Le Grand Méchant Loup

Sourire.

Serrer la main.

Être polie.

Se tordant les mains de nervosité, R.J. se regarda une fois de plus dans son miroir, faisant à nouveau les cent pas. Il était sept heures et demie, et elle n'avait pas encore quitté la maison pour le rendez-vous arrangé.

Ne sachant pas quoi porter, elle avait enfilé une robe imprimée, un cardigan noir et des bottes noires en daim jusqu'au mollet. Elle n'était pas du genre à mettre en valeur ses courbes ou sa beauté naturelle, alors cette tenue était parfaite.

Ses longs cheveux blond miel flottaient sur ses épaules en vagues naturelles. Le maquillage était hors de question, juste un peu de crème hydratante sur son visage, et c'est tout.

"Hé," dit quelqu’un qui se trouvait sur le pas de la porte de sa chambre.

"J'arrive", appela-t-elle, en attrapant la pochette sur sa vanité, puis en sortant à la rencontre de son interlocuteur.

Jesse sourit en voyant à quel point son amie était simple mais belle. Il lui tendit le bras, et elle le serra. Elle était très nerveuse.

Les derniers rendez-vous auxquels son père l'avait envoyée avaient été des échecs. Pour chacun d'entre eux, ils avaient tous deux su au premier regard qu'ils n'étaient pas des partenaires.

Deux des huit s’étaient montrés polis et avaient poursuivi le dîner.

Quatre avaient été terriblement grossiers avec elle et l'avaient critiquée, elle et la meute, en profondeur. Kara avait été sur le point de les attaquer tous, mais ses amis avaient été là pour les sauver.

Les deux autres avaient voulu qu’elle soit leur maîtresse jusqu’à ce qu’ils trouvent leurs propres partenaires.

R.J. était inquiète de la façon dont ce rendez-vous allait se dérouler.

"D'après les quelques informations de ton père, il est blond, mesure 1,80 m et a les yeux bleus. Il vit seul. A un emploi très respectable en ville", l'informa Jesse.

"Ce n'est pas beaucoup d’informations. Quel est son nom ?"

Jesse haussa les épaules, la conduisant vers la porte.

Ils se dirigèrent vers la voiture, où Mark se tenait debout, attendant. "Eh bien, n'es-tu pas l'alpha la plus sexy que je connaisse ?" Mark la taquina, en ouvrant la porte.

Levant les yeux au ciel, elle entra dans la voiture. Alors qu'ils faisaient leur chemin dans la ville, son père appela.

"Es-tu habillée convenablement ?" demanda-t-il de façon directe.

"Oui, papa. Je le suis. Pour ta prochaine question, je suis en route et je ne te ferai pas honte", répondit-elle avec une mâchoire serrée.

"Enfin une bonne nouvelle", dit-il avant de raccrocher.

"Au revoir à toi aussi, papa", marmonna-t-elle.

"Toujours pas de nom ?" demanda Jesse.

"Non."

"Au moins celui-là a du goût. C’est un restaurant cinq étoiles italien. Ton préféré", dit Mark.

"Eh bien, deux points pour l'homme mystérieux", dit R.J. sur le ton de la plaisanterie.

Ils gloussèrent. Un sentiment s'empara d'eux après cela, un sentiment que celui-ci pourrait être quelqu'un de spécial pour leur alpha.

Elle s'était perdue ces dernières années, et il était temps que la vraie Renae Josephine Macallister revienne.

Ils atteignirent le restaurant à huit heures précises. R.J. se précipita à l'intérieur, agitée, et s'approcha de l'hôtesse. "Bonjour. Je suis R.J. Macallister. J'ai un rendez-vous. Pour vingt heures", dit-elle rapidement.

"Oh, bonjour, Mlle Macallister. Vous êtes pile à l'heure. Votre rendez-vous, cependant, n'est pas arrivé mais il a laissé un message disant qu'il sera là sous peu", dit la jeune fille avec un sourire.

"Dieu merci", souffla R.J. avant de suivre la jeune fille jusqu'à sa table. Elle était située dans un coin du restaurant, à l'abri des regards indiscrets.

Le décor était riche et respirait l'Italie, tous les serveurs étaient habillés de façon immaculée et s'occupaient des clients comme des rois.

Alors qu'elle était assise, on lui servit un verre de vin rouge. "Gratuit pour chaque invité", dit le serveur en s'inclinant, puis il partit.

"Avec grand plaisir," dit-elle en prenant une gorgée de vin et en attendant l’homme avec qui elle avait rendez-vous.

"Ah, mince, je suis en retard." Coincé dans le trafic, Jacob repensa à la facilité avec laquelle William l'avait convaincu d'aller à ce rendez-vous.

Tout avait été préparé. Tout ce qu'il avait à faire était de dire oui.

William avait trouvé la fille, le restaurant, et même une baby-sitter pour Jasmine. C'était un vrai rendez-vous à l'aveugle car il ne connaissait même pas le nom de cette fille, il ne pouvait pas la rechercher sur Facebook ou Google.

La circulation devint plus fluide, et il était en route pour le restaurant italien, Giorgio's, son préféré sur le Strip.

Fixant ses cheveux et le col de sa chemise, il s’arrêta devant l'authentique restaurant italien qu'il avait découvert lors de son premier rendez-vous avec Annabella quand il avait seize ans.

C'était un sentiment amer de revenir ici. Une grande et inoubliable relation avait commencé ici, il avait des tas de souvenirs joyeux. Maintenant, il s'éloignait d'elle, en quelque sorte.

Donnant les clés au valet, il entra et s’approcha de l'hôtesse, qui s’occupait de deux couples avant lui.

Attendant son tour, il essaya de jeter un coup d'œil à l'intérieur pour voir s'il pouvait repérer une femme nerveuse assise toute seule, mais les arbustes derrière l'hôtesse bloquaient l'entrée de la salle à manger.

Cela le rendit encore plus nerveux. Il n'avait pas eu de rendez-vous depuis des années. Jacob s'était concentré uniquement sur Annabella, même après sa mort. Il avait accepté ce rendez-vous à cause de Jasmine.

Au cours de l'été, il avait vu le regard qu'elle avait dans les yeux au parc, le regard de tristesse et de désir quand elle voyait les autres petites filles jouer avec leurs mères.

Elle l'avait caché derrière son sourire caractéristique lorsqu'elle l'avait surpris en train de la regarder.

Jacob savait qu’il était peut-être temps de lui donner une nouvelle mère.

"Bienvenue. Comment puis-je vous aider ce soir ?" le salua l'hôtesse.

"Euh, bonjour. J’ai une réservation au Kaiser pour deux", dit-il, un peu agité.

"Votre partenaire de dîner est déjà là. Veuillez me suivre", répondit-elle en s'éloignant de l'estrade.

Il la suivit dans la salle à manger, et un sourire se forma sur son visage alors qu'il s'approchait de la table qu'il avait l’habitude de demander.

Des choses comme le décor et le personnel de service avaient changé, mais certainement pas la disposition des sièges. On le conduit dans un coin, près de la fenêtre, loin des regards indiscrets. C'était la table la plus appropriée.

"Nous y sommes. Votre serveur pour la nuit sera là sous peu pour prendre vos commandes", dit l'hôtesse, le laissant seul.

Libérant une profonde inspiration, il regarda sa partenaire de table. Ce qu'il trouva n'était pas ce à quoi il s'attendait.

"Bonsoir", dit une voix grave et enjouée.

R.J. détourna son regard de la vue nocturne à l'extérieur des baies vitrées vers le propriétaire de la voix. Elle vit des yeux aussi bleus que l'océan et un sourire à fossettes.

Elle laissa échapper un petit gloussement, puis se réprimanda mentalement d'avoir l'air d'une adolescente guillerette.

Il gloussa et lui fit signe de se rasseoir. Elle n'avait pas réalisé qu'elle s'était levée.

Ses cheveux blonds étaient bouclés, quelques mèches reposant sur son front. Sa barbe naissante lui allait à merveille, comme un mannequin. Il se racla la gorge et lui adressa un petit sourire.

"C'est un plaisir de rencontrer enfin la fille du fameux Alpha Raymond", dit-il.

Sa joie et sa confiance disparurent à la mention du nom de son père. Cela lui rappela la raison pour laquelle elle était ici.

Pendant un moment, elle avait pensé qu'elle était à un rendez-vous normal et décontracté, et non à la chasse au partenaire, et maintenant, une fois de plus, cela lui revint en plein visage.

"Je suis R.J., et toi ? Désolée. Mon père était tellement excité à l'idée que je vienne à ce rendez-vous qu'il a oublié de mentionner ton nom", dit-elle en faisant un faux sourire.

Le mannequin blond hocha la tête et ajusta sa veste. "Mon nom est Shane. Shane Dubois, et comme je peux le voir par la déception dans tes yeux et aussi par mes propres ressentis, nous ne sommes pas des partenaires", répondit-il.

R.J. acquiesça simplement et prit une gorgée de son vin. Ne le sentant pas sur ses lèvres, elle regarda le verre vide. Lâchant un profond soupir, elle leva les yeux vers Shane. "Alors, qu'est-ce que ce sera ?" demanda-t-elle.

Un regard confus assombrit ses traits.

"Vas-tu juger ma meute ? Être un connard ? Ou vas-tu me demander d'être ta maîtresse ?

"J'espère en quelque sorte que tu ne feras rien de tout cela et que nous pourrons prétendre que nous sommes en train de passer un bon moment lors d'un rendez-vous informel", dit-elle en gardant son sérieux.

"Hum. Je veux en quelque sorte l'option quatre", répondit-il en se grattant la barbe et en riant nerveusement.

"Bien", dit-elle en faisant signe au serveur de venir prendre sa commande.

"Quel numéro ?"

"Excuse-moi ?" demanda-t-elle, déconcertée par sa question.

"Je suis quel numéro sur la liste ?" demanda Shane, souriant à la beauté devant lui. Il devait s'avouer, et son loup aussi, que R.J. aurait fait une excellente Luna.

Non seulement elle était belle, mais on pouvait voir à quel point elle était encore innocente, mais cela pouvait être une illusion. En l’entendant parler, il savait qu’elle ne l’était pas.

"Tu es le numéro neuf."

"Pff. Ma chérie, tu dois rattraper ton retard. Tu es le numéro douze", taquina-t-il.

R.J. éclata de rire en associant ses mots à un geste dédaigneux et enjoué.

"Douze, tu dis ? Pourquoi est-ce que tu es si torturé ?"

"Père dominateur. Mère inquiète. Enfant unique et héritier. L'un a besoin de voir la meute se développer, tandis que l'autre veut des petits-enfants. Et toi ?"

Elle le regarda. Ses yeux bleus étaient chaleureux. Elle sentait qu'il était quelqu'un en qui elle pouvait avoir confiance. Ce serait génial de se faire un ami en dehors de la meute de Cœur Noir.

La tête haute, elle lui dit pourquoi elle endurait cette chasse au partenaire. "Mon père veut qu'un homme devienne l'alpha de Cœur Noir."

Il la regarda, abasourdi par ses paroles. Son père n’était pas aussi radical. Pour ses parents, les chefs de meute étaient sur un pied d'égalité.

"Alors, qui est l'alpha actuel ?"

"Je le suis depuis que j'ai dix-huit ans", dit-elle d'un ton monocorde.

"Cœur Noir a été nommée la meute la plus sûre et la plus prospère. Les guerriers les plus forts viennent de ta meute."

Elle rit. "Oh, j'ai une réponse pour ça. "Des années de dur labeur et le grand leadership de mon père. "

"Non, R.J. Ces statistiques proviennent des royaux qui surveillent chaque meute. Ce rapport arriva il y a deux mois, sous ton règne."

Elle haussa simplement les épaules et sourit au serveur qui approchait. Ils passèrent leurs commandes, et leur serveur partit rapidement pour les transmettre au chef.

"Comment peux-tu ne pas le savoir ? Tous les alphas ont été impressionnés. Merde, même mon père se vantait que j'avais un rendez-vous avec toi."

Shane la regarda à la recherche d'une quelconque réaction. Ne savait-elle pas que son nom était aussi célèbre que celui de son père ?

"Ce que je sais, c'est que tout cela est le fait de mon père. Je ne suis pas aussi puissante que Raymond Macallister. Alors parle-moi de toi." Avec cette demande, R.J. mit fin à toute discussion sur la meute.

Il lui avait été inculqué qu'elle ne serait jamais aussi bonne que lui. Elle croyait que chaque mot qu'il lui avait dit depuis qu'elle avait seize ans était vrai.

Ses amis et même sa mère avaient essayé de lui prouver le contraire, mais le mal était fait. Pour Raymond, sa fille était un échec.

L'exemple parfait était juste en face d'elle. Un autre rendez-vous avec un loup convenable, et il n'était pas son partenaire.

Jacob était prêt à en finir, et ils n'étaient pas encore arrivés au plat principal.

"Tu es du coin ? Parce que je suis sûre que je le saurais." La femme dont le nom était Karrie avec un K n'avait pas arrêté de parler depuis qu'il s'était présenté.

Il était tenté d'éteindre son oreillette et de devenir vraiment sourd pendant le dîner, mais ce serait impoli.

Il apprit qu'elle avait un appartement super mignon à trois rues de là et qu'elle avait sa propre voiture, que son dernier petit ami lui avait achetée.

Elle aimait les chiens et avait un terrier dont le nom était Muffy ou Mutsy. Il n'arrivait pas à s’en souvenir car elle parlait trop vite.

Karrie avec un K continuait à parler de ses amis et de ses émissions préférées. Elle lui demanda quelles étaient les siennes, mais elle ne lui laissa pas le temps de répondre.

"Je suis de l'autre côté de la ville. Malvain Estates."

"Waouh. C'est l'un des quartiers les plus riches. Tu dois être médecin ou avocat. Peut-être un mannequin, une si belle apparence ne peut pas être gaspillée."

"Je suis un associé junior dans un cabinet comptable. Que fais-tu dans la vie ?" demanda-t-il, faisant un effort pour donner l'impression qu'il était intéressé.

"Oh. Je suis professeur de yoga." Son excitation à l'idée que Jacob puisse être richissime s'éteignit lorsqu'elle entendit le mot comptable.

"Du yoga. Cela demande beaucoup de discipline et de force au niveau du corps et de l'esprit", commenta-t-il, et puis, elle se tut. Il semblait que son commentaire sur son amour du yoga avait déclenché quelque chose.

Au moment de commander, elle prit une simple salade verte, sans vinaigrette, et de l'eau. Elle le regarda avec dégoût alors qu'il commandait les lasagnes à la viande avec supplément de fromage et un accompagnement de gressins farcis.

"Comment fais-tu pour rester en forme avec toutes ces calories ?" demanda-t-elle, en ajustant sa robe pour la millionième fois.

"Je fais du sport le matin avant d'aller au bureau. Et puis, avec ma fille, je suis souvent amené à courir à droite à gauche", dit-il nonchalamment en regardant la pièce.

"Tu as un enfant ?"

Le mot enfant et le ton qui l'accompagnait était le point de rupture.

Jacob avait supporté sa robe trop serrée et révélatrice, son maquillage exagéré, ses excès de paroles et son attitude moralisatrice pendant les trente premières minutes de ce rendez-vous déjà horrible, mais le fait qu'elle n'aime pas les enfants était un problème majeur.

"Oui. Une fille de six ans", dit-il avec son sourire de père de l'année.

"William ne m'a pas dit que tu avais un enfant. Tu as vingt-sept ans, non ? N'es-tu pas trop jeune pour être père ?" demanda-t-elle avec condescendance.

"Y a-t-il un âge pour avoir un enfant ? Ma fille est née quand j'avais vingt et un ans, à cet âge, j'étais et je suis toujours un adulte. As-tu un problème avec les enfants ?" demanda-t-il, attendant d'entendre la vérité ou un mensonge.

"Je n'aime pas les enfants. Je n’en veux pas", dit-elle sincèrement avec un rictus.

"Ah. Je vois. Excuse-moi", dit-il en lui adressant un sourire rassurant et en se levant de table.

"Reviens vite", dit-elle avant de consulter son téléphone.

Il se dirigea vers l'hôtesse.

Jacob paya rapidement son dîner et le dessert qu'elle pourrait commander. Même s'il la laissait tomber, il restait un gentleman.

Le retour à la maison fut rapide. Une migraine se préparait, et il voulait juste être à la maison près de sa fille.

"Salut, Lexi. Comment s’est-elle comportée ?" dit Jacob à la baby-sitter, qui se trouvait être sa marraine.

"Super, comme toujours. Je viens de la mettre au lit. Tu rentres très tôt", répondit-elle en l'aidant à enlever sa veste.

Lexi était la meilleure amie d'Annabella, et il savait qu'il pouvait compter sur elle pour être là et lui faire confiance pour s'occuper de Jasmine, mais il n'était jamais vraiment à l'aise quand il était seul avec elle.

"Euh, ouais. Elle est tombée malade donc elle n’est pas venue. Merci d'avoir gardé Jasmine. On se voit demain. Tu peux y aller", dit-il par-dessus son épaule avant de monter les escaliers.

Jacob resta devant la chambre de sa fille, écoutant la fermeture de la porte d'entrée, puis le démarrage de sa voiture. Après le départ de Lexi, il entra pour embrasser Jasmine afin de lui souhaiter bonne nuit.

"Papa t'aime tellement. Je te promets que je vais te trouver une nouvelle maman qui t'aimera autant que ta vraie maman."