Mon cœur s'est arrêté net quand j'ai vu une main féminine saisir celle de Coleman. J'ai ressenti un mélange de tristesse et de trahison.
Andrew me tenait la main. Je comprenais maintenant pourquoi il était resté à mes côtés. Il était au courant pour Coleman et moi, notre baiser, mes sentiments pour lui. Il savait que j'allais être bouleversée en voyant ça.
J'ai observé Coleman aider une jolie fille à descendre de voiture. Ils arboraient des tatouages assortis dans le cou. J'ai su à cet instant que quelque chose de terrible s'était produit.
« Salut tout le monde », a lancé Coleman. Il couvait du regard la belle jeune femme dont il tenait la main. « Je vous présente ma fiancée, Jenna Gilliam. »
J'avais envie de fondre en larmes, mais je me suis retenue. Je ne voulais pas que Coleman voie à quel point j'étais affectée. Il fallait que je reste forte.
J'ai jeté un coup d'œil à Andrew. Il avait l'air coupable. J'ai essayé de lui sourire et j'ai secoué tristement la tête. Ce n'était ni sa faute, ni celle de Coleman - on ne choisit pas la personne qu'on est destiné à épouser.
Si seulement c'était possible.
Voir la personne qu'on aime avec quelqu'un d'autre fait un mal de chien. J'avais l'impression d'avoir gâché les quatre dernières années à l'attendre bêtement.
Coleman se baladait avec Jenna. Il semblait aux anges. J'aurais tant aimé qu'il me sourie comme ça, mais ce sourire n'était réservé qu'à sa fiancée.
J'ai lâché la main d'Andrew et essuyé mes paumes moites sur mon jean. Coleman présentait Jenna à Ari et Siya. J'étais la suivante. Je ne pouvais pas le laisser voir à quel point j'étais chamboulée.
Je tâcherais d'être heureuse pour lui, comme tout le monde. Pourvu que je ne craque pas.
J'ai pris une grande inspiration tandis que Coleman et Jenna s'approchaient de moi. Je me suis remémoré ce qui s'était passé quatre ans plus tôt - son beau sourire, notre baiser magique, ses promesses.
J'ai fermé les yeux et chassé ces rêveries. Quand je les ai rouverts, Coleman me souriait, mais plus comme avant. Juste un sourire amical, comme celui qu'il adressait à tout le monde.
« Enchantée de te rencontrer, Jenna. Bon courage avec celui-là », ai-je plaisanté.
Jenna a ri. « Je t'aime bien ! Tu es marrante. J'espère qu'on pourra traîner ensemble. J'ai besoin de plus de copines. »
J'avais mal au cœur. Elle avait l'air si gentille. Ça rendait la tâche encore plus difficile de la détester.
« Bien sûr. J'adorerais passer du temps avec toi », ai-je répondu avec un sourire. J'étais trop polie. J'aurais dû me taire.
Jenna m'a rendu mon sourire, et ils sont passés à autre chose. Andrew était parti, et je me suis retrouvée seule avec mes pensées.
J'ai sursauté quand quelqu'un a touché mon épaule - c'était Siya, l'air peiné. J'ai soupiré et secoué la tête.
Je n'avais envie ni de parler, ni de recevoir de la compassion. Je voulais juste m'enfermer dans ma chambre et pleurer, mais je ne pouvais pas encore partir.
Au lieu de regarder Coleman et Jenna, j'ai cherché Andrew du regard. Il discutait avec les membres du conseil. Quand il a terminé, il m'a regardée, sentant probablement que je l'observais.
Il est venu vers moi et m'a dit doucement : « Rentre chez toi, Iza. Je t'en donne la permission. Ne reste pas ici à souffrir. Tu dois rentrer. »
Je l'ai regardé les larmes aux yeux et j'ai dit d'une voix triste : « Pourquoi tu ne me l'as pas dit ? »
Andrew avait l'air bouleversé. Il a essuyé une larme sur ma joue. « Oh, Goofy. Je ne savais pas comment m'y prendre. Je ne voulais pas te l'annoncer au téléphone ou par lettre. Je voulais te le dire en face, mais je n'en ai pas eu l'occasion. Je suis vraiment désolé. »
J'ai reniflé et soupiré. « Ce n'était pas ta faute. Il faut que je tourne la page, mais j'ai besoin de temps. »
Andrew a hoché la tête. Il comprenait. Il m'a embrassée sur le front, et j'ai pris le chemin de la maison.
J'ai entendu Andrew dire au groupe que j'étais rentrée parce que j'étais fatiguée. Une fois chez moi, j'ai filé à l'étage et enfilé des vêtements confortables.
Avant, je dormais chaque nuit avec le t-shirt de Coleman, mais ce soir-là, je l'ai sorti de ma commode et jeté à la poubelle. Je ne le porterais plus. Je n'avais plus aucun droit sur Coleman maintenant qu'il avait une fiancée.
Sa fiancée.
Je ne pensais pas que mon cœur pouvait se briser davantage en pensant à ces mots.
Je me suis effondrée sur mon lit et j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps. J'ai laissé mes larmes tremper mon oreiller.
Quand je me suis retournée, j'ai aperçu mon livre, « La Fiancée Secrète », par terre. Je l'ai vite poussé sous mon lit. Toute cette tristesse était trop pour moi.
Après avoir tant désiré un fiancé - rêvé d'avoir une relation comme mes parents - maintenant je ne voulais soudain plus de fiancé du tout. Je ne voulais pas que quelqu'un m'aime. J'étais brisée. Je ne voulais pas la douleur d'aimer quelqu'un.
Un fiancé était censé être quelque chose de spécial, et j'y croyais dur comme fer avant, mais plus maintenant. La Marque Royale n'apportait que douleur et chagrin. Qui voudrait de ça ?
Je pleurais encore quand ma famille est rentrée. J'ai entendu ma mère s'arrêter devant ma porte, et j'ai prié pour qu'elle n'entre pas.
J'ai retenu ma respiration pour arrêter de sangloter. Si Maman m'entendait pleurer, je savais qu'elle débarquerait dans ma chambre.
« Tara, laisse-la dormir. On doit se lever tôt demain », j'ai entendu mon père dire doucement.
Ils sont partis, et j'ai fixé mon plafond. Papa avait raison - on devait se lever aux aurores demain. J'avais besoin de sommeil.
J'ai fermé les yeux et me suis laissée glisser dans le sommeil.
Un bruit strident m'a fait grogner alors que je me retournais pour éteindre l'alarme de mon téléphone. C'était le grand jour - le Bal Royal.
Je savais que je serais crevée, et ça me minait encore plus le moral. J'espérais pouvoir piquer un somme dans la voiture.
Je me suis forcée à sortir du lit et me suis habillée. Je n'aimais pas ce que je voyais dans le miroir - j'avais des valises sous les yeux. La nuit avait été agitée.
J'ai soupiré et mis un peu de maquillage pour avoir l'air plus en forme.
Quand je suis descendue, mes parents sirotaient leur thé, et Ari et Siya prenaient leur petit-déjeuner.
Soudain, tous les regards se sont tournés vers moi, et j'ai lu la même chose dans leurs yeux - ils avaient pitié de moi.
Je ne voulais pas de leur pitié. Tout ce que je voulais vraiment, c'était rester au lit et pleurer toute la journée, mais je savais que ce n'était pas possible. Je devais montrer à Coleman et à moi-même que j'étais forte.
Mon père m'a tendu une tasse de café, et j'ai esquissé un sourire.
Maman et Siya bavardaient, excitées à l'idée de ma première participation au Bal. J'étais reconnaissante pour cette distraction, et j'ai essayé de me laisser gagner par leur enthousiasme.
Après le petit-déjeuner, il était temps de partir. Je suis montée dans la voiture et j'ai posé ma tête contre la vitre fraîche. J'ai monté le volume de ma musique dans mes écouteurs.
Maman et Papa m'ont laissée tranquille, et j'ai laissé la musique m'emporter dans mon propre monde. Bientôt, je me suis assoupie, offrant à mon corps un repos bien mérité.
« Iza, réveille-toi. » Ma mère m'a doucement secouée.
J'ai frotté mes yeux et constaté que nous étions à une station-service. Je me suis étirée et suis sortie de la voiture. Siya et Ari sont descendus de leur véhicule et m'ont fait signe.
« Va t'acheter un truc à grignoter, et n'oublie pas de passer aux toilettes. Il nous reste encore deux heures de route », m'a dit Maman en me donnant de l'argent.
Je suis entrée dans la boutique pour prendre de quoi manger. Je devais avoir une mine affreuse car tous ceux qui me regardaient détournaient rapidement les yeux.
« Goofy - ou devrais-je dire Grumpy - pourquoi fais-tu cette tête d'enterrement ? » C'était Andrew. Il m'a ébouriffé les cheveux.
« Roh, sérieux ? Pourquoi t'en prendre à mes cheveux ? » me suis-je plainte, le repoussant et les remettant en place avec mes doigts.
Andrew a ri. « Parce que ça fait quatre ans que je n'ai pas pu faire ça, et ta réaction est toujours aussi drôle. »
J'ai levé les yeux au ciel. J'ai continué mon chemin dans le magasin mais me suis figée en entendant un rire cristallin - c'était Jenna. Génial. La dernière chose dont j'avais besoin était de croiser Jenna et Coleman.
« Allez, Goofy. Allons chercher de quoi manger », a dit Andrew doucement, m'entraînant dans une autre direction.
J'ai pris un sandwich, une barre chocolatée et une bouteille d'eau. Pendant que j'attendais à la caisse, j'ai entendu ce rire à nouveau. Ils étaient juste derrière moi.
Pourquoi fallait-il que tout le monde soit là en même temps ?
Respire un bon coup, Iza. Tu n'as qu'à payer et filer. Ne leur prête pas attention.
J'ai posé mes articles sur le comptoir et levé les yeux au ciel quand j'ai entendu Jenna glousser à nouveau. Qu'est-ce qui pouvait bien être si drôle ? En fait, peu importe - je ne voulais pas savoir.
Après avoir payé, je me suis précipitée hors de la station-service, avide d'air frais. Je voulais attendre Andrew, mais je ne voulais pas risquer de tomber nez à nez avec les deux tourtereaux.
Heureusement, Papa était déjà dans la voiture. Il m'a souri quand je suis montée à l'arrière. J'ai regardé par la fenêtre et les ai aperçus malgré moi sur le parking.
Même un coup d'œil suffisait - Coleman et Jenna ressemblaient à ce couple que tout le monde déteste, ceux qui s'embrassent sans arrêt en public et agacent tout le monde.
Coleman avait son bras autour des épaules de Jenna et l'embrassait dans le cou sans vergogne. Si je pouvais voir, alors tout le monde le pouvait aussi. Jenna semblait apprécier, cependant.
J'ai fait la grimace et regardé Andrew, qui sortait de la station-service en faisant semblant de vomir derrière eux. Ça m'a fait pouffer. Andrew m'a souri et, me voyant rire, a fait mine de se trancher la gorge.
Au moins je savais que je n'étais pas la seule à trouver ça écœurant.
Une fois que Maman est revenue dans la voiture, Papa a annoncé qu'il nous restait un peu moins de deux heures. Nous arriverions à notre hôtel vers 13h.
J'ai passé la première heure à grignoter et à lire un bouquin que j'avais emporté. Fini les histoires d'amour pour moi - c'était un polar. Définitivement plus mon style maintenant.
La deuxième heure, je me suis rendormie. C'était sans doute une bonne chose - j'avais besoin de sommeil avant le Bal.
Maman m'a réveillée quand nous sommes arrivés à l'hôtel. Andrew est venu à notre voiture et a souri en me voyant me frotter les yeux.
« La Belle au Bois Dormant se réveille enfin », a-t-il dit, m'offrant sa main.
Je l'ai prise avec gratitude. « N'importe quoi. J'avais besoin de dormir, sinon je n'aurais pas tenu le coup ce soir. »
« Moi aussi j'aurais bien besoin de dormir, mais non, j'ai dû conduire jusqu'ici », s'est-il plaint alors que nous entrions dans l'hôtel.
« Eh bien, fais une sieste quand on aura fait le check-in », ai-je suggéré.
« Au fait, Goofy - sois ma cavalière pour le Bal Royal ce soir. Je ne peux imaginer y aller avec quelqu'un d'autre », a dit Andrew d'un ton théâtral. « Tu es l'air que je respire, le- »
Je lui ai donné une tape pour rire. « Ça va, M. Dramatique. Calme-toi. Je suppose que j'irai avec toi. »
« Parfait. Si tu avais dit non, je t'aurais forcée à venir quand même. » Andrew m'a fait un clin d'œil et est allé rejoindre ses parents qui faisaient le check-in.
J'ai ri de ses pitreries. Je savais qu'il en faisait des tonnes pour me changer les idées, mais ça marchait.
En allant vers mes parents, j'ai surpris malgré moi une conversation entre Coleman et Jenna.
« J'ai hâte qu'on soit dans notre chambre. J'ai juste envie de t'arracher tes fringues », disait Coleman.
« Chut ! Tout le monde peut t'entendre », le réprimandait Jenna.
« Qu'ils entendent. Je m'en fiche. J'ai juste hâte de te montrer ce soir au Bal. »
J'ai secoué la tête et essayé de me concentrer sur autre chose - n'importe quoi d'autre. Même si je n'avais pas voulu entendre leur conversation privée, ça me faisait quand même mal.
Coleman ne se souvenait visiblement pas de ce qui s'était passé il y a quatre ans, ou il s'en moquait éperdument. Il est heureux, et il est passé à autre chose, ai-je pensé.
Je devais me faire une raison : je n'étais pas à la place de Jenna, même si j'en avais rêvé si longtemps. Je savais que plus vite j'accepterais ça, mieux ce serait pour moi.
Mon père m'a donné ma clé de chambre. Dieu merci j'avais ma propre chambre, parce qu'à ce moment-là, je luttais pour ne pas fondre en larmes.
Papa, Maman, Siya et Ari étaient tous à un étage différent du mien, alors je suis montée dans ma chambre. Maman m'a dit de commencer à me préparer à 16h, parce que les voitures viendraient nous chercher à 19h.
Enfin un peu de chance - Coleman et Jenna n'étaient pas à mon étage non plus. Siya m'a envoyé un message quand je suis arrivée dans ma chambre pour me dire qu'ils étaient à son étage. J'ai appris qu'Andrew était au même étage que moi, cependant.
J'ai rapidement défait mes bagages et branché mon téléphone pour le recharger. Des images de Coleman et Jenna tournaient en boucle dans ma tête.
Je suis sortie sur le balcon de ma chambre, prête à pleurer tout mon soûl jusqu'à ce que je doive commencer à me préparer.
Je me suis installée dans un fauteuil suspendu et j'ai contemplé la vue sur le Domaine Royal. Des larmes brouillaient déjà ma vision.
L'hôtel était très proche du Palais Royal, où vit le roi et où travaillent les Nouveaux Royaux. D'ici, je pouvais voir à quel point le palais était vraiment immense et somptueux. Me sentir émerveillée m'a fait me sentir un peu moins triste.
J'irais là-bas ce soir pour le Bal, et pour la première fois, je me suis sentie un peu excitée à l'idée de cette soirée.
J'ai essuyé les larmes de mes yeux et regardé de plus près. Je distinguais à peine un homme courir à toutes jambes dans le champ derrière le palais.
J'ai tendu l'oreille, et au bout d'un moment, j'ai cru même entendre l'homme sangloter.
En écoutant ce son, j'ai commencé à ressentir une étrange douleur en moi.
Je ne comprenais pas ce qui m'arrivait.
Tout ce que je savais, c'est que je me sentais attirée par cet homme, comme si je voulais m'approcher assez pour le toucher.
Comme si je voulais être celle qui le réconforterait.
Pouvait-ce être Narcissus Andrei Stone ? Le roi ?
Impossible d'en être certaine. Mais j'avais vraiment envie de le découvrir.
