
« Oui, Noelle Kriton est ma mère », avoua Marie. Holton remarqua que ses épaules se crispèrent. Il eut envie de la prendre dans ses bras ou de lui caresser le dos pour la réconforter, mais il se retint.
« Je devrais te prévenir, ma mère et la tienne ne s'entendent pas vraiment. » Noelle Kriton était une figure importante de la haute société, et elle ne cachait pas son aversion pour les métamorphes.
Holton et toute sa famille étaient des métamorphes ours, ils n'appréciaient donc guère d'entendre Noelle dénigrer les leurs. La mère de Holton, Helena, siégeait avec Noelle dans certains conseils d'administration d'associations caritatives, elle devait donc subir directement certaines de ses remarques désobligeantes.
« Ma mère ne s'entend avec personne, sauf si la personne est riche et désagréable, lâcha Marie. Est-ce que ça pose problème ? Tu vas m'éviter parce que je suis sa fille ? »
Holton enfonça ses mains dans les poches de son manteau pour s'empêcher de toucher Marie. C'était un vrai supplice de ne pas la toucher. Il n'y avait aucune chance qu'il puisse éviter cette femme, peu importe sa famille.
« Ce ne serait pas juste. Tu n'as rien fait de mal. Enfin... » Il s'éclaircit la gorge. « Tu allais me montrer des échantillons de fleurs, non ? »
« Oui, dit Marie, visiblement soulagée. Laisse-moi juste rassembler quelques éléments. » Cette voix. C'était la première chose qui l'avait frappé chez elle plus tôt.
Il s'était fait du souci quand il avait réalisé avoir oublié de commander les fleurs de Noël. Mais dès qu'il avait appelé cette boutique, la voix au téléphone avait apaisé son ours intérieur.
Cela aurait dû être un signe de ce qui se passait, mais rien n'aurait pu le préparer à la réaction que lui et son ours auraient face à Marie en chair et en os.
Toute sa vie, il avait entendu parler de l'incroyable sensation de rencontrer son compagnon destiné. Maintenant qu'il l'avait rencontrée, il comprenait enfin ce dont tout le monde parlait.
Marie était magnifique, avec ses cheveux blonds dorés bouclés et ses yeux gris-bleu. Elle était plus petite que lui d'une trentaine de centimètres, avec des courbes qu'il trouvait très attirantes. Il était tellement absorbé par sa contemplation qu'il avait du mal à se concentrer sur ce qu'elle disait.
« Tu sais quelles fleurs ta mère aime ? » demanda-t-elle. Même sa voix éveillait en lui un désir qui parcourait tout son corps. Il dut bouger pour éviter que son pantalon ne trahisse ses pensées.
« Euh, elle aime le bleu et le rouge. L'année dernière, vous aviez mélangé des fleurs brillantes avec les vraies, ce qui rendait très bien, mais cette fois j'aimerais quelque chose de plus naturel », répondit-il.
Marie regarda autour d'elle les différentes vitrines de fleurs. « Elle aime être dehors ? »
Holton essaya de ne pas rire. Sa mère était un métamorphe ours. Bien sûr qu'elle aimait être dehors. « Oui », dit-il simplement.
Les métamorphes représentaient environ dix pour cent de la population, et dans l'ensemble, Holton était fier d'être issu d'une famille de métamorphes. Mais certaines personnes - comme Noelle Kriton - n'aimaient pas son espèce, les traitant comme des animaux sauvages.
Il espérait vraiment que Marie, son compagnon destiné nouvellement découvert, ne pensait pas comme sa mère. Il voulait apprendre à la connaître un peu mieux avant de lui révéler qu'il était un métamorphe.
« Hmm, dit Marie, ignorant ce à quoi il pensait. Que dirais-tu de quelque chose d'enneigé ? Des pommes de pin, des baies, des aiguilles de pin ? »
Elle sortit différents éléments pour les disposer sur une table devant lui. Il observa avec intérêt comment elle les arrangeait dans un vase d'échantillon, les assemblant d'une manière à laquelle il n'aurait jamais pensé. « Ta mère est-elle sensible aux odeurs ? » demanda-t-elle.
« Oui », dit-il, à nouveau sans expliquer pourquoi c'était évident. Il était lui aussi sensible aux odeurs ; la boutique regorgeait de senteurs fortes.
« D'accord, ça m'aide. » Il la regarda se déplacer dans la pièce, l'air très concentrée. Elle sortit des fleurs aux bords légèrement violets, des blanches en forme de flocons de neige, et d'autres rouge vif en forme de trompette.
« Perce-neige, amaryllis et primevère des fées. Ça devrait donner une ambiance hivernale avec une touche de Noël. Si on en prend bien soin, le centre de table devrait tenir une à deux semaines. Pour quand en as-tu besoin ? »
« Noël », dit-il.
« D'accord. Nous fermons à 14h la veille de Noël ; tu devras venir le chercher à ce moment-là. »
« Je peux faire ça. » Il réalisa que leur temps ensemble touchait à sa fin et se sentit un peu anxieux à l'idée de devoir la quitter si tôt. C'est alors que son estomac gargouilla. Il sourit.
« Ça te dirait que je t'invite à dîner ? » demanda-t-il, espérant qu'elle accepterait.
Elle lui rendit son sourire. « Si ça ne te dérange pas que j'y aille comme ça, oui, je veux bien dîner avec toi. »
« Tu es parfaite », lui dit-il, regardant sa tenue. Sous son tablier, elle portait un pull rouge pailleté et un jean moulant qui mettait en valeur ses hanches généreuses. Il avait vraiment envie de poser ses mains sur ces hanches.
« Voici ma carte pour le paiement. » Il lui tendit sa carte platinum. Il se sentait toujours un peu gêné quand les gens la voyaient ; il n'aimait pas étaler sa richesse.
Les yeux de Marie s'écarquillèrent quand elle vit le nom sur la carte de l'entreprise. « Maintenant je sais qui tu es. Bell Construction. Mes deux sœurs ont des maisons construites par ton entreprise. »
« J'espère qu'elles aiment leurs maisons », dit Holton, bougeant nerveusement.
« Elles sont contentes maintenant. Je sais qu'elles étaient toutes les deux très stressées pendant la construction. J'ai essayé de les éviter pendant cette période. »
Elle se tourna vers son terminal de paiement. « Bien, j'ai tout ce qu'il me faut. Je t'appellerai quand les centres de table seront prêts. Je te donnerai aussi les instructions d'entretien à ce moment-là. » Holton sourit en reprenant sa carte.
« Ça veut dire que je peux t'emmener dîner. » Holton prit sa main, l'aidant à se lever.
« Il faut que je ferme la boutique », répondit-elle d'une voix grave. Il sourit en voyant ce signe qu'elle était affectée par son contact tout comme lui.
« Prends ton temps », répondit-il.
Cependant, dès que Holton lui ouvrit la porte, un homme grand et mince aux cheveux bleu vif s'avança pour donner à Marie son sac et son manteau. « Amuse-toi bien, Marie. On s'occupe de ranger. »
« Tu nous écoutais ? » demanda-t-elle, l'air furieux contre lui.
« Non, j'ai juste entendu qu'il t'invitait à sortir. Salut ! » Le gars lui fit un signe de la main et la poussa doucement.
« Reggie », dit Marie, d'un ton menaçant.
« Merci, Reggie. » Holton était ravi de pouvoir commencer leur rendez-vous tout de suite. Il passa derrière Marie, dénoua son tablier, puis prit ses affaires de ses mains.
Reggie attrapa le tablier, Holton aida Marie à enfiler son manteau, et elle le ferma avant de reprendre son sac, l'air surprise.
Marie accepta de suivre Holton jusqu'à son restaurant préféré, un pub irlandais décontracté appelé Gallagher's Pub. En entrant, ils entendirent de la musique forte et des rires.
« Holton ! » appela son ami Trey, lui faisant signe de s'approcher du bar.
« Pas ce soir, Trey. » Holton baissa les yeux pour voir Marie regarder autour d'elle. « On peut s'asseoir où on veut », expliqua-t-il, la guidant vers un box à l'écart du bruit.
« Tu viens souvent ici ? » demanda-t-elle en enlevant son manteau.
« Tous les vendredis soir, dit-il. Mon meilleur ami Trey est le propriétaire, et nous sommes aussi tous les deux bons amis avec Alexi, qui brasse la bière ici. Ils ont des horaires très différents des miens ; si je ne venais pas ici, je les verrais à peine. »
« Wow, dit Marie, l'air un peu triste. Je n'ai pas d'endroit comme ça. Je ne pense pas avoir jamais été une habituée quelque part. »
« Que fais-tu pour te détendre ? » demanda-t-il en lui tendant un menu.
« Je jardine, dit-elle. J'adore être dans la terre, travailler pour faire pousser des fleurs. »
Il sourit. Cela avait du sens pour quelqu'un qui travaille avec les fleurs. « Tu ne fais pousser que des fleurs ? »
« Non, j'ai aussi un potager. Cette année, j'ai eu beaucoup de poivrons. Je n'arrivais pas à les utiliser ou à les donner assez vite. »
« C'est chouette. Que fais-tu pendant les mois d'hiver ? » Holton tendit la main à travers la table pour prendre la sienne.
« Pas grand-chose. Je dîne une fois par mois avec ma famille. J'ai une soirée jeux une fois par semaine, parfois plus si tout le monde peut venir. Et toi ? Que fais-tu à part venir ici ? » demanda-t-elle en serrant sa main.
« J'aime être dans les bois. Et je dîne aussi avec ma famille, deux fois par mois le dimanche. »
Son visage s'assombrit quand il mentionna la famille. « Tu apprécies ? » demanda-t-elle, l'air dubitative. N'aimait-elle pas sa famille ?
« Oui, dit-il lentement. Ma famille est très unie et on se soutient mutuellement. Mon père m'a confié l'entreprise familiale il y a environ six ans. Et toi ? Tu apprécies les dîners de famille ? » Il regarda Marie soupirer et hausser les épaules.
« Avant, c'était correct. Maintenant mes deux sœurs sont mariées avec des enfants. Je suis l'aînée à trente-trois ans. Ma mère aime me rappeler que je ne rajeunis pas. Elle me dit souvent que je dois me marier et me ranger. »
Holton la regarda, choqué. « Te ranger ? Que veux-tu dire ? »
« Je dois arrêter d'être si difficile, dit-elle. Je devrais dire oui à la prochaine demande en mariage, peu importe ce que je ressens pour l'homme. »
« On t'a déjà demandée en mariage ? » demanda-t-il, se sentant très jaloux de cet homme qu'il n'avait jamais rencontré.
Elle hocha la tête. « Mon dernier petit ami m'a demandée en mariage, et j'ai dit que j'allais y réfléchir. Puis il m'a trompée. Ma mère a dit que c'est juste ce que font les hommes, mais je ne suis pas d'accord. »
Holton passa rapidement de la jalousie à la colère pour elle. « Bien sûr. Je ne vois pas comment on peut penser qu'il est acceptable de vouloir que son compagnon soit avec d'autres personnes. »
« N'est-ce pas ? Je ne pense pas demander trop. Je veux juste quelqu'un qui m'aimera, moi et les enfants que nous aurons. J'ai besoin d'être importante dans sa vie. » Holton sourit. Il aimait qu'elle soit forte.
« Je suis content que tu ne te sois pas rangée. Sinon, je n'aurais pas eu la chance de te rencontrer. » Il embrassa sa main alors que leur serveur arrivait à la table.
« Désolé pour l'attente, dit le gars, les regardant tous les deux. Content de te revoir, Holton. Que puis-je vous apporter à boire ? »
« Je prendrai mon habituel, le Mad Bear », répondit Holton. Il regarda Marie. « C'est la bière blonde maison ; elle est vraiment bonne. Que veux-tu ? »
« Vous avez une bière blanche belge ? » demanda-t-elle au serveur.
« Le Honey Bear pourrait être un bon choix. Je peux vous apporter un échantillon », proposa le serveur.
« D'accord, pourquoi pas. » Marie lui adressa un sourire, ce qui fit grogner doucement l'ours de Holton.
Oh non. Il était censé cacher son côté ours pour le moment. Marie se retourna rapidement vers lui, l'air surprise puis pensive.
« Je reviens. » Le serveur partit, et Holton se sentit plus calme une fois de nouveau seul avec Marie.
« C'est genre la troisième fois aujourd'hui que je t'entends faire des bruits de grondement, dit-elle, lui lançant un regard de défi. Tu es une sorte de métamorphe ? »