Je suis entré dans le café, et il m'a emboîté le pas.
« Bonjour, Leila. Journée chargée ? » ai-je lancé avec un sourire.
Leila a levé les yeux et m'a rendu mon sourire. « Salut, Rose. Ça roule. Et toi, ça va ? »
« Pas trop mal jusqu'ici. La table du fond est libre ? »
« Oui, vas-y. » Je l'ai remerciée et me suis dirigée vers la table.
C'était un coin tranquille, parfait pour discuter en privé. Nous nous sommes assis face à face. J'étais soulagée qu'il ne se soit pas mis à côté de moi.
« Elle est humaine ? » a-t-il demandé, regardant Leila.
« Oui, c'est une étudiante de ma fac. On se croise souvent là-bas. »
« Elle est au courant ? »
« Non, personne là-bas ne sait que je suis une louve. Sauf les autres loups qui y étudient. »
« Hmmm. » Il allait poser une autre question quand je l'ai devancé :
« Avant qu'on continue, je peux connaître ton nom ? »
Il a esquissé un sourire. Il a tendu sa main.
« Drake. »
J'ai regardé sa main. Allez, on se lance.
J'ai serré sa main et dit : « Je suis le Dr Rose Nooman. »
Il a haussé un sourcil. « Docteur ? »
« Oui. Docteur. » J'ai acquiescé.
« Tu as fait des études de médecine humaine ? »
« J'ai terminé mes études de médecine humaine. Maintenant je fais des études vétérinaires. Et toi ? »
Il est resté silencieux un moment.
« Je suis le guerrier principal de ma meute. Aussi... » Il s'est arrêté net.
« Aussi... » ai-je dit.
Il a secoué la tête. « Rien d'important. »
Ça me faisait mal qu'il me cache des choses, mais à quoi je m'attendais ? J'ai simplement hoché la tête.
On est restés silencieux jusqu'à ce que Leila revienne.
« Qu'est-ce que je vous sers, Rose ? »
J'ai regardé Drake.
« Le café noisette est vraiment bon ici », ai-je dit.
« Va pour le café noisette », a-t-il approuvé.
J'ai commandé deux cafés noisette à Leila. Elle l'a noté et est repartie. En passant devant lui, elle m'a fait un clin d'œil pour me dire qu'il était canon.
J'ai ri, mais me suis vite reprise en voyant Drake m'observer.
« Tu voulais parler. Je t'écoute », lui ai-je dit.
Il m'a fixée longuement. J'ai soupiré quand il n'a rien dit.
« Si tu n'as rien à dire, on peut s'en aller », ai-je dit.
« Non », a-t-il dit rapidement.
Je l'ai regardé, perplexe. Qu'est-ce qu'il voulait ?
« Tu sais pourquoi je suis venu ici ? » a-t-il demandé.
J'ai dégluti difficilement, me souvenant.
« Oui. Tu es venu demander la permission de t'accoupler avec Aubrey. » Ma gorge s'est serrée en disant ça. Il a acquiescé.
« Je suis le guerrier principal de ma meute et j'ai fait le tour de presque toutes les meutes du pays ces quatre dernières années. Mais je n'ai trouvé ma compagne nulle part. Je commençais à perdre espoir.
« C'est alors qu'Aubrey a commencé à fréquenter l'université près de notre meute. Elle n'avait pas non plus de compagnon. On pensait tous les deux ne pas avoir de compagnons.
« On a commencé à discuter et on s'est rendu compte qu'on avait beaucoup en commun. C'est là qu'Aubrey a suggéré qu'on pourrait devenir des compagnons choisis.
« Mon loup avait presque abandonné l'idée de te trouver et était prêt à accepter une compagne choisie. Mon frère, le chef de ma meute, et moi en avons parlé et il a fini par accepter.
« C'est là qu'on est venus ici pour obtenir la permission de l'Alpha Reol. »
Il s'est arrêté, regardant dans mes yeux tristes. Il a secoué la tête et a continué.
« L'Alpha Reol n'était pas chaud au début. Mais après qu'Aubrey ait insisté, il a dit oui, mais à contrecœur. Il a aussi dit qu'il organiserait une fête pour nous présenter.
« Je pense que c'était sa dernière tentative pour trouver un vrai compagnon à sa sœur. Et il a réussi. »
Il a ri, mais sans joie. Il voulait toujours Aubrey.
« Juste au moment où on allait être présentés à la meute comme compagnons choisis, un loup mâle m'a sauté dessus et tout est parti en vrille. Après une belle bagarre, l'Alpha Reol nous a séparés pour comprendre ce qui s'était passé.
« On a alors découvert qu'il était le vrai compagnon d'Aubrey. Personne ne peut battre un lien de vrais compagnons, et j'ai su à ce moment-là que j'avais perdu ma compagne choisie. »
Je n'ai rien dit car je ne savais pas comment réagir. « Mon loup avait fait une croix sur l'idée de trouver sa vraie compagne et avait commencé à s'attacher à la louve d'Aubrey. Il était très triste d'avoir perdu la chance d'avoir une compagne.
« Il comprenait qu'il ne pouvait pas rivaliser avec un lien de vrais compagnons, mais on ne pouvait pas simplement arrêter d'avoir des sentiments pour Aubrey. Je me suis tenu à l'écart d'elle depuis ce jour-là.
« Quatre jours plus tard, je me suis senti attiré vers le diner. Quand j'ai vu Aubrey partir, j'ai cru que mon loup et moi étions encore accrochés à elle.
« Mais quand je suis entré dans le diner, j'ai réalisé que j'étais attiré vers toi, notre vraie compagne. »
« Oh... » fut tout ce que je pus dire.
« Mais mon loup et moi étions tous les deux perdus dans nos sentiments. Si je me sens attiré vers toi, alors mon amour pour Aubrey était-il faux ?
« Est-ce que je ne ressens que la connexion du lien avec toi, ou est-ce plus ? Ou est-ce juste mon loup ? J'étais complètement perdu et je ne comprenais pas mes sentiments. C'est pour ça que j'ai agi comme je l'ai fait. »
« Quand tu es partie en vitesse, j'ai pensé que tu ne voulais pas de moi. Alors je me suis préparé à encaisser le rejet. Mais je ne sais pas comment gérer ça. Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? » ai-je demandé.
Franchement, j'étais maintenant perdue sur la façon de gérer tout ça.
Il m'a souri. « On pourrait apprendre à se connaître en dehors d'être des compagnons ? »
Je l'ai regardé.
« On pourrait être amis ? Apprendre à se connaître et ensuite décider ? »
Le pouvions-nous ? Plus important encore, le pouvais-je ? Et si ça ne marchait pas ? Est-ce que je supporterais une autre déception ? Je ne voulais pas décider sur le coup.
« J'ai besoin d'un peu de temps pour réfléchir », ai-je dit doucement.
Il a eu l'air déçu de ma réponse, mais a vite essayé de sourire.
« Je comprends », a-t-il dit.
« On pourrait se revoir demain à la même heure ? Je te donnerai ma réponse à ce moment-là. »
Il a acquiescé, et on est sortis du café. Il a proposé de me raccompagner, mais j'ai refusé, suggérant qu'on pourrait se retrouver après mon boulot le lendemain.
Il a compris pourquoi j'hésitais, m'a dit au revoir, et est parti dans l'autre direction.
Je me suis retournée plusieurs fois dans mon lit. Je n'arrivais pas à dormir, et je ne cessais de penser à la proposition de Drake.
Est-ce que je pouvais vraiment faire ça ? Mes pensées étaient trop embrouillées pour prendre une décision. Une seule personne me vint à l'esprit qui pourrait m'aider, et j'ai tout de suite composé son numéro.
« Rose, ma chérie, comment vas-tu ? » La voix de Luna Allison a résonné au téléphone avant même que je puisse dire allô.
« Je vais bien, Allison. Comment allez-vous, vous et l'Alpha Jackson ? »
« On va bien, ma chérie. Mais Rose, combien de fois je dois te le dire ? Tu es comme une autre fille pour moi, tout comme Olivia. Appelle-le Jackson. »
Je n'ai pas pu m'empêcher de rire.
« Qu'est-ce qui te tracasse ? » Sa question m'a surprise, et j'ai failli m'étrangler.
« Comment vous savez ? »
« Ma chérie, je connais ta voix. Et là, elle me dit que quelque chose te tracasse. »
« Eh bien, voilà... j'ai trouvé mon compagnon. »
« Quoi ? Félicitations, Rose. Je suis tellement contente pour toi. »
« Mais... »
« Mais quoi ? » Je sentais qu'elle commençait à s'inquiéter.
Je lui ai vite raconté tout ce qui s'était passé.
« Donc je ne sais pas trop quoi faire. Vous avez un conseil ? »
Allison a ri doucement.
« Rose, je ne vais pas te donner de conseil, mais je vais te donner matière à réflexion. Si tu dis oui à sa proposition et que ça ne marche pas, tu devras encaisser une nouvelle déception.
« Mais si tu ne dis pas oui, tu te demanderas toujours « et si ? » Tu pourrais vivre avec ça ? »
Ses paroles m'ont laissée sans voix. Est-ce que je pourrais ?
« Mais je vais te dire un truc. Tu as un bon cœur. La Déesse de la Lune associe les compagnons pour une raison. Même si les compagnons ont des soucis au début, je crois vraiment que la Déesse de la Lune veille toujours sur eux. »
Ses mots m'ont apaisée.
« Merci, Allison. » J'ai souri.
« Quand tu veux, ma chérie. »
Après lui avoir souhaité bonne nuit, j'ai raccroché et je me suis enfin endormie.
