Au-delà du Plan

AVA

« Bella ! Qu'est-ce que c'est que ça ? » ai-je lancé à ma nièce de cinq ans. Je tenais un bout de papier froissé que je venais de sortir de son cartable.

Le mot disait « Veux-tu être à moi pour toujours ? » d'une écriture soignée. Il y avait aussi un très joli dessin d'un homme et d'une femme se tenant la main devant une maison bien dessinée.

Elle est entrée dans la pièce et m'a vue accroupie par terre.

Elle a haussé les épaules et dit : « C'est Dakota qui me l'a donné. »

« Qui est Dakota ? » ai-je demandé.

« Un copain de ma classe. »

« Et il aime dessiner ? » ai-je insisté, voulant en savoir plus.

Elle a de nouveau haussé les épaules, avec cette moue adorable que seuls les enfants de cinq ans savent faire.

« Je sais pas, Tata Ava. »

Elle a fait demi-tour et a filé au salon pour continuer à regarder son dessin animé.

J'ai soupiré. J'étais persuadée que le petit Dakota n'avait pas dessiné ça. L'écriture était trop soignée, et la maison semblait avoir été croquée par un artiste, pas par un enfant.

J'ai pris le dessin, l'ai glissé dans ma poche arrière, et j'ai fini de préparer son cartable pour l'école.

« Va te brosser les dents et mets ton manteau, s'il te plaît. On part dans dix minutes », lui ai-je dit.

Je suis restée dans la cuisine, à couper des bananes pour son goûter, attendant d'entendre l'eau couler dans la salle de bain.

Bella est revenue me voir cinq minutes plus tard, tout sourire.

« J'ai brossé mes dents, Tata. »

Je lui ai rendu son sourire. « Prête ? »

« Oui ! »

Le trajet jusqu'à l'école primaire de Springvale ne prenait que dix minutes, mais Bella a bavardé sans arrêt depuis la banquette arrière, toute excitée par la fête de la Saint-Valentin de sa classe. Ils la célébraient aujourd'hui, le douze, car cette année la fête tombait un week-end.

« Et Maman sera vraiment pas là ? » a-t-elle demandé en arrivant à l'école, ses grands yeux verts emplis de tristesse.

« Je suis désolée, ma puce. Pas cette année. Elle sait à quel point tu adores cette fête, mais elle a promis d'être là pour la prochaine. Et n'oublie pas, je serai là à midi pour aider à la fête. »

Elle a hoché la tête, regardé par la fenêtre, puis s'est retournée vers moi avec un sourire.

« D'accord, Tata. »

J'étais toujours impressionnée de voir avec quelle facilité les enfants se remettaient des déceptions. J'aurais aimé pouvoir en faire autant quand la vie me jouait des tours.

Nous sommes arrivées à son école, et je suis sortie du côté conducteur pour faire le tour et aider Bella à descendre de son siège auto. J'ai ajusté son bonnet et ses gants, et embrassé fort ses joues.

« J'ai passé la meilleure matinée avec toi. Je suis si fière de toi. Et je suis tellement heureuse que tu sois ma nièce », ai-je dit en la regardant dans les yeux, avant de la serrer fort dans mes bras.

C'était notre petit rituel d'au revoir. Je le lui disais depuis qu'elle était bébé.

« C'est Dakota », a-t-elle dit en se dégageant de mon étreinte et en pointant du doigt quelques voitures plus loin dans la file de dépose, un petit garçon aux cheveux bruns foncés en bataille qui parlait à un adulte à côté de lui.

Je me suis retournée vers Bella. « D'accord, je vais aller parler à son père de son petit cadeau. Passe une super journée. On se voit à midi. »

Elle a hoché la tête et a couru à l'intérieur, impatiente de retrouver ses copains.

« Excusez-moi », ai-je dit en m'approchant de l'homme toujours à côté de Dakota.

Il s'est tourné pour me regarder, souriant, et j'ai découvert des yeux marron clair presque dorés. Il avait d'adorables fossettes sur ses joues ornées d'une barbe de trois jours.

J'ai été surprise par son charme. Il avait ce petit quelque chose - c'était un vrai homme.

Debout maintenant, il était beaucoup plus grand que moi, avec une carrure imposante visible sous sa chemise à manches longues. Il sentait le bois fraîchement coupé et les pins, et j'ai presque eu envie de lui demander s'il vivait dans un chalet en rondins.

Ayant du mal à trouver mes mots, j'ai finalement dit : « Vous êtes le père de Dakota ? »

Il a souri et hoché la tête, me tendant la main. « Oui, je suis Theo Garrison. »

J'ai serré sa main, sentant un frisson parcourir mon corps quand ses mains rugueuses et grandes ont enveloppé la mienne, beaucoup plus petite.

J'ai lâché un peu trop vite et souri à Dakota pour arrêter de penser aux yeux dorés chaleureux qui me fixaient toujours.

Mais Dakota avait les mêmes beaux yeux, donc le regarder ne m'aidait pas à chasser les pensées déplacées que j'avais sur son père.

Ne voulant pas mettre le mignon petit garçon dans l'embarras, j'ai décidé d'être prudente. « Je crois que tu as peut-être glissé ça par erreur dans le sac de Bella, Dakota », lui ai-je dit en sortant le dessin de ma poche.

Theo a regardé ce que je montrais et s'est penché à côté de son fils avec moi. Son genou a effleuré le mien.

« Dakota, tu te souviens de ce que je t'ai dit à propos d'aller dans ma chambre et de prendre des choses ? »

Dakota a soupiré et baissé les yeux. « Pardon, Papa. C'est juste que tu m'as dit que tu l'avais offert à Maman quand tu étais plus jeune et que tu l'aimais bien, alors je voulais le donner à la fille que j'aime bien pour la Saint-Valentin. »

Mon cœur a fondu en entendant les douces paroles du petit garçon.

Theo a ébouriffé ses cheveux et embrassé sa tête. « Passe une bonne journée, mon grand. Je t'aime », a-t-il dit alors que son fils courait à l'intérieur.

« Désolé pour ça. J'ai du mal à l'empêcher de prendre des choses qu'il ne devrait pas et de les donner aux enfants de sa classe. » Il a souri à nouveau, dévoilant ces deux adorables fossettes, et je me suis sentie craquer encore plus.

Il est sûrement marié. Arrête tes bêtises, Ava.

« Alors, vous devez être la fameuse tante de Bella ? » Il a souri de toutes ses dents.

« Oui, c'est moi », ai-je dit, me demandant comment il savait qui j'étais.

« Je donne souvent un coup de main dans la classe de Dakota et j'ai entendu Bella parler de vous. Elle a l'air de vraiment adorer la tante qui la laisse veiller tard pour regarder The Bachelor et ~Holiday Baking Championship~. »

J'ai rougi, gênée.

N'oublie pas de dire à Bella de NE PAS raconter ce qu'on fait quand elle est chez moi.

« Ne vous en faites pas, j'enregistre The Bachelor pour qu'on puisse zapper les passages osés, et les émissions de pâtisserie, c'est pour le boulot. Je tiens une boulangerie », ai-je expliqué, voulant soudain faire bonne impression devant cet inconnu.

Il a ri. « T'inquiète, je ne dirai rien à votre sœur. »

« Eh bien, merci encore de me l'avoir rapporté », a-t-il dit après quelques secondes de silence.

J'ai hoché la tête en me tournant pour partir.

« On se verra tout à l'heure à la fête de la Saint-Valentin des enfants ? » a-t-il demandé, m'interpellant alors que je m'éloignais.

Je me suis retournée pour le trouver toujours planté là, avec ce sourire ravageur dont il avait le secret.

« Oui, je remplace ma sœur. »

Son sourire s'est élargi quand j'ai dit ça. Je n'ai pas pu m'empêcher de ressentir un petit frisson d'excitation, comme si son sourire signifiait qu'il était content de me revoir plus tard.

« Je suis ravi que ce soit vous et pas Cheyenne. Elle ne m'a jamais vraiment porté dans son cœur », a-t-il dit sans s'expliquer davantage et s'est dirigé vers son SUV.

J'ai haussé les sourcils, me demandant pourquoi ma sœur ne l'aimait pas, bien que connaissant Cheyenne, cela pouvait être pour mille et une raisons farfelues.

J'étais curieuse, alors dès que je suis remontée dans mon 4Runner gris, j'ai appelé Cheyenne. Elle devait être en train de se réveiller pour commencer sa journée sur la côte Ouest.

Elle a décroché avec un « Salut, frangine ! Bella est bien arrivée à l'école ? »

« Oui, mais un petit garçon de sa classe a piqué un truc à son père et le lui a donné. J'ai dû le rendre ce matin. »

Elle a soupiré à l'autre bout du fil. « C'était encore Dakota ? »

J'ai ri, comprenant que ce n'était pas la première fois.

« Il en pince pour elle depuis qu'ils ont commencé l'école ensemble cet automne », a-t-elle dit.

« Alors, c'est quoi l'histoire avec le père grand, brun, beau et mystérieux ? » ai-je demandé, parlant de Theo. « Il a dit que tu ne l'aimais pas. »

Elle a ri. « C'est pas que je l'aime pas. C'est juste que je le... comprends pas. On va à plein d'événements scolaires des enfants ensemble, et alors que la plupart des parents discutent entre eux, lui reste généralement dans son coin ou ne parle qu'avec les enfants. J'ai l'impression qu'il ne cherche pas vraiment à nous connaître », a-t-elle dit d'un ton détaché.

« Sa femme aide aussi ? » ai-je demandé. « Ou elle est infirmière itinérante comme toi, ratant les événements scolaires et les fêtes ? »

Même si elle ne voyageait plus beaucoup maintenant, quelques fois par an, son hôpital lui proposait de la payer le triple pour des missions courtes de deux à trois semaines dans un autre État. C'étaient les moments où je gardais Bella.

En tant que mère célibataire, il était logique pour Cheyenne d'accepter ces missions plus longues, afin d'avoir plus de temps libre à passer avec Bella en été. Et puis, j'adorais toujours avoir du temps en plus avec ma douce nièce.

« Oh non, Ava. La femme de Theo... Elle... Merde, j'ai un appel du boulot qui entre. Faut que j'y aille. On se rappelle bientôt. Bisous. »

Elle quoi ? Bon sang, Cheyenne !

Soudain, j'avais vraiment envie d'en apprendre le plus possible sur cet homme mystérieux aux yeux dorés.