IL Y A SIX ANS
Trevor et moi n'avons pas été sur la même base militaire depuis l'instruction et l'école, mais maintenant il est affecté à quelques heures de chez moi. Il est venu me rendre visite pendant sa permission.
Mon colocataire est absent, donc Trevor peut dormir dans son lit et rester avec moi au quartier.
On est allés faire des courses, et maintenant on est dans ma chambre à boire des bières et à se remémorer le bon vieux temps.
Trevor me dit : « Dis donc, je pensais prendre des congés dans quelques mois pour aller voir Evie et Mamie Mabel. Ça te dirait de venir ? Je sais qu'elles sont comme ta famille aussi. T'as passé pas mal de temps chez ma grand-mère avec moi et Evie quand on était gosses. »
J'ai vraiment envie d'y aller. C'est vrai que j'étais plus souvent chez lui que chez moi quand j'étais jeune.
Ma mère et mon beau-père buvaient beaucoup. Je restais dehors toute la journée pour éviter les bouteilles de bière qui volaient.
Au moins, elles étaient vides ; ma mère ne gaspillait pas sa bière.
« Bien sûr, mec », je réponds l'air de rien, en buvant une autre gorgée.
Pour être honnête, j'ai hâte de revoir Evie.
Elle n'avait que quinze ans quand Trevor et moi sommes partis à l'armée, mais je sais qu'elle vient d'avoir dix-huit ans. Je lui ai même acheté un cadeau d'anniversaire que je n'ai pas encore pu lui donner.
Je connais Evelynn Rae Woods par cœur.
Sa couleur préférée est l'orange parce que ça lui rappelle l'automne, sa saison préférée. Elle adore les comédies romantiques comme la plupart des filles mais aime aussi les films d'horreur.
Evelynn ronfle doucement et parle dans son sommeil. Je me demande ce qu'elle penserait si elle savait que je me souviens de tous ces détails ?
Et à quel point Trevor serait en rogne ? J'ai peur de le découvrir.
« Hé Trev, si on appelait ta grand-mère et Evie maintenant pour leur dire qu'on vient ? » je propose.
Bien sûr, j'ai une idée derrière la tête.
Penser à Evie me donne envie d'entendre sa voix, mais je ne peux pas laisser Trevor s'en rendre compte.
Je ne sais pas comment mon meilleur pote réagirait s'il apprenait que je suis tombé sous le charme de sa petite sœur dès la première fois que je l'ai vue quand Trevor et elle jouaient dans le jardin.
Trevor prend son portable et compose le numéro d'Evie. J'attends en silence, le cœur battant comme un ado avec son premier béguin.
« Salut petite sœur, comment ça va ? » dit Trevor au téléphone.
Il lui parle de notre projet de visite pendant que je suis là à espérer qu'il mette le haut-parleur pour que je puisse entendre sa voix.
Ils commencent à parler de dates et d'autres choses quand je perds patience et arrache le téléphone des mains de Trevor.
« Salut Rayon de Soleil », je dis avec un grand sourire.
Trevor a l'air surpris, et je réalise que je ne me comporte pas normalement. J'essaie d'avoir l'air plus décontracté. « Alors, quoi de neuf ? » je demande.
« Pas grand-chose », répond-elle de sa jolie voix.
Cette voix m'a vraiment manqué. Je peux imaginer ses lèvres pulpeuses près du téléphone, produisant chaque son sexy sortant de sa bouche.
Je me rappelle que ce n'est pas le moment de penser à Evelynn de cette façon alors que son frère est dans la même pièce que moi.
« Eh bien, j'ai entendu dire que le bal de promo approchait », je lui dis.
Trevor commence à rire parce qu'il prévoit d'embêter le jeune homme qui emmènera sa petite sœur au bal.
« Tu as déjà un cavalier ? » je demande, espérant qu'elle n'en ait pas, non pas pour être méchant, mais parce que je veux être le seul homme dans sa vie.
« Non, Hunter », soupire-t-elle. « Je n'ai pas encore de cavalier. »
Entendant la tristesse dans sa voix, je me sens mal, alors je prends une profonde inspiration, mets un sourire sur mon visage, et lui dis ce que je ressens vraiment.
« T'en fais pas, Rayon de Soleil, si ces garçons sont trop bêtes pour voir à quel point tu es géniale, je serai ton prince et je t'emmènerai au bal. »
Trevor me lance un regard bizarre, puis me donne un coup de poing dans le bras.
« Qu'est-ce qui te prend, mec ? » chuchote-t-il et me reprend le téléphone.
Trevor et moi arrivons chez Mamie Mabel deux jours avant le bal. Elle nous accueille à la porte comme d'habitude.
« Quoi, ils distribuent des muscles dans l'armée maintenant ? Vous avez l'air de vrais durs à cuire. J'espère que vous ne prenez pas ces saloperies de drogues, vous savez ce qu'on dit sur ce que ça fait à vos bijoux de famille », dit-elle en nous reluquant.
Trevor et moi échangeons un regard et éclatons de rire.
« Salut Mamie Mabel, tu nous as manqué aussi », dit Trevor alors qu'on l'embrasse chacun notre tour, cette femme qui a été plus une mère pour nous deux que nos propres mères.
Je regarde autour de moi pour voir s'il y a un signe d'Evelynn.
Comme si elle lisait dans mes pensées, Mamie Mabel dit de sa voix rauque, « Evie et Crystal sont au centre commercial pour les derniers achats du bal. Elles ne devraient pas tarder. »
En passant devant moi, elle me tapote la main et sourit, disant, « Allez dans l'ancienne chambre de Trevor et rangez vos affaires, les garçons. Puis revenez dans la cuisine. J'ai une tarte au four pour vous. »
Je ne suis pas ravi d'apprendre que Crystal reste aussi chez Mamie Mabel.
Ce n'est pas que je la déteste ou quoi que ce soit. Mais Crystal, la demi-sœur de Trevor et Evie, aime beaucoup les hommes, et quand je suis près d'elle, j'ai l'impression qu'elle veut que je sois son prochain petit ami.
Ne vous méprenez pas : Crystal est jolie, mais elle n'est pas comme Evie.
Et, vous pouvez me traiter de vieux jeu si vous voulez, mais j'aime faire la cour aux femmes quand il s'agit de rendez-vous.
Pas besoin de courir après ce que Crystal offre à n'importe quel beau mec qui passe.
Trevor suggère qu'on aille voir de vieux potes pendant qu'on est en ville, alors je l'accompagne parce que je ne peux pas rester à la maison à espérer voir Evelynn. Ça paraîtrait louche.
JOUR DU BAL
On finit par rater les filles jusqu'à la nuit du bal. Je vois enfin Evelyn au petit-déjeuner le matin de son grand jour.
Ses yeux ont encore l'air endormis et ses cheveux sont en bataille, tout mignons et frisés. Elle bâille et me fait un petit sourire idiot.
Elle est tellement adorable comparée aux filles que j'ai fréquentées ces dernières années. Je ne l'ai jamais vue sourire autant. D'habitude c'est une fille sérieuse.
Ce qui est quelque chose que j'aime chez elle parce qu'elle ne joue pas de jeux. Mais elle a quand même un côté fun.
Je peux voir de l'excitation dans les yeux d'Evie ce matin. Elle doit être aux anges pour le bal de ce soir.
Cette pensée me rend un peu jaloux, mais je me rappelle ensuite qu'elle y va juste avec son ami Jamie.
Je suis content qu'elle ne laisse pas des broutilles comme un garçon qui ne l'invite pas au bal l'empêcher d'y aller et de s'amuser.
Pendant le petit-déjeuner, on parle de ce qu'elle prévoit de faire après le lycée.
Elle me dit qu'elle veut aller à la fac et étudier la comptabilité, et qu'un jour elle espère se marier et avoir plein d'enfants parce qu'elle a toujours voulu une grande famille.
« Où nous vois-tu, toi et moi, dans tes projets d'avenir ? » j'ose lui demander quand elle parle de son futur. Elle cligne des yeux, surprise, et baisse timidement les yeux vers ses genoux, mordant sa lèvre inférieure.
« J'espère qu'on sera toujours amis », dit-elle. Et puis très doucement elle ajoute, « Et peut-être plus. »
Je vois que je la mets mal à l'aise, alors je change de sujet. Elle me pose des questions sur la vie militaire et je lui raconte quelques anecdotes.
Elle n'arrête pas de tendre la main par-dessus la table pour toucher ma main et me pousser gentiment l'épaule quand je la fais rire pendant qu'on discute.
Elle ne m'a jamais autant touché avant, et ça me fait penser qu'elle pourrait être en train de flirter avec moi. Ça, plus ce qu'elle a dit plus tôt, me donne de l'espoir.
Je le prends comme un signe qu'il serait acceptable de lui avouer mes sentiments sans avoir peur qu'elle me rejette. Mais je ne veux pas la perturber le soir de son grand jour, alors je décide que ça peut attendre jusqu'à demain matin.
Après tout, qu'est-ce qu'un jour de plus quand j'ai déjà attendu si longtemps ?
Il est environ dix-huit heures et Crystal aide Evie à se préparer pour le bal. J'essaie de rester à l'écart, mais je suis curieux, alors je monte voir comment elles s'en sortent.
Evie est debout devant son miroir, dos à la porte.
Elle est magnifique. Ses beaux cheveux bouclés sont relevés dans une sorte de chignon avec quelques boucles lâches autour de son visage et de son cou.
La robe qu'elle porte est couleur crème et sans bretelles, révélant sa peau parfaite dorée foncée.
Crystal a dû donner à Evie une lotion spéciale car sa peau brille à la lumière, et l'odeur dans l'air est très agréable.
Elle fait bouger sa robe d'avant en arrière, attirant mon regard sur ses jambes, et j'en salive presque. Ces chaussures argentées sur ses petits pieds sont très sexy.
Je m'appuie contre l'encadrement de sa porte pour cacher mon excitation grandissante en la regardant.
« Salut beau gosse. J'ai fait du bon boulot avec Evelynn, non ? » me demande Crystal en caressant lentement mon bras.
J'avais oublié qu'elle était dans la pièce et je ne l'avais même pas remarquée s'approcher de moi ; j'étais tellement concentré sur Evie.
Je m'écarte de l'encadrement de la porte et du contact de Crystal et entre dans la pièce.
« Notre Evie est toujours belle. Tu as juste aidé à mettre en valeur sa beauté naturelle », dis-je en marchant derrière Evie et en poussant ses cheveux sur le côté.
« Et j'ai quelque chose que j'aimerais ajouter pour rendre une fille déjà charmante encore plus belle », dis-je, juste pour enfoncer le clou avec Crystal. Sans parler du fait que c'est totalement vrai.
Je tends les bras au-dessus de la tête d'Evie et place une chaîne en or blanc autour de son cou. Elle a un pendentif en forme de cœur avec un cœur à l'intérieur d'un autre cœur. J'espère qu'Evie comprendra qu'il y a une signification spéciale derrière ce collier.
Je cède à mon envie de la toucher et laisse mes doigts effleurer sa clavicule puis l'arrière de son cou en fermant le fermoir du collier.
Mon cœur bat la chamade et j'ai l'impression que le sang me monte à la tête.
J'entends Crystal s'exclamer. « C'est magnifique ! Tu as dû mettre le prix pour ça », m'accuse-t-elle, la main sur la hanche.
Je lève les yeux vers le miroir et croise le regard d'Evie.
Je ressens tellement d'émotions en ce moment que je suis presque sûr qu'elle peut les voir dans mes yeux, mais je me rappelle ensuite que Crystal est toujours dans la pièce et que je ne peux pas dire les choses que je veux vraiment dire.
Alors à la place, je réponds : « C'est un cadeau d'anniversaire en retard pour ma petite amie préférée. »
Beurk, que ça sonnait nul ! Crystal est vraiment en train de gâcher mes plans.
Evie ne serait plus jamais la petite sœur agaçante que Trevor et moi prétendions qu'elle était quand elle n'était qu'une enfant.
Soudain, j'entends la sonnette retentir en bas. « Ça doit être Jamie », annonce Evie.
Elle se tourne vers moi et se met sur la pointe des pieds parce que même avec ses sexy talons hauts, son petit corps d'un mètre cinquante-cinq est beaucoup plus court que moi.
Je sens ses mains courir sur les muscles de ma poitrine puis sur les muscles de mes épaules alors qu'elle m'entoure le cou pour m'étreindre. Je peux sentir mon corps réagir rapidement à ses touches innocentes.
Puis, elle a son visage dans mon cou, et je jure que je peux l'entendre prendre une profonde inspiration par le nez comme si elle me sentait. Un gémissement très discret s'échappe de ses lèvres contre mon cou.
Je frissonne.
Je n'ai jamais été aussi excité de ma vie. Ma légère excitation vient de se transformer en une érection complète. Avant que je puisse réagir, elle dit : « Merci pour ce merveilleux cadeau. »
Puis elle se retourne et descend les escaliers en courant comme si elle avait peur. J'espère de tout cœur qu'elle ne fuyait pas par peur d'avoir senti mon excitation contre sa jambe.
Je reste là, surpris et très excité.
Et bien sûr, Crystal remarque mon excitation. Je regarde ses yeux avides se poser sur la bosse dans mon jean et je décide rapidement de sortir de la pièce avant que quelque chose de mal n'arrive.
Je vais dans la salle de bain du couloir et pense à me soulager, mais ça me semble juste déplacé, alors je m'asperge le visage d'eau froide et attends que mon excitation retombe.
Je suis enfin prêt à descendre. Je croise Trevor dans le couloir. On commence à descendre les escaliers ensemble quand on s'arrête net tous les deux. Quand je vois Jamie, je suis choqué et plus qu'un peu contrarié.
Avant que je puisse dire quoi que ce soit, Trevor lâche : « Merde, à la façon dont Evie parlait de Jamie, je pensais que c'était une fille. Je croyais qu'elle y allait avec son amie « Jamie » puisque personne ne l'avait invitée au bal. Fichus prénoms mixtes. Bon, je suppose que je vais devoir jouer au grand frère surprotecteur avec le jeune homme. » Puis il me tape sur l'épaule et descend le reste des escaliers vers eux.
Je suis abasourdi.
Je dois admettre que j'étais soulagé de ne pas être le seul à avoir mal compris la situation. Mais ça ne me réconfortait pas alors que je les regardais discuter.
« Salut, ma belle. Tu es prête pour notre grande soirée ? » demande Jamie à Evelynn d'une voix enjouée en passant son bras autour d'elle.
À la façon dont il lui parle, je peux dire qu'il est très à l'aise avec Evie.
Et s'il est le Jamie dont elle parle depuis un an ou deux, il a le droit d'être à l'aise puisqu'apparemment ils passent presque tout leur temps ensemble.
Je me demande pourquoi Evelynn a fait comme si elle ne savait pas si elle allait au bal alors qu'elle devait savoir que Jamie allait l'inviter.
À quel jeu joue-t-elle ?
Non seulement Jamie n'était pas une fille, mais le gars était beau gosse. Il faut reconnaître le mérite là où il est dû. En fait, si j'avais un petit frère, il pourrait ressembler beaucoup à ce Jamie.
Je me sens trahi. Evie n'a jamais dit qu'elle avait des sentiments pour moi, mais je ne peux pas me tromper à ce point sur tous les signes qu'elle m'a donnés récemment, si ?
Mamie et Crystal prennent des photos du couple avant qu'ils ne se préparent à partir. Je vois Trevor s'approcher d'eux, et c'est mon signal pour le suivre.
« On peut avoir un mot en privé avec le jeune homme un instant, Evie ? » demande-t-il de sa voix la plus grave possible.
Evie glousse comme si elle savait ce qui se passait. Normalement, j'aurais ri aussi du comportement de Trevor, mais soudain les choses ne sont plus si drôles.
Comme le fait qu'on ait même besoin de faire le discours « tu as intérêt à respecter ma petite sœur ou je te ferai la peau » en premier lieu.
Je me tiens derrière Trevor, prêt à le suivre avec Jamie dans l'autre pièce, et je vois Evie du coin de l'œil essayer d'attirer mon attention.
Je ne veux pas qu'elle sache que je suis en colère et blessé en ce moment, alors j'évite de la regarder dans les yeux. J'ai tellement de bruit dans ma tête que je rate toute la conversation entre Trevor et Jamie.
Après que Trevor ait fini d'interroger son cavalier, Evie fait un bisou sur la joue de Trevor et lui chuchote quelque chose à l'oreille avant que Jamie et elle ne se dirigent vers la porte.
Alors qu'ils marchent vers la voiture de ce connard, je pense : s'il te plaît mon Dieu, ne la laisse pas faire quelque chose ce soir que je ferais, et puis je crie : « Ne fais rien que tu regretteras plus tard ! »
Est-ce que je pourrais être plus évident ?
Si le sourire narquois sur le visage de Crystal est un indice, la réponse est non.
Il est deux heures du matin et je suis toujours debout à attendre qu'Evie rentre à la maison.
J'ai fouillé la cuisine de Mamie Mabel il y a environ une heure, à la recherche de sa bouteille cachée de whisky à la cannelle. Ça brûle en descendant mais ça fait moins mal que la douleur dans ma poitrine en ce moment.
Evelynn doit être dehors en train de passer un super moment.
Je ne peux qu'imaginer ce qu'elle pourrait faire à cette heure de la nuit. Et avec cette pensée, je prends une autre gorgée.
Maintenant je ne peux plus penser clairement et une partie de mon visage est engourdie. Je pense qu'il est peut-être temps d'aller au lit, alors je me dirige vers l'étage.
J'ai décidé que les escaliers sont trop raides, alors je monte à quatre pattes.
Quand j'arrive en haut, je m'accroche au mur le plus proche et me relève. Me sentant comme si j'avais vraiment accompli quelque chose d'extraordinaire, je reste là un moment les mains sur les hanches, souriant tout seul.
C'est à ce moment-là que Crystal ouvre sa porte et me regarde. Un sourire malicieux s'étale sur son visage et je sais que je suis dans de beaux draps, mais je ne suis pas exactement sûr pourquoi.
« T'es bourré, hein ? » me demande Crystal d'une voix basse et sensuelle.
Est-ce une question piège ?
« Non », dis-je et je commence à rire bêtement. Crystal met son doigt sur ses lèvres, et à ce moment-là, elle ressemble tellement à Evie que c'en est troublant. « Chut », chuchote-t-elle.
« Viens, laisse Maman s'occuper de toi. »
Je souris et trébuche dans ses bras ouverts.
