Le lendemain matin, la circulation est un véritable enfer, et je pousse un soupir de soulagement en arrivant enfin à mon bureau pour me mettre au travail. J'ai la tête pleine d'idées que je souhaite préparer avant ma réunion avec Alec cet après-midi.
Je travaille d'arrache-pied jusqu'à midi, puis je file à la cuisine, où quelques-uns des autres agents et assistants sont déjà en train de déjeuner.
« Tiens, Chelsea, me lance l'une des autres agentes. Viens donc te joindre à nous ! »
Je m'installe à côté d'elle. « Salut. C'est Madison, c'est ça ? »
« Oui, mais mes amis m'appellent Maddie. » Elle m'adresse un sourire chaleureux. Elle a l'air sympathique. On a à peu près le même âge, avec des cheveux bruns et des yeux pétillants qui sourient en même temps que ses lèvres.
« On va prendre un verre demain soir avec quelques collègues. Ça te tente de venir ? On ira juste au bar en face après le boulot. »
« Oui, pourquoi pas. » Ça pourrait être sympa de me faire de nouveaux amis. Ma meilleure amie à Miami était une fille cubaine nommée Esperanza, Estie pour les intimes. On a grandi ensemble, et on était inséparables jusqu'à ce que je déménage.
Maintenant, on s'envoie des SMS et des photos, mais on ne se parle plus beaucoup. Je comprends ; j'ai déménagé loin, et elle a fort à faire avec ses deux petites filles.
Je suis d'ailleurs la marraine de sa fille aînée. Marina a quatre ans, et elle est adorable. Sa petite sœur Clara est née pendant que je sillonnais le pays, sans savoir où je me retrouverais le lendemain.
Je crois qu'Estie ne m'a pas vraiment pardonné de ne pas avoir été là pour la naissance de son deuxième bébé.
Je bavarde avec les autres filles pendant qu'on mange, me réjouissant à l'idée de cette soirée. Elles sortent ensemble chaque semaine, soit le mercredi, soit le vendredi, selon la charge de travail de chacune.
« Alors, il paraît que tu as presque décroché Alec Oberlin comme client, dit Maddie alors qu'on termine toutes notre déjeuner, me regardant avec curiosité. Ça n'a pas traîné. Premier jour, et déjà en train de conclure des affaires. »
Je ris. « Kelly en a parlé ? »
« Ouais. Tu verras vite, ici les nouvelles vont bon train. » Le visage de Maddie devient plus sérieux. « Kelly a aussi dit qu'il aurait peut-être fait quelque chose pour te contrarier. »
« Oh. » Je rougis malgré moi. « Ce n'était rien, vraiment. »
« J'ai entendu dire que ce type est un vrai coureur de jupons, dit-elle d'un ton bienveillant. Si tu veux que quelqu'un d'autre soit dans la pièce quand tu lui parles, n'hésite pas. C'est toujours plus prudent à plusieurs, non ? »
« C'est gentil de proposer, mais ça ira. Je peux gérer Alec Oberlin. »
« Bien dit », dit-elle avec un clin d'œil complice.
Je n'arrive toujours pas à me sortir cette blonde pétillante de la tête. Ce matin, je me suis réveillé les draps en bataille après un rêve torride à son sujet, comme un adolescent en pleine crise hormonale. Le rêve était si excitant que je n'ai même pas pris la peine de refaire le lit.
Sous la douche, je me suis laissé aller à quelques caresses en pensant à elle. Puis j'ai essayé de me concentrer sur mon travail toute la matinée au lieu de continuer à rêvasser.
Je ne me souviens pas avoir déjà autant désiré une femme. Ça m'agace de ne pas pouvoir l'avoir. J'aime relever des défis et je ne dirais pas non à l'idée de tenter ma chance avec Chelsea, mais pas quand je suis dans cet état !
J'ai l'impression que ça fait une éternité que je n'ai pas fait l'amour, alors que ça ne fait que trois jours. Samedi soir, j'étais dans un bar et j'ai eu une aventure avec la jolie serveuse pendant sa pause.
Peut-être que j'ai besoin de coucher avec quelqu'un d'autre pour arrêter de penser à Chelsea. Mais je n'en ai pas envie. C'est étrange.
J'ai connu pas mal de femmes. À la fac, j'étais un vrai coureur de jupons. Je repense à ma journée la plus folle, la fête avant le début de la dernière année.
La fête a commencé à midi, et j'ai d'abord couché avec une jolie étudiante de première année. Je ne me souviens ni de son nom ni de son visage, juste du plaisir d'être un senior séduisant qui pouvait avoir qui il voulait.
Plus tard dans l'après-midi, j'ai eu droit à une gâterie de la copine de quelqu'un pendant que pas mal de gens regardaient. Peu après, mon meilleur pote et moi on s'est fait une pom-pom girl.
À la tombée de la nuit, ils ont mis de la musique à fond, et j'ai eu droit à un petit spectacle privé d'une fille tatouée. Elle a fini par me sauter dessus. Puis j'ai terminé la soirée dans le jacuzzi, en m'envoyant en l'air avec deux blondes aux gros seins refaits.
Comme je l'ai dit, j'étais déchaîné à l'époque. Maintenant, j'aime toujours m'amuser et avoir des aventures, mais avec moins de trucs de groupe qu'à la fac.
Je ne sais pas combien de fois mon pote Blaine et moi on s'est fait des filles ensemble. On n'est pas gays ni attirés l'un par l'autre ; il y avait toujours une nana entre nous quand on était nus ensemble.
Blaine est marié maintenant et va bientôt être papa. Comme le temps passe ! Pas mal de mes potes de fac se sont mariés récemment. Parfois, je me demande si je ne passe pas à côté de quelque chose.
Je sais que je dois avoir l'air pro pendant la réunion d'aujourd'hui, sinon Chelsea pourrait me virer. Alors je me caresse une dernière fois avant d'enfiler mon costume, d'appeler mon chauffeur et de filer aux bureaux de Lockwood.
Quand j'arrive, la même réceptionniste qu'hier m'accueille. Elle me reluque avant de me conduire à une salle de réunion. « Merci », je dis, en la regardant dans les yeux. « Kelly, c'est ça ? »
« C'est ça », dit-elle. Pour quelqu'un d'aussi petit, elle peut avoir l'air plutôt flippante quand elle veut. « Mme Tanner sera bientôt là. » Elle s'arrête. « On tient tous beaucoup à Mme Tanner ici. »
« Bon à savoir ? » je dis, perplexe.
Venant de New York, je pensais qu'un lac serait moins impressionnant que les vues sur l'océan et la rivière de Manhattan, mais ce lac est peut-être plus bleu que l'Atlantique.
Derrière moi, j'entends la porte s'ouvrir et se fermer. Je sens le parfum de Chelsea. Elle sent bon, une odeur douce et féminine, comme une belle journée de printemps.
Repoussant toutes les pensées non professionnelles, je me retourne et la salue. Elle est canon, habillée d'un pantalon sombre et d'une chemise blanche ouverte en haut, mettant parfaitement en valeur sa poitrine. J'ai vraiment envie de tendre la main et de la toucher.
Au lieu de ça, je m'assieds à la table et commence à sortir mes dessins.
On passe les deux heures suivantes à examiner mes idées. Elle ajoute des détails qui vont faire grimper le prix et rendre les espaces de vie encore plus luxueux. Elle sait vraiment de quoi elle parle et a bon goût !
Pendant qu'on regarde mes croquis, elle ouvre son ordinateur et commence à faire des dessins numériques. Ils illustrent parfaitement tout ce dont on a parlé.
Je suis bluffé. Chelsea est aussi douée qu'elle est belle.
« Les agents immobiliers font souvent du design numérique ? » Je la regarde avec un sourire.
« Non », rougit-elle. « Mais j'ai étudié le design graphique à l'école. Je n'ai jamais travaillé comme designer, mais je faisais de l'art numérique et des pubs dans mon ancien boulot. J'aime participer à chaque étape quand je travaille sur de nouvelles propriétés. »
« C'est impressionnant. Je suis pareil. Je ne m'intéresse pas qu'à l'aspect commercial de la construction de nouveaux bâtiments, comme ma famille. C'est pour ça que j'ai étudié l'architecture, pour pouvoir contribuer à décider de l'apparence des bâtiments finis. »
« Qui l'aurait cru ? » sourit-elle.
« Je sais, n'est-ce pas ? » je ris. « Alors, pourquoi avez-vous choisi l'immobilier plutôt que le design si c'est ce que vous avez étudié ? »
« Eh bien, j'ai toujours su que je voulais travailler avec mon père dans son entreprise. C'est un agent immobilier à Miami. Son entreprise, Tanner & Co, est plus petite que Lockwood, mais il cartonne.
« J'allais parfois travailler avec lui quand j'étais gamine, et j'ai su que je voulais aider les gens à trouver la maison de leurs rêves, comme lui.
« J'ai étudié le design uniquement parce que je savais que ce serait utile dans l'entreprise. On n'aurait pas besoin d'embaucher d'autres designers pour les affiches, les pubs et les images numériques. »
« C'est cool. Votre famille vit toujours à Miami ? » Plus on parle, plus j'ai envie d'en savoir sur cette femme.
« Oui, mes parents y vivent toujours. Je n'ai pas de frères et sœurs, donc on était assez proches. »
« Alors pourquoi avez-vous déménagé ? » Elle me regarde comme si elle réfléchissait à sa réponse. Ma question était trop personnelle ? Ça me semble être une question normale. Je ne comprends pas pourquoi je suis si nerveux en parlant simplement avec cette femme.
« J'avais besoin de changer d'air », dit-elle finalement en soupirant. « Il y a trois mois, j'ai divorcé, après huit ans de mariage. Il y avait trop de souvenirs de lui, et de notre vie ensemble, dans notre maison à Miami. »
« Je suis désolé d'entendre ça », je dis maladroitement. Chelsea a l'air si jeune ! On doit avoir à peu près le même âge. Et elle était mariée depuis huit ans ? Cette fête de dingue dont je me souvenais, ma grande célébration de dernière année, c'était il y a à peine plus de huit ans.
J'ai l'impression qu'il doit y avoir plus à dire sur ce divorce, mais je ne veux pas insister. Peut-être qu'un jour Chelsea me fera assez confiance pour en dire plus.
Chelsea regarde par la fenêtre, semblant perdue dans ses pensées un instant. Puis elle se tourne vers moi. « Et vous, vous êtes proche de votre famille ? »
« Oui et non », je dis. Après que Chelsea ait partagé un peu sur elle, c'est normal que j'en fasse autant.
« Ma famille n'aime pas mon style de vie, et ça a causé quelques embrouilles entre nous. Mais on était très proches quand j'étais jeune. Et mon frère et ma sœur sont toujours proches de nos parents.
« Je suis peut-être vice-président senior de l'entreprise familiale, mais je suis en quelque sorte le mouton noir de la famille Oberlin », je dis, ressentant ce sentiment familier de malaise dans mon estomac, celui que j'ai toujours quand je pense à ma famille et à comment tout s'est passé.
« Qu'est-ce qu'ils n'aiment pas dans votre style de vie ? » demande-t-elle avec curiosité.
« Eh bien... » C'est un peu gênant de confirmer que je suis exactement le genre de coureur de jupons que Chelsea a dû penser hier. « Je passe beaucoup de temps à faire la fête, pour être honnête. Alcool, drogues, coups d'un soir.
« Ma famille l'a supporté quand j'étais à la fac, mais maintenant ils me disent sans arrêt que je deviens trop vieux pour faire la une des journaux pour mauvaise conduite toutes les deux semaines. »
« Alors vous avez pensé à changer de style de vie, à vous rapprocher de votre famille ? » La question semble moralisatrice, mais quand Chelsea me regarde, je ne vois pas le jugement auquel je m'attendais - juste une vraie curiosité et de la compréhension.
« Je suis presque sûr que c'est pour ça qu'ils m'ont envoyé à Chicago », je soupire. « Pour m'éloigner de mes potes et de ma vie de fête, et peut-être trouver une nouvelle façon de voir les choses. »
Ça ne s'est pas produit jusqu'à présent, pour être honnête. Mais peut-être que Chelsea est exactement la nouvelle perspective dont j'ai besoin. Je lui adresse un doux sourire alors qu'on se remet au travail.
