Annie Whipple
Ace a gardé une main fermement posée sur ma cuisse pendant toute la route jusqu'à sa maison. Chaque fois qu'il serrait trop fort, je grimaçais, et il relâchait sa pression avant de commencer à caresser doucement l'endroit avec son pouce.
La manière possessive qu’il avait de me toucher ne me dérangeait pas. Cela aidait à calmer les tambourinements dans ma tête. J'étais même reconnaissante de son silence maussade.
Dès que nous sommes arrivés chez lui, j’ai su qu'il aurait des questions sur ce qui s'était passé, et que ma migraine s'intensifierait à nouveau lorsque j’essaierais d’y répondre.
Alors, je chérissais ces quelques moments de paix. Ils me donnaient le temps de rassembler mes pensées.
Une fois dans son allée, j’ai essayé de repousser ses mains. Je refusais d'être à nouveau portée comme un enfant, mais il s’est contenté de grogner et de me soulever avant de me porter dans sa maison.
Son toucher était doux, mais son message était clair : il était contrarié et n'avait pas envie d'être désobéi.
À mon grand soulagement, il m’a posée sur mes pieds une fois à l'intérieur, bien que sa main est restée sur la chute de mes reins tandis qu'il me conduisait au salon.
Là, il s’est assis dans le grand fauteuil en cuir et m’a fixée comme s’il attendait quelque chose de moi.
Je suis restée à quelques mètres de lui et changeait nerveusement de pied d’appui. Son expression orageuse me rendait nerveuse. Était-il en colère contre moi ?
Ses yeux se sont adoucis, et il a tendu une main. « Viens ici, Doe. »
Mes muscles se sont relâchés de soulagement. J’ai pris sa main et l’ai laissé m’attirer sur ses genoux, à califourchon.
Ace m’a doucement forcée à poser ma joue contre son torse et a massé l'arrière de ma tête. Ses ronronnements rauques résonnaient à travers ma chair jusque dans mes os.
Comme toujours, son toucher remplissait mon ventre de chaleur et me forçait à me détendre. Il faisait fondre tous mes soucis. Le martèlement dans ma tête n’est devenu qu’une douleur sourde et lancinante.
Après quelques minutes, Ace a rompu le silence. « Dis-moi qui t'a fait pleurer. »
J’ai poussé un gémissement d'exaspération. « Faut-il vraiment en parler maintenant ? »
« Oui. Je sais que ta tête te fait encore mal mais j'ai besoin de savoir ce qui t'a contrariée avant de perdre complètement le contrôle. Je ne tiens qu’à un fil. »
Ma tête s’est posée contre son torse, en signe de défaite. « C'était vraiment stupide. »
Ace a fait glisser ses doigts le long de ma colonne vertébrale. Il attendait que je continue.
« J'ai eu une mauvaise note », ai-je fini par dire. Ce n'était pas un mensonge ; ce n'était juste pas toute la vérité. « À l'examen de fin de semestre, en sciences.
Et je sais que ce n'est pas un si gros problème, mais je veux vraiment avoir une moyenne parfaite. Cette matière va tout ruiner. »
Je savais que ce n'était pas ce qu'Ace s'attendait à entendre. Il voulait que je lui parle de ce qui s'était passé avec Ben, mais j’étais prête à tout pour éviter ce sujet.
Quelque chose de sombre passa dans le regard d'Ace. « Quelle note as-tu eue ? »
Les larmes me sont montées aux yeux alors que je sortais mon test de ma poche arrière et le lui tendais.
« J'ai fait les calculs », dis-je alors qu'il feuilletait l'examen. « Avec toutes les autres mauvaises notes que M. Callahan m'a données, je ne peux pas rattraper le retard. Je vais finir avec un 15, ou pire. »
« Tu as correctement répondu à toutes les questions à choix multiples », a fait remarquer Ace.
« Oui, mais il m'a mis des zéros sur les trois questions de dissertation. Elles valaient chacune 10 pour cent. »
Ace a tourné la dernière page du test, avant de parcourir mes réponses du regard. Les muscles de son corps se sont visiblement tendus.
« Tu as eu une note parfaite, soit dit en passant. » Je me suis décomposée de honte et me suis mise à jouer avec l'ourlet de ma chemise. « Je pense que M. Callahan a une dent contre moi », ai-je murmuré à mi-voix.
Ace a levé les yeux. « On peut arranger ça. »
J’ai secoué la tête. « J'ai déjà essayé. M. Callahan a dit que je ne pouvais pas le repasser. »
Ace a posé mon examen sur la table d'appoint à côté de nous. « On peut régler tout ça. N’y pense plus. Tu vas obtenir la note que tu mérites. »
Son ton était si convaincant que j’ai bien failli y croire.
« Si tu le dis », ai-je dit, malgré mes épaules qui se sont affaissées de découragement.
Un silence tendu s’est abattu sur nous. Ace m’a saisi le menton et a incliné ma tête vers le haut. « Vas-tu me dire ce que Ben t'a fait ou dois-je aller le chasser et lui demander moi-même ? »
J’ai laissé échapper un long soupir. « Comment sais-tu que cela a un rapport avec moi ? »
« Madoc n'aurait pas réagi de cette façon pour quelqu'un d'autre. Il n'attaque pas les gens pour s'amuser. »
Je pouvais déjà sentir ma migraine refaire surface. « Pourquoi ne lui demandes-tu pas directement ? Je suis sûre qu'il serait ravi de tout te raconter. »
Ace s’est redressé, posant ses mains sur les accoudoirs de chaque côté de lui. Comment arrivait-il à être à la fois si intimidant et si sexy en même temps ? Ça m’échappait.
« J'aimerais l'entendre de ta bouche », a-t-il dit d’un ton sec.
L'angoisse me retournait l’estomac. Puisqu'il n'y avait pas de moyen d'éviter cet interrogatoire, j’ai répondu, « Ben… il a dit que tu étais mon gardien. Et mon proxénète. Pour faire court, il a dit que tu me possédais et que tu contrôlais tout ce que je fais. »
« Il avait raison. Tu es à moi. Je te possède. »
Ma bouche s’est ouverte de surprise. « Je ne suis pas un objet, Ace ! Tu ne peux pas juste me posséder ! »
« Et pourtant, c’est le cas », a-t-il répondu calmement. « Qu'a-t-il dit d'autre ? »
« Non, tu ne peux pas simplement dire que tu me possèdes… »
« Doe, ne me teste pas. Je ne suis pas d'humeur », a coupé Ace d'une voix plus ferme, plus autoritaire. « Ben a dit autre chose. Tu sais que tu m'appartiens, alors tu ne serais pas aussi contrariée s’il n’y avait rien eu d’autre. »
Les paroles de Ben résonnaient dans ma tête. « Alors, quoi, il t’utilise en privé mais refuse de rendre votre relation publique ? Putain, c’est raide, meuf. »
Comment pourrais-je expliquer à mon meilleur ami que j'étais inquiète de cette idée ? Qu’il ait honte de moi ? Que j'étais effondrée à l’idée qu'il puisse être dégoûté à l'idée d'être en relation avec moi ?
Ace m’a massé la hanche. « Je ne peux pas aider si je ne sais pas ce qui ne va pas. »
J’ai ouvert la bouche pour m'expliquer quand un mouvement a attiré mon attention par la fenêtre derrière Ace. J’ai écarquillé les yeux.
Un énorme loup, presque de la taille d'un cheval, courait à travers le jardin d'Ace et se dirigeait vers sa maison.
« Oh mon Dieu ! » ai-je hurlé. J’ai essayé de me dégager des genoux d'Ace, mais il me tenait fermement. « Ace ! Un… un loup court droit sur nous ! »
« Il va entrer dans la maison ! » ai-je crié en regardant le loup s'approcher de la porte-fenêtre coulissante. Je n'avais jamais vu un loup aussi énorme de toute ma vie. En fait, je n'avais jamais vu de loup du tout.
Sans me lâcher les bras, Ace se leva d'un bond. Après un rapide coup d'œil à la bête énorme, il a poussé mon visage contre son cou, obscurcissant ma vue, et a commencé à me porter à l'étage.
Il m’a amené dans sa chambre et m’a déposée sur son lit. « Ne bouge pas », a-t-il dit. Sa voix était à peine reconnaissable tant elle était empreinte de colère.
J’ai dégluti à la vue de son visage furieux. « Ace, qu'est-ce que tu vas…? »
« Je suis sérieux. D'accord ? »
J’ai hoché la tête.
Il m’a tourné le dos.
« Attends ! » ai-je crié. « Tu vas descendre ? Mais… mais le loup ! »
Il s’est retourné vers moi. Il agrippait la poignée de porte si fort que je n'aurais pas été surprise de voir une empreinte dans le métal lorsqu'il la lâcherait. « Je vais m'en occuper. »
« Quoi ? Non ! Tu ne vas pas descendre là-bas ! »
Un bruit sourd s’est fait entendre en bas, et mon cœur s’est serré.
Il est dans la maison !
Un muscle a tressailli dans le cou d'Ace.
J’ai commencé à me lever, les yeux fixés sur la fenêtre de l'autre côté du lit. « Ferme la porte, et quelqu'un appellera la police ou le contrôle des animaux ou quelque chos… »
Ace m’a lancé un regard si terrifiant que tout mon corps s’est figé.
« Tu vas rester ici et m'attendre. Et si je vois que tu as bougé d'un pouce de là où tu es maintenant, je te donnerai une fessée si sévère que tu ne pourras pas t'asseoir pendant une semaine. Compris ? »
J’ai cligné des yeux. La chaleur est montée à mes joues. « Oui. »
Il a hoché la tête. « Bien », a-t-il grogné. Puis il est sorti de la chambre et a verrouillé la porte derrière lui.
Je suis restée dans le lit d'Ace pendant plusieurs minutes, écoutant attentivement tous les bruits venant d'en bas.
Mon cœur battait si fort dans ma poitrine que je pouvais le sentir sous ma cage thoracique. Je ne pouvais pas croire qu'Ace était descendu affronter ce monstre de loup tout seul.
Mon cerveau sembla gonfler à l'intérieur de ma tête. Il menaçait de la faire éclater.
La pression derrière mes yeux, c’était le pire. Elle rendait le monde flou autour de moi et se répandait dans tout mon visage, comme s’il était meurtri. J’ai pressé mes paumes au-dessus de mes oreilles, ravalant la boule de larmes dans ma gorge.
C'était peut-être la première fois que je me sentais en danger dans la chambre d'Ace. Il y avait normalement quelque chose de réconfortant dans cet espace, rempli de son odeur musquée et masculine, et des couleurs sombres de ses meubles et des murs.
Ace m'avait dit, à d’innombrables reprises, que si jamais j'avais des ennuis et qu'il ne pouvait pas être avec moi, je devais aller m’enfermer à double tour, dans sa chambre et l'attendre.
C'était un privilège étrange. La maison d'Ace avait le système de sécurité le plus intense que j'avais jamais vu. Même la porte de sa chambre avait un verrou automatique avec un clavier. À part lui, j’étais la seule personne à connaître le code.
Pourtant, ça soulevait quelques questions. Quels genres de secrets sa famille pouvait-elle bien cacher ?
De temps en temps, j'entendais Ace crier quelque part en bas. Sa voix était si enragée qu'elle me donnait des frissons dans le dos. Pourtant, je n'entendais pas beaucoup de mouvements ni de bruits de lutte.
Est-ce qu'il… crie sur le loup ? À quoi cela va-t-il servir ?
Enfin, j’ai entendu un énorme fracas, puis un silence complet.
Je suis restée où j'étais, comme Ace me l'avait dit, même si tout en moi criait de l'aider.
Mon meilleur ami pourrait être en train de se faire dévorer par un loup enragé, et je suis juste ici, à me tourner les pouces.
Juste au moment où je pensais ne plus pouvoir supporter l’attente, j’ai entendu des pas lourds se diriger vers la porte. Ace est entré en trombe dans la chambre. Son torse se soulevait au rythme de sa respiration, et il avait les babines retroussées..
Avec un cri de surprise, je me suis reculée, glissant si loin que je me suis retrouvée appuyée contre la tête de lit.
Les yeux d'Ace se sont plissés face à ce mouvement instinctif. « Où penses-tu aller, Doe ? » a-t-il grogné. Sa voix était profonde, intimidante, et empreinte de colère. « Essaies-tu de me fuir ? »
J’ai secoué la tête. « N-non. »
J’ai baissé les yeux vers son abdomen. Son t-shirt avait disparu, son torse était nu...
... et il était couvert de sang.
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