bien et la rendait plus difficile à repérer quand elle se cachait. C'était une règle d'or pour tuer des gens.
Sa main la démangeait en voyant le miroir embué. Elle avait envie de l'essuyer et de se regarder.
Mais elle savait que rien ne serait différent aujourd'hui. Elle verrait toujours un visage aux grands yeux bruns, un nez rond et des lèvres étrangement dessinées.
Elle ne se trouvait pas belle, mais parfois son physique l'aidait à se sortir de situations délicates. Les hommes aimaient toujours les jolies filles.
Elle quitta la salle de bain après s'être brossé les cheveux et se dirigea vers son sac. Malgré l'obscurité de la chambre, elle savait où se trouvait le lit.
Elle avait voyagé toute sa vie et séjourné dans des hôtels miteux, alors elle y était habituée. Partout dans le monde, ces endroits se ressemblaient comme deux gouttes d'eau.
Elle rangea son pyjama dans le sac ouvert. En le refermant, les poils de sa nuque se hérissèrent. Quelque chose clochait.
Tout en faisant semblant d'examiner le sac, elle déplaça lentement sa main vers l'endroit où elle avait laissé l'arme. Le contact du métal froid la rassura.
Elle saisit l'arme, fit volte-face et la pointa dans la pièce. Elle scruta les alentours, ses yeux s'habituant à l'obscurité.
Une ombre bougea, une silhouette sombre près du lit. Elle s'avança rapidement dans cette direction et braqua son arme.
« Qui êtes-vous ? » demanda-t-elle. Ses yeux s'étaient enfin adaptés à l'obscurité, aidés par la lumière de la lune filtrant à travers les rideaux. Elle reconnut la personne.
Il était assis tranquillement dans le coin, immobile comme une statue. C'était l'homme aux yeux verts, Roland.
« Tu sais déjà qui je suis », dit-il doucement. Sa voix était basse, mais elle sentait la puissance de ses mots. Assis dans le fauteuil, il avait l'air d'être chez lui.
Comment osait-il s'introduire dans sa chambre ? Elle en avait assez qu'il se croie supérieur à elle, et il était temps de finir le travail qu'elle n'avait pas pu accomplir avant.
« Oui. Tu es mort », dit-elle, et elle appuya sur la détente comme si sa vie en dépendait.
