Aide-moi Alpha

HAYLEY

Je n'arrête pas de courir même après avoir franchi la frontière. Au loin derrière moi, j'entends un hurlement, qui doit très probablement faire savoir à mon père que je me suis échappée.

Lorsque je traversais le territoire de la meute Bloodnight, j'ai dû faire tomber le badge de Luke, car il n'est plus dans mes mains.

Ça s’annonce mal. Ils vont partir à ma recherche.

Il se trouve qu’abuser d'un camarade de meute, humain ou non, va à l’encontre de toutes les lois de la meute.

Si l'on découvre qu'un loup a maltraité ou torturé un autre loup de sa meute, la punition est la mort.

Je sais qu'ils vont me traquer car si je raconte à qui que ce soit ce qu'ils m'ont fait, toute la meute sera tuée, sur ordre du Conseil des loups-garous.

Si j’en parle à quiconque, ils me tueront très certainement eux-mêmes.

Je repousse ces pensées désagréables à l'arrière de mon esprit et continue à courir. Après une courte distance, je m'effondre sur le sol, haletant comme un chien.

J'essaie de lutter pour rester éveillée mais je suis épuisée. Mon corps n'est pas habitué à devoir bouger autant. Je suis habituée à une cellule minuscule, pas à tout cet espace libre.

Mes yeux se ferment d'eux-mêmes, même si je me crie intérieurement de rester éveillée... mais je n'y arrive pas.

***

Je me réveille au son du gazouillis des oiseaux. J'essaie d'ouvrir les yeux, mais un soleil aveuglant m'en empêche. Je garde un œil fermé pendant que j'observe avec l'autre.

En observant mon environnement, je remarque que je suis allongée au milieu d'une forêt, et que des arbres m'entourent. J'ouvre l‘autre œil alors que je me lève en grognant.

J’ai la tête qui tourne, je perds l'équilibre et me cogne contre un arbre proche, m'écorchant la tête et les bras au passage. Du sang coule de mes blessures.

Il me faut quelques minutes pour reprendre mes esprits, mais la douleur brûlante provenant de mes écorchures persiste.

On pourrait penser que je me serais habituée à la douleur, depuis le temps, d'autant que j'ai subi de pires tourments : mes cicatrices en sont la preuve.

J'applique une pression sur ma blessure à la tête, j'ai appris dans ma cellule que cela permettait de retarder l’apparition de la douleur.

Je commence à rebrousser chemin, en tenant mon bras blessé. Je me rends compte que je suis sur un territoire de renégats et non celui d’une autre meute, car il n'y a pas de bâtiments ou de gardes dans les environs.

C'est mauvais signe. Cela signifie que je suis en danger.

Les renégats sont impitoyables et tuent quoi qu'il arrive. Ils ne se soucient de personne d'autre qu'eux-mêmes. Ils sont fous.

Ma vitesse s'accélère alors que mes pensées s'emballent. Quand j'étais plus jeune, avant d'être enfermée, je lisais tout sur les territoires environnants de la meute que je viens de laisser derrière moi.

Je lisais les lois des loups car j'avais du sang Alpha en moi et je pensais que je devais connaître ces choses pour essayer d'impressionner mon père.

Si je me souviens bien, il y a assez peu de territoire appartenant aux renégats, mais de chaque côté de celui-ci se trouve une meute.

Les livres que j'ai lus disaient que les renégats sont dérangés et psychopathes, mais je n'en ai jamais vu un en personne, donc je ne suis pas sûre que ce soit le cas.

Une fois qu'une personne devient un renégat, les gens disent qu'elle perd son humanité.

Mon esprit vagabonde vers ma mère. Je ne pourrai jamais raconter à personne ce qu’il s'est passé. Ils sauront que je suis un monstre depuis ma naissance et s'ils savent que je suis capable de tuer ma mère, alors ils sauront que je suis capable de tuer n'importe qui.

Ils m'enfermeront et me tortureront à leur tour, pendant des années.

Ma réflexion s’interrompt brusquement lorsqu'un loup blanc, couvert de boue, la fourrure emmêlée, sort de derrière un arbre sur ma droite. Je me fige, prise d’une peur totale et absolue. C'est un renégat. Il va me tuer.

Le loup s'accroupit et retrousse ses babines, exposant ses canines. Il s'avère que les renégats sont aussi fous que mes livres le disaient.

Les gens normaux crieraient, mais comme j'ai été battue jusqu'à la soumission, je me retourne et je cours vers ma gauche. Je cours aussi vite que je peux.

Il ne faut pas longtemps au renégat pour me rattraper.

Je ne sais pas où je vais, mais je dois continuer à courir. Je viens de m'échapper de mon enfer personnel. Je ne vais pas mourir à cause d'un renégat lors de mon premier jour de liberté.

Je me motive à courir plus vite en utilisant toute la colère que je ressens envers mon père, même si cela me fait exploser les poumons. Derrière moi, je peux entendre des dents claquer, ce qui ne fait qu'augmenter davantage mon adrénaline.

Continue d'avancer ! Ne regarde pas en arrière ! me dis-je sans me décourager.

Le renégat gagne du terrain sur moi.

Le claquement se rapproche de moi à chaque pas que je fais et il ne s'arrête que lorsque le loup attrape mon T-shirt trop grand (censé être blanc), qui appartient à Luke, et me tire en arrière.

J'atterris assise avec un bruit sourd, et deux rangées de dents me font face. De la bave tombe sur mon visage, mais je n'ai pas le temps de l'essuyer que le renégat saisit mon T-shirt et commence à me secouer comme une poupée de chiffon.

De l'herbe s'accroche à mes cheveux, se collant à la terre qui les macule. Des larmes coulent sur mon visage grimaçant de panique.

Je commence à me débattre et je parviens à frapper le renégat au museau avec mon pied. Bien que je n'aie pas de chaussures, le coup de pied réussit à le distraire assez longtemps pour que je puisse me relever maladroitement et repartir en courant.

Ma respiration est courte et je sens que mes poumons sont prêts à exploser.

Je m'éloigne du renégat, en espérant pouvoir distancer ce psychopathe.

Pendant que je cours, je ne réalise pas que je suis entrée dans le territoire d'une autre meute.

Ce n'est que lorsqu'un loup massif, d'un noir de jais, qui irradie la puissance, entre dans mon champ de vision que je m'effondre de soulagement et d'épuisement.

« Aide-moi, Alpha », ai-je encore la force de murmurer, avant que tout ne devienne noir...