L’Alpha et Aurora

EVERETT

"Alpha, vient chasser avec nous aujourd'hui !", lance Beta Lucius alors qu'il entre dans mon bureau avec Gamma Ace comme du bétail.

Je ne peux pas leur en vouloir, la chasse nourrit ma virilité à moi aussi. Mais, en tant qu'Alpha de la meute la plus puissante et la plus peuplée du pays, je me dois de préserver mon image.

Quand mes parents ont été tués, je me suis retrouvé aux commandes d'une meute aussi puissante qu'un royaume.

Et avec tout ce pouvoir, j'hérite aussi de responsabilités, celles de protéger la meute, de faire attention aux loups, et de ne pas me comporter comme un chiot affamé qui a envie de jouer.

"J'aimerais bien, mais je dois m'occuper des loups sauvages de la prison," leur réponds-je, en faisant semblant de ne pas m'intéresser à ce qu'ils font.

Comme pour beaucoup de loups, chasser et courir avec ma meute fait partie de qui je suis, c'est le sang qui coule dans mes veines.

Refuser cette chasse me fait le même effet que de rejeter ma propre nature, mais j'ai des responsabilités.

Ces loups comptent sur moi, ils me font confiance. Je ne les décevrai pas.

Après deux ans comme Alpha, je leur ai prouvé ma force, mais je dois continuer de le faire.

Sans partenaire, je fais tout seul, je prends chaque décision moi-même.

Quand je la trouverai, j'espère qu'elle sera aussi forte que ce que je m'imagine, et qu'elle aura un loup bien supérieur à tout le monde sauf moi, et que nous pourrons être les vrais chefs de cette meute, Alpha et Luna, main dans la main.

"Ça peut attendre, Alpha. Tu n'as pas fait une seule pause cette semaine. Tu mérites de te lâcher, et Chaos en a besoin," argumente Ace, et il n'a pas tort.

"Il a raison. Je vais exploser si je ne chasse pas." Chaos, mon loup, bouillonne, désespéré par le fait que je passe mon temps sur le territoire de la meute sans jamais le laisser aller à ses envies profondes.

C'est dans sa nature de vouloir courir librement, sans aucune limite, et de chasser.

"Très bien. Mais pas longtemps. Il faut que je m'occupe des loups sauvages," je leur annonce en me levant, un peu trop rapidement, incapable de cacher mon envie, ce qui fait rire Ace et Lucius.

Nous nous dirigeons vers notre terrain de chasse.

Quand nous arrivons à la frontière de notre territoire, je me transforme en loup pour laisser Chaos prendre le contrôle. Les autres se transforment à leur tour, prêts pour la chasse.

Chasser en territoire sauvage est toujours plus difficile car nous ne pouvons qu'espérer que les loups sauvages n'attraperont pas toutes les bonnes proies avant nous.

Et en chassant ici, nous risquons de nous faire attaquer à tout moment, même si ces loups sont rarement assez bêtes pour se mesurer à un Alpha, un Beta et un Gamma, même en groupe.

Du bruit dans les branches titille mes oreilles et mes yeux identifient la proie. Un faon. Un petit faon innocent qui se promène dans les bois.

J'ai presque envie de l'épargner, mais un loup sauvage lui saute dessus avant que je ne termine ma réflexion, se jetant férocement sur l'animal et enfonçant ses dents dans ce qui aurait dû me revenir.

Je lâche un grognement bestial qui fait fuir ce loup avant même qu'il n'ait le temps de lever la tête pour me voir. Je lui cours après et mon Beta et mon Gamma me suivent de près.

Je déteste les loups sauvages plus que tout. Encore plus que les sorcières et les humains.

Et ces loups n'ont aucune chance contre un Alpha. Je me jette sur lui, enfonçant mes griffes dans sa fourrure et sa peau si rapidement que je lui arrache un gémissement.

Mais quand une odeur me monte à la tête, je le lâche immédiatement sans me poser de question.

Miel et rose. Et un mélange d'autres parfums sucrés. Tout ce que je pourrais jamais vouloir d'un coup.

Chaos court immédiatement dans cette direction, rebroussant chemin alors que j'entends la confusion d’Ace et Lucius à travers notre fusion de pensée.

Je commence à grogner quand je vois une humaine, la tête posée contre un arbre, les yeux fermés comme si elle était capable de dormir dans les bois. C'est elle qui sent comme ça.

"Partenaire !", me crie Chaos. Elle n'ouvre pas les yeux mais se lève rapidement et se met à courir dans l'autre direction, pour s'éloigner de moi, son partenaire.

Chaos lui court après sans penser à rien d'autre que le fait qu'elle soit notre partenaire. Je la vois trébucher plusieurs fois, sur rien, comme si elle ne savait pas courir.

Je l'attrape facilement, la plaquant au sol avec mes pattes. Elle garde les yeux fermés aussi fort que possible et c'est à ce moment-là que je me rappelle qu'elle est humaine.

Peut-être qu'elle ne connaît même pas l'existence des loups garous. Elle va vite être au courant si jamais c'est le cas. Je reprends forme humaine, mes mains la maintiennent au sol.

Je la renifle sans retenue, laissant cette odeur divine emplir mes narines.

"Partenaire," je grogne, ce qui la force à ouvrir les yeux, choquée.

"Qu'est-ce qu'il se passe ?" demande Lucius par la pensée, utilisant toujours la fusion de nos esprits de loups.

"J'ai trouvé ma partenaire," j’annonce. "Une compagne humaine."

Comment est-ce possible qu'une humaine soit ma Luna ? Elle n'est pas du tout assez forte. Peut-être qu'elle est juste fatiguée.

Mais j'ai besoin d'une louve à mes côtés. J'ai besoin d'une femelle qui m'apportera force aux yeux de tous, pas quelqu'un qui me rendra plus faible.

Pourtant cette fille, alors que ses yeux rencontrent les miens, je sais que cette fille est tout ce que je veux dans ce monde.

Chaos saute de joie à l'idée de l'avoir trouvée, et d'excitation parce qu'il la veut tout entière. Il serait prêt à l'accepter et s'accoupler ici et maintenant si elle le laissait faire. Pas moi, en revanche.

Puis notre petite partenaire décide de s'évanouir sous moi, peut-être à cause du choc, ou de la fatigue.

Je la soulève dans mes bras et me dépêche de retourner chercher mes vêtements avant de les enfiler, au cas où elle se réveillerait et aurait peur.

Lucius et Ace me suivent, écarquillant les yeux à la vue de ma partenaire.

Et je prends un moment pour vraiment la regarder.

Elle est dans un état incroyable. Du sang partout sur le visage, son propre sang. Du sang séché coule de sa mâchoire comme si quelqu'un lui avait peint le cou. Une couche épaisse de sang séché en plein centre de sa gorge.

Son corps est mou dans mes bras, elle est si petite qu'elle pourrait me glisser des mains.

Ses cheveux sont bruns avec des reflets rouges et sont couverts de terre et de feuilles et, encore une fois, de sang séché.

Qu'est-ce qu'elle a bien pu se faire ? Pourquoi est-elle couverte de son propre sang ? Et d'où vient-il ? Je ne vois aucune plaie.

Je cours vers l'hôpital de la meute pour la confier à la docteure alors que les autres me suivent.

Ils examinent ses blessures et l'installent dans une chambre, aux côtés de ma tante mourante, à ma requête.

J'ai besoin qu'elle soit en sécurité, et cette chambre est déjà gardée, pour la sécurité de ma tante Ophelia. Je m'assieds à ses côtés, pour la regarder simplement alors que les docteurs font ce qu'ils ont à faire.

Ma partenaire est humaine. Une jeune femme humaine. Elle a sans doute à peine dix-huit ans.

Mais elle est bien plus que ma partenaire. C'est la compagne de l'Alpha de la plus grosse meute du pays, et de la meute la plus puissante, dont elle sera Luna.

Mais elle est humaine. Je sens l'odeur d'une meute sur elle cependant, donc peut-être qu'elle fuyait des loups.

Elle était en territoire sauvage, ce qui est incroyablement dangereux pour un humain.

Le savait-elle ? Je ne peux pas le présenter au monde entier. Je n'ai pas le temps et je dois trouver une Luna forte pour la meute, je leur dois ça.

Peut-être que je devrais la rejeter.

"N'y pense même pas," grogne Chaos alors que cette pensée me traverse l'esprit. Il fait des tours en moi quand j'y réfléchis, prêt à se battre et à me voler le contrôle de ce corps pour que je ne puisse jamais la rejeter.

"Tu ne vas pas rejeter notre compagne."

Mon loup mérite bien son nom, là où je suis calme, il est chaotique. Je dois être logique, alors que lui ne pense qu'au lien de compagnons.

Oui, j'ai déjà l'impression que je ne peux pas survivre sans elle. Et oui, elle est magnifique, même couverte de sang. Et oui, c'est déjà le centre de mon monde alors que je ne la connaîs même pas.

Mais c'est une humaine, et elle est fragile. Elle ne peut pas devenir ma Luna.

"Si, elle peut !" hurle Chaos.

"C'est une petite humaine, en sucre. La meute ne la prendra jamais au sérieux, encore moins les autres meutes," dis-je pour essayer de le convaincre.

"Nous les obligerons à la respecter. Nous sommes l'Alpha. Nous pouvons faire ce que nous voulons. Ils nous respectent tous, et nous exigerons qu'ils la respectent.

"Nous ne pouvons pas leur dire quoi penser. Ils la respecteront devant nous mais ils parleront dans notre dos."

"Sa place est à côté de nous. Elle n'ira nulle part, et ils diront bien ce qu'ils veulent. C'est notre partenaire. La rejeter me tuerait. Je ne te laisserai pas faire," annonce Chaos, têtu, alors que je soupire de frustration.

Bientôt, ma petite compagne est toute propre, et sa beauté n'en est que plus frappante.

Sa peau de porcelaine se briserait sans doute au toucher, son petit corps tordu sur son lit d'hôpital alors qu'elle remue dans son sommeil, une pointe de rose sur les joues qui lui donne l'air vivante.

Elle est magnifique. Et elle est à moi.

Pour l'instant, tout du moins.

Lucius et Ace entrent dans la chambre avec des yeux curieux et légèrement froncés alors qu'ils regardent ma compagne.

"Ta compagne est humaine," remarque Lucius avec une note de dégoût dans la voix, ce qui me fait grogner avant même que j'y pense.

Il recule un peu en remarquant mon instinct protecteur.

Elle est peut-être humaine, mais c'est quand même ma compagne.

"Qu'est-ce que les docteurs ont dit ?", je leur demande.

"C'était bien son sang dont elle était couverte, mais ils n'ont aucune idée d'où il venait. À part quelques bleus sur le coup, et d'autres parties de son corps, elle va bien. Elle est juste fatiguée," m'informe Ace.

Comment peut-être avoir perdu autant de sang sans une seule plaie ? Ça n'a aucun sens, mais ça n'a pas d'importance. Au moins, elle va bien.

Ce qui n'est pas le cas de ma tante à côté d'elle, qui regarde ma partenaire avec des yeux curieux.

Les yeux de la fille s'ouvrent, sa respiration s'alourdit soudainement alors qu'elle essaie d'identifier la pièce, pour comprendre où elle est.

Quand ses yeux croisent les miens, ils s'arrêtent, de magnifiques yeux émeraudes qui brillent de confusion. De confusion, mais sans peur.

Intéressant.

"Comment tu t'appelles ?", je demande, un peu froidement.

“Rory.”