La Fraternité des Six

La vie nous réserve parfois de sacrées surprises. Faut juste apprendre à les encaisser sans flancher.

Le truc avec les grosses surprises, c'est qu'on ne les voit pas venir jusqu'au dernier moment.

C'est un peu ce qui m'est arrivé ces derniers temps. Y a six mois, la vie m'a balancé une sacrée claque.

Je venais de finir le boulot et d'aller chercher les gosses à l'école. J'avais vendu une baraque que les acheteurs lorgnaient depuis des mois, et j'étais prête à rentrer fêter ça en famille.

Mais je n'étais pas du tout préparée à ce qu'on allait trouver en arrivant à la maison.

Ils étaient là - mon mari et ma meilleure pote, en train de s'envoyer en l'air sur mon canapé. Ils ne s'étaient même pas donné la peine d'aller dans la chambre.

S'ils l'avaient fait, au moins les enfants n'auraient pas vu leur père tromper leur mère.

Je me souviens encore très bien de ce jour-là. Au moins, il n'a pas essayé de se justifier en disant "Ce n'est pas ce que tu crois". Il a avoué ce qu'il avait fait.

Je veux dire, on l'a pris la main dans le sac - mais ça ne veut pas dire qu'il aurait avoué son infidélité autrement.

On a essayé de sauver notre mariage. On est allés voir un psy et tout le tralala, et ça ne se passait pas trop mal jusqu'à ce qu'elle débarque un jour en disant qu'elle était enceinte.

C'était la goutte d'eau.

Je pouvais pardonner la tromperie, mais un bébé ? Non. Je ne pouvais pas - et je ne voulais pas - accepter ça.

Pas question que mes gosses vivent ça.

Comme toujours, mes enfants passent avant tout, et ce sera toujours le cas.

Me voilà donc, six mois plus tard, en train de boucler mon divorce avant de retourner dans ma ville natale avec les gosses.

J'ai attendu qu'ils finissent leur année scolaire et qu'ils s'habituent à l'idée de déménager. Je ne voulais pas qu'ils commencent une nouvelle école en plein milieu de l'année.

Alors j'ai pris sur moi et j'ai essayé d'éviter Eric autant que possible.

De toute façon, j'avais plein de trucs à régler, comme vendre la maison familiale, trouver une nouvelle baraque dans un bon quartier avec toutes les activités sportives des gosses, et déplacer mon agence immobilière.

Maintenant que l'année scolaire se termine aujourd'hui et que tout est réglé, emballé et prêt à partir, y a plus qu'une chose à faire.

Signer les papiers du divorce et se casser d'ici. Évidemment, Eric n'allait pas me faciliter la tâche.

"Je ne signerai pas ces papiers si tu te barres avec mes gosses."

Je pousse un long soupir. On en a déjà parlé plein de fois, mais il ne veut pas l'accepter.

C'est lui qui a rendu impossible de vivre dans cette ville sans entendre les gens jaser partout où je vais.

Les gosses sont rentrés plusieurs fois en me racontant ce que leurs potes disaient. Ils ont dû subir les regards et les messes basses aussi.

J'ai jamais voulu ça pour eux. Je peux l'encaisser, mais quand mes gosses doivent y faire face, il est temps de bouger.

"Premièrement, ce sont aussi mes enfants. Deuxièmement, je suis leur mère et j'en ai la garde. Troisièmement, ça avait pas l'air de te déranger quand t'as mis ma meilleure pote enceinte.

"Je n'ai pas envie d'avoir encore cette discussion. Signe les papiers pour que tu puisses retourner à ta nouvelle famille," je dis fermement.

Je ne m'attendais pas du tout à ce qu'il allait dire après.

"Dans ce cas, je vais déménager aussi. Je ne resterai pas à des heures de route d'eux."

La raison pour laquelle j'avais décidé de déménager, c'était justement pour être loin de lui.

"Je vais signer ces papiers, et je te verrai quand London et moi on sera installés."

Il a bien signé les papiers, mais je n'étais pas ravie de cette nouvelle info. Je n'allais pas me prendre la tête avec lui là-dessus cependant. Je n'avais tout simplement pas l'énergie ni le temps pour ça.

"On a fini ici ? Faut que j'aille chercher les gosses à l'école et qu'on prenne la route. Ma famille nous attend ce soir," j'ai demandé à mon avocat. Il a fait oui de la tête et dit qu'il déposerait les papiers tout de suite.

J'étais une mère fraîchement divorcée de trois gosses avec un ex-mari qui me collait aux basques comme un chien perdu.

J'ai quitté le bureau et je me suis dirigée vers ma caisse, Eric pas loin derrière moi. Je n'ai vraiment pas envie de lui parler, encore moins de le voir en ce moment.

Je suis en rogne. Je voulais me barrer pour plus être constamment rappelée à la façon dont il m'a brisé le cœur, comment il a foutu en l'air ma confiance dans les relations.

Il avait fait les mêmes promesses que moi, et c'est lui qui les a brisées.

J'ai continué à marcher, l'ignorant pendant qu'il gueulait mon nom.

J'ai sorti mes clés de mon sac et appuyé sur le bouton pour déverrouiller ma caisse. J'allais juste ouvrir ma portière quand il m'a rattrapée.

"Nicole, écoute-moi, s'il te plaît."

J'ai levé les yeux au ciel et pris une grande inspiration avant de me retourner pour lui faire face.

"Je n'ai pas le temps pour ça. Faut que j'aille chercher les filles à l'école, et Bell me retrouve à la maison pour qu'on puisse se casser," je lui ai dit, en essayant de rester calme.

"Bellamine peut aller chercher les filles. Je suis désolé, vraiment désolé. Je sais que tout est de ma faute, mais je veux qu'on soit cool l'un envers l'autre pour nos gosses.

"Ouais, j'ai vraiment merdé, mais ça ne veut pas dire que tu peux m'éloigner de mes gosses. Je sais que tu n'es pas contente que je déménage dans l'Indiana, mais si tu vas déplacer mes gosses, alors je serai là."

"T'as raison, je ne suis pas contente que tu déménages.

"J'ai décidé de partir pour pas avoir à être constamment rappelée de la façon dont t'as foutu en l'air notre famille. J'ai décidé de rentrer chez moi pour pas avoir à te voir avec elle à chaque fois que je me retourne.

"On s'était fait des promesses, et t'as tout foutu en l'air. C'est ta faute, pas la mienne.

"J'emmène les enfants, et on pars plus près de ma famille. T'as décidé d'un coup que t'allais déménager aussi.

"Tu as pensé une seule fois à l'effet que ça aurait sur moi ? T'as utilisé ton putain de cerveau pour réfléchir à pourquoi je me cassais ? Non ! T'as encore agi sans réfléchir, comme d'hab."

Je m'arrête de parler pour laisser ça faire son effet pendant que je prends une grande inspiration pour me calmer.

"Dis-moi, comment ta nouvelle fiancée prend ce déménagement ?" je demande. "Tu m'as fait tellement de mal, Eric, et tu ne comrends pas à quel point ça me tue. Je t'aimais tellement, putain !

"Faut que j'y aille. Les gosses vont bientôt sortir de l'école."

Ça m'a fait du bien de balancer tout ça. Cela dit, je chialais comme une madeleine quand j'ai fini de parler. Je pouvais plus me retenir. J'y arrivais plus. Il m'a détruite.

"Nic, je suis vraiment désolé. C'est juste arrivé comme ça ! T'as raison. Je n'ai pas pensé à l'effet que ça aurait sur toi ou les enfants. J'ai réfléchi avec ma bite, et regarde où ça m'a mené.

"J'ai perdu la seule femme qui aura toujours mon cœur.

"Non, je n'ai pas parlé à London de ça. J'ai décidé pendant qu'on était là-bas. Je veux être proche des enfants. Je comprends pourquoi tu te casses, mais je vais pas changer d'avis là-dessus.

"Si elle ne veut pas venir avec moi, alors on trouvera une solution pour le nouveau bébé.

"Je vais là où mes gosses vont, et c'est définitif. Tu peux détester ça autant que tu veux, mais tu n'as pas le droit de t'en foutre. Ils sont autant les miens que les tiens. J'ai tous les droits d'être proche d'eux."

"Faut que j'y aille, Eric," je dis. "Fais ce que tu penses être le mieux. Peut-être qu'un jour je pourrai te pardonner, mais en attendant, je serai cool pour mes gosses. T'es leur père, et ça ne change pas juste parce que je pars.

"Fais ce que tu penses devoir faire, et je ferai pareil. Maintenant, si tu veux bien m'excuser, faut que j'aille chercher les jumelles." J'ai ouvert ma portière et je suis montée dans ma caisse, direction l'école.

Putain d'enfoiré.

Autant être en rogne maintenant parce que je ne serai pas le parent qui dit du mal de l'autre parent.

J'étais là pour lui dans les moments difficiles. Il était à l'entraînement de base quand j'ai eu Bellamine. Il est à peine arrivé à temps pour la naissance de Nora et Elena. Après la naissance des filles, il n'est pas resté dans l'armée.

J'étais là pendant la période où son SSPT était si grave qu'il pouvait ni bouffer ni dormir ni être près de nos gosses parce qu'il avait peur de leur faire du mal.

J'étais là à élever deux nouveau-nés et un gamin de deux ans, tout en l'aidant à surmonter ses problèmes.

Et qu'est-ce que j'obtiens en retour ? Voir ma meilleure pote et mon mari s'envoyer en l'air sur mon canapé avec mes gosses à côté de moi.

Ça a fait le plus de mal à Bell. Il était proche de son père - le voir comme ça a fini par foutre en l'air leur relation.

Je lui ai parlé et expliqué que ce que son père avait fait n'avait pas besoin de ruiner leur relation. Il dit qu'il est juste en rogne parce que ça m'a fait du mal et a brisé notre famille.

C'est une des raisons pour lesquelles j'ai essayé d'arranger les choses avec Eric. Je voulais que notre famille reste unie - pour nos gosses. Je sais que ça ne marche pas toujours comme ça, mais j'ai quand même essayé.

J'ai tout essayé pour garder ma famille unie. Ça a simplement pas suffi à la fin.

Je ne pouvais pas rester avec lui en sachant qu'il avait un autre gosse en trompant avec une autre nana. C'était la dernière chose qui m'a fait décider de me casser.

Une fois arrivée à l'école, les filles m'attendent avec leurs potes. Je me gare et j'attends qu'elles disent au revoir à leurs potes.

Les filles sont proches, mais elles ont des potes différents. Nora est la fille girly. Elle est pom-pom girl, dans le club de théâtre et joueuse de volley. C'est la populaire.

Tous mes gosses sont populaires mais de différentes façons. J'ai jamais eu à m'inquiéter qu'ils soient emmerdés ou qu'ils emmerdent quelqu'un.

Elena est le garçon manqué avec un peu de fille girly à l'intérieur. C'est notre joueuse de softball. Elle joue aussi au basket et fait de l'athlétisme, mais elle kiffe le softball par-dessus tout.

Bellamine est notre joueur de foot US, de basket et de baseball. Tous mes gosses sont sportifs. Ils l'ont toujours été. Je suis presque sûre qu'ils tiennent ça de leur père, mais je le lui dirai jamais.

J'arrête de penser quand j'entends les portières s'ouvrir. "Salut, m'man," disent Nora et Elena en même temps.

"Salut, mes chéries. Comment s'est passée votre dernière journée d'école ?" je demande en m'éloignant de l'école.

"C'était pas mal. Comme d'hab, même s'il y a eu plein de larmes vu qu'on ne reviendra pas pour la rentrée. Ça craint qu'on doive déménager. Se faire de nouveaux potes et recommencer à zéro, ça craint," dit Nora.

"Ma journée n'était pas super. Winston m'a larguée parce qu'il ne pouvait pas gérer la 'relation à distance'. Je savais que ça allait arriver, mais ça fait quand même mal. Papa a tout foutu en l'air," dit Elena.

"Oh, ma chérie, je suis tellement désolée que ça soit arrivé. Je sais que c'est dur pour vous tous, mais c'est pour le mieux.

"Ce ne sera pas si terrible de recommencer dans un nouvel endroit. Cette école n'est pas aussi grande que celle que vous avez connue. Tout s'arrangera. Je vous le promets.

"Je sais à quel point c'est triste de quitter ses potes et de perdre quelqu'un qu'on aime, et je suis désolée que ça vous arrive.

"Votre père a juste fait un truc pas cool, et ça a changé les choses. Mais pensez-y comme à une nouvelle aventure."

Je déteste que ma fille ressente cette tristesse. J'aimerais pouvoir tout changer, mais je ne peux pas. "Allez, on rentre retrouver votre frère et votre tante pour qu'on puisse se casser."