Mason (Français) - Couverture du livre

Mason (Français)

Zainab Sambo

Chapitre 9

LAUREN

Lundi est arrivé si rapidement.

Beth ne m’a pas posé de questions quand je lui ai annoncé que je retournais au travail. Je voyais bien qu’elle aurait aimé me questionner, mais elle respectait mes décisions.

Athéna s’est confondue en excuses au sujet du comportement de monsieur Campbell dans la nuit de samedi à dimanche. Elle m’a promis qu’elle lui avait tout expliqué, et que je n’étais pas responsable.

Je suppose que ça explique la raison pour laquelle il voulait que je revienne.

Mais, après l’avoir entendu me répéter que je pouvais être si facilement remplaçable, je ne pouvais pas m’empêcher de me demander pourquoi il m’avait fait du chantage afin que je travaille à nouveau pour lui.

Monsieur Campbell ne s’est pas présenté au bureau ce matin-là, et le fait qu’il ne soit pas présent a rendu cette journée des plus agréables.

Cependant, plus tard dans l’après-midi, il est arrivé en annonçant qu’il voulait me voir. Lorsque je suis entrée dans son bureau, il était assis sur son fauteuil.

Il a levé les yeux vers moi.

« Vous ne m’avez pas trop fait attendre. »

« Vous vouliez me voir ? » ai-je demandé sur un ton réservé.

« Est-ce que j’ai reçu des messages du bureau de John Holt ? »

« Oui. Son assistante a appelé tout à l’heure au sujet de l’accord que vous avez passé avec lui. Monsieur Holt ne souhaite plus poursuivre si vos conditions sont toujours en vigueur. »

« Eh bien, je suppose que nous devrions espérer qu’il a suffisamment de fonds pour s’occuper de ses cinq enfants », a-t-il répondu.

Il a poursuivi son discours sur le même ton décontracté. « Lorsque je rachèterai son entreprise et que je révélerai toutes ses activités illégales, pensez-vous qu’il se rendra compte de son erreur ? »

Je n’ai pas pu contrôler l’expression de choc et de colère qui est apparue sur mon visage. Je me suis sentie mal à l’aise face au regard perçant de ces yeux gris qui captaient chaque détail.

Je savais qu’il s’agissait d’une question rhétorique, et que ma contribution n’était pas nécessaire, mais je devais intervenir.

« M-Monsieur Campbell, est-ce que… est-ce que c’est vraiment nécessaire ? » Je m’en voulais de bégayer et de trébucher sur mes mots. « Êtes-vous vraiment obligé de faire ça ? »

« Et depuis quand dois-je vous écouter ? »

Il y avait enfin une pointe d’ironie dans sa voix, et ses yeux s’étaient légèrement rétrécis. « Il est question d’affaires. Vous n’y connaissez rien. »

Je savais que lorsque monsieur Campbell décidait d’agir d’une certaine manière, rien ne pouvait l’arrêter. J’aurais dû le réaliser depuis longtemps, mais j’ai tout de même protesté. C’était un homme d’affaires impitoyable.

« Mais, monsieur, il a une famille. »

« Appelez son bureau et transmettez le message, mademoiselle Hart. » Sa voix était sèche, mais j’ai perçu sa menace voilée et j’ai grimacé.

« S’il n’accepte pas mes conditions, je crains que son sort ne soit inévitable. »

Parvenant à peine à réprimer ma frustration, j’ai fait un léger signe de tête avant de quitter son bureau.

Le reste de la journée s’est déroulé dans le calme. Il était dans son bureau depuis des heures et n’avait pas pris de pause. C’était un bourreau de travail, et quelque chose me disait qu’il n’avait pas de passion en dehors de son boulot.

Comment quelqu’un pouvait-il vivre ainsi ? D’une certaine manière, je l’imaginais obsédé par l’idée de gagner plus d’argent et d’être au sommet, et le fait de prendre une simple pause risquait de lui faire croire qu’il allait tout perdre.

C’est exactement ce que j’ai ressenti en regardant un épisode de la série The Walking Dead.

J’étais en train de travailler lorsque j’ai senti une odeur de parfum qui ne m’était pas familière. J’ai levé les yeux et j’ai vu un homme qui se dirigeait vers le bureau de monsieur Campbell.

Il était vêtu d’un polo foncé, décontracté, d’un jean déchiré et de baskets noires.

Il s’est arrêté devant moi avec son plus beau sourire et ses joues à fossettes. Ses yeux étaient de noisette pure, et ils semblaient presque s’illuminer chaque seconde.

En conclusion, il était vraiment mignon.

« Bonjour, ma chérie. » Il avait l’air charmant, sympathique même. « Je m’appelle Gale, et vous êtes ? »

« Lauren. La nouvelle assistante de monsieur Campbell. » Je lui ai souri nerveusement.

Si Beth s’était retrouvé ici, il ne fait aucun doute qu’elle aurait sauté sur cet homme. C’était le genre de mec qu’elle recherchait : beau, sexy et riche.

Elle n’aurait pas pris de repos jusqu’à ce qu’elle l’ait dans son lit.

« Vous ne méritez certainement pas d’être enfermée dans ce bureau ennuyeux. Une femme d’une beauté à couper le souffle mérite d’être mise en valeur dans les bras de quelqu’un. Pour ma part, j’aimerais vous exposer au monde entier. »

Il a attrapé ma main avant que je ne puisse l’en empêcher, et a embrassé le dos de celle-ci.

Les yeux fermés, ses longs cils ont effleuré ma paume.

Il s’est retiré.

« N’êtes-vous pas un charmeur ? » J’ai souri. Il me plaisait déjà. Pas parce qu’il me faisait un compliment, mais parce qu’il semblait être le seul homme riche qui n’agissait pas un connard.

« Que puis-je faire pour vous ? »

« Je suis ici pour rencontrer Mason. C’est une rencontre surprise, non planifiée. »

« Oh, je suis désolée. Monsieur Campbell est occupé en ce moment, mais voulez-vous l’attendre ? »

Au lieu de répondre, Gale m’a contournée et s’est assis sur l’une des deux chaises qui se trouvaient devant mon bureau. Il a croisé les jambes et posé son bras droit sur la chaise.

« Normalement, je ne l’aurais pas attendu », a-t-il dit avec un sourire taquin. « Mais aujourd’hui, semble être une exception. »

« Il y a longtemps que je n’ai pas été en compagnie d’une belle femme comme vous. »

J’ai répondu par un ricanement et un hochement de tête, puis j’ai rapidement essayé de changer de sujet : « Quelle est votre relation avec monsieur Campbell ? » ai-je demandé.

Soudain, une ombre s’est posée sur mon épaule. J’ai levé les yeux, et j’ai eu la surprise de voir monsieur Campbell debout, l’air irrité.

« Je ne vous paie pas pour que vous vous informiez sur mes relations, mademoiselle Hart. »

J’ai failli m’étouffer. J’ai répondu la tête baissée, complètement embarrassée.

« Bien sûr, monsieur. Je suis désolée. » Maintenant, il va penser que je suis une petite garce curieuse. Il en pensait déjà un peu trop à propos de moi.

Ils ont disparu dans son bureau. Mais un quart d’heure plus tard, j’ai entendu un bruit fracassant qui provenait de derrière la porte. J’ai sursauté d’effroi, et mes yeux sont restés figés sur la porte de son bureau.

Que se passait-il à l’intérieur ? Étaient-ils en train de se battre ? Non, monsieur Campbell ne se battrait pas à coups de poing dans son bureau.

Que dois-je faire ? Appeler la sécurité ou faire irruption ?

J’étais debout quand la porte s’est ouverte dix minutes plus tard, et la tête de Gale est apparue. Il avait exactement le même aspect qu’à son arrivée. Pas d’hématomes ni de sang sur lui. C’était bon signe.

J’aurais dû réagir, demander ce qui s’était passé, mais comment ?

« Lauren », a dit Gale, presque heureux. Il m’a souri. « J’ai été ravi de faire votre connaissance. J’espère vous revoir bientôt… dans un autre endroit, en tout cas. Votre patron vous attend maintenant. »

Sans perdre une seconde, je me suis précipitée dans son bureau.

Tout ce qui se trouvait sur le bureau de monsieur Campbell était éparpillé sur le sol, avec quelques objets cassés. Délibérément, j’ai posé mon regard sur lui.

De sa place près de la fenêtre, monsieur Campbell observait ma réaction avec un visage impassible.

« Monsieur, tout va bien ? » ai-je dit enfin, avec douceur et hésitation.

« Oui », a-t-il dit brusquement. Le regard qu’il a lancé m’a fait l’effet d’une secousse, et mon cœur s’est mis à battre à tout rompre.

« Vous feriez bien de nettoyer ça », a-t-il ordonné sèchement tandis qu’il se dirigeait vers la porte. « Il vaudrait sans doute mieux que vous n’en parliez à personne. »

Que vous avez piqué une crise de colère ? Ces mots ont failli m’échapper. À en juger par la façon dont il me regardait, comme s’il voulait me poignarder avec son stylo, je savais qu’il devait avoir deviné mes pensées.

Un sourire narquois s’est dessiné au coin de mes lèvres.

Il a claqué la porte.

***

Les jours suivants, le comportement de monsieur Campbell avait changé à l’égard de tout le monde. Ce n’est pas comme s’il n’était pas un trou du cul avant, mais il était devenu bien pire.

Il était brusque et colérique. Il criait contre chacun d’entre nous.

Nous étions tous à cran et sous pression. Tous ses employés craignaient de dépasser les bornes et de se faire virer.

Je savais que quelque chose le perturbait, mais je n’arrivais pas à mettre le doigt dessus.

Vendredi soir, je dormais quand mon téléphone a sonné à trois heures du matin. Le bruit de la sonnerie m’a tiré de mon sommeil.

Lorsque j’ai vu un numéro inconnu, j’ai voulu l’ignorer, mais je me suis rappelé qu’il pouvait s’agir de mon père.

Nerveuse et effrayée à l’idée d’entendre de mauvaises nouvelles, j’ai répondu à l’appel.

« Allô ? »

« Mademoiselle Hart. » C’était un timbre profond et traînant, prononcé d’une voix de velours. J’ai immédiatement ressenti un frisson à l’intérieur de moi.

« Monsieur Campbell ? », ai-je demandé, surprise, en me frottant les yeux.

« Tout va bien ? Il est trois heures du matin. »

« Vraiment ? » Sa voix rauque était empreinte de sarcasme.

« Je veux vous voir. Maintenant, mademoiselle Hart. Hôtel Queens. Chambre numéro 205. »

« H-hôtel ? » Je me suis étouffée, et mes yeux sont sortis de leurs orbites.

« Je vous vois dans dix minutes. »

Je n’ai pas compris ce qu’il avait ajouté, jusqu’à ce que j’entende le signal de la fin de l’appel.

« Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? », me suis-je marmonné à moi-même.

Je ne me suis pas changée de vêtements. Je portais un short et un pull. J’ai simplement ajouté un sweat à capuche par-dessus.

Beth dormait encore quand je me suis faufilée hors de notre appartement.

Une fois arrivée à l’hôtel, j’ai remarqué la présence d’un employé qui a noté mon nom et utilisé le téléphone, avant de m’indiquer l’ascenseur qui menait à la suite de monsieur Campbell, au dernier étage.

Je ne comprenais pas pourquoi il voulait que je le rejoigne à l’hôtel tandis qu’il pouvait simplement m’inviter chez lui, ou me donner rendez-vous dans un endroit qui n’était pas un putain d’hôtel.

Les portes de l’ascenseur se sont ouvertes et je suis sortie à la recherche du numéro de sa chambre.

Lorsque je me suis arrêtée devant la porte, il m’a fallu beaucoup de courage pour frapper lentement.

Trois minutes plus tard, monsieur Campbell a ouvert la porte.

Il se tenait debout, vêtu d’un polo qui révélait ses énormes muscles, et d’un pantalon de survêtement gris qui épousait ses cuisses.

Ses cheveux étaient décoiffés, et ses lèvres légèrement retroussées. Il était tellement sexy.

J’ai cligné des yeux, surprise.

J’avais l’impression qu’il n’était pas mon patron. Qu’il était quelqu’un que j’aurais rencontré dans un bar, et dont j’aurais parlé toute la semaine !

Il était si beau qu’il me faisait souffrir.

J’ai souri légèrement. Mais il n’y avait aucun écho dans les yeux gris qui croisaient les miens.

Mon sourire s’est ensuite évanoui devant la froideur de son accueil.

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