
C'est le dernier jour d'une nouvelle année scolaire. Ça fait dix ans que j'entraîne et que j'enseigne, et j'adore toujours ça.
La seule chose qui me gonfle, c'est de devoir trouver un nouveau joueur chaque été parce qu'un de mes gars n'a pas assuré côté notes ou a foiré un test anti-drogue.
J'ai deux règles pour faire partie de mes équipes. Un, pas de came, et deux, faut au moins avoir la moyenne.
Cette année, je dois remplacer mon lanceur avant demain soir parce que ce crétin de Dawson a merdé ses deux dernières semaines de terminale.
Je lui ai laissé trois chances de remonter ses notes à la moyenne, mais il croyait qu'être en terminale voulait dire qu'il pouvait se la couler douce.
Trois chances avec moi, et c'est fini. Il vient de griller sa dernière cartouche. Maintenant, j'attends dans mon bureau pour lui dire ce qui va lui arriver à cause de ses conneries.
Pendant que je regarde la liste des joueurs de l'équipe, mon téléphone de bureau sonne. "Allô ?" je décroche.
"Coach Stark, comment ça va ? Écoute, j'ai un truc à te demander." Je reconnais Coach Tanner du Tennessee au bout du fil.
On est potes depuis des années. Je l'ai rencontré à une réunion ma première année, et on est restés amis vu qu'on débutait tous les deux dans le coaching.
"Qu'est-ce qu'il y a, Tanner ?"
Quelqu'un frappe à ma porte, et je vois Dawson à travers la vitre. Je lui fais signe d'entrer et je lui montre la chaise devant mon bureau.
"Je viens de perdre mon meilleur lanceur aujourd'hui," dit Tanner. "Lui, sa mère et ses deux sœurs déménagent dans ton coin et vont aller dans ton lycée. Je me demandais si tu pourrais lui trouver une place dans l'équipe."
C'est vraiment un coup de bol. Même si on s'entraîne depuis des semaines, j'allais juste utiliser un de mes joueurs actuels.
"Je sais pas trop, Tanner. Les sélections sont déjà finies," je lui dis.
"Ouais, je comprends. Je tentais le coup. Il traverse pas mal de trucs avec sa famille, et c'est un de mes meilleurs joueurs. Réfléchis-y," il me dit.
"Écoute, Tanner, je vais y penser et rencontrer ce gamin. Il s'appelle comment ?" S'il est aussi bon que Tanner le dit, ça serait mieux que de prendre un de mes joueurs actuels.
"Bellamine White," il répond.
"Écoute, faut que j'y aille. Un de mes joueurs m'attend dans mon bureau, mais je lui donnerai sa chance."
C'est un sacré bon lanceur d'après ce que j'ai vu. Il va cartonner, et je peux pas laisser un talent pareil passer à côté de ses rêves.
Si je peux l'aider à atteindre les ligues pro, c'est tout bénef pour moi.
"Ok, Stark. On se rappelle. Merci encore. Je sais qu'il est déprimé depuis qu'il a appris qu'il devait déménager.
"Tous les gosses sont tristes de devoir attendre la rentrée pour reprendre le sport et leurs activités. Bref, on se rappelle," je dis avant de raccrocher.
Je me tourne vers mon lanceur, Dawson, assis devant moi. "Je suppose que tu sais pourquoi t'es là ?"
"Euh, ouais. Coach, écoutez, j'ai essayé de remonter mes notes," il commence à s'expliquer, mais je lève la main pour l'arrêter.
Il a eu toute l'année pour garder ses notes au top mais il a décidé de les laisser plonger. Même après lui avoir dit ce qui allait se passer, il s'en est foutu et a fait ce qu'il voulait.
"Si tu vas pas me dire la vérité, alors ferme-la. Tu connais mes deux règles. Tu sais que je donne que trois chances à quelqu'un de se reprendre. T'as grillé ta dernière cartouche, et t'es viré. Tu joues pas," je lui balance.
"Mais, Coach ! Y aura des recruteurs cette année !" il s'exclame.
"T'aurais dû y penser avant de décider que faire la fête avec tes potes était plus important que de bosser. Maintenant, retourne en cours."
Il s'énerve et sort en claquant la porte. Parfois, faut juste être le méchant.
Je lui ai donné l'occasion de changer la donne. Il savait ce qui allait arriver et il a rien fait pour l'éviter. Au moins, j'ai un lanceur pour le match de demain.
J'ai vu Bellamine jouer sur les vidéos qu'on m'envoie. Ce gamin pourrait devenir pro s'il bossait dur, et je laisserai pas un tel talent se perdre.
Faut que je voie où il habite et que j'aille lui rendre visite. S'ils déménagent dans ce secteur scolaire, il devrait déjà y avoir un dossier sur eux pour la rentrée.
J'ai trouvé leurs infos avant d'aller à mon dernier cours de la journée et de l'année.
Il s'avère qu'ils emménagent juste entre moi et mon frère, Emerson.
Je suis l'aîné de six garçons. Mes frangins et moi, on vit tous dans le même quartier. Y a moi, Emerson, Lincoln, Carson, Trenton, et le petit dernier, Quincey.
Mes élèves sont assis sur les gradins en m'attendant quand j'arrive. Ils espèrent sûrement une journée cool à rien foutre, mais ça va pas se passer comme ça.
"Salut la classe. Prêts pour la fin de l'année ?"
J'obtiens des cris joyeux en réponse. "Bien, bien. Bon, on va commencer ce cours avec tout le monde qui se change en tenue de sport."
J'entends plein de grognements mécontents et je secoue juste la tête. "Je veux dire, si vous voulez tous vous plaindre, je peux faire d'aujourd'hui exactement comme tous les autres cours qu'on a eus le reste de l'année."
Ça les a fait bouger. Je suis pas complètement sadique. Je vais être cool avec eux.
Cinq minutes avant la dernière sonnerie, je siffle.
"Vous voyez ? C'était pas si terrible, hein ? Juste un peu de course et puis du kickball. Il nous reste environ cinq minutes avant la fin de la journée, donc je vais pas vous retenir longtemps.
"J'ai besoin des gars du baseball ici demain matin à huit heures pétantes pour l'entraînement avant le premier match. Pour les autres, profitez bien de vos vacances. Allez vous changer et rentrez chez vous."
Sur ce, tout le monde part se changer et rentrer. Maintenant, faut juste que j'appelle et que j'obtienne mon lanceur.
Sa mère répond à la deuxième sonnerie.
"Allô ?"
"Bonjour. C'est Coach Stark du lycée Hanover. J'appelle parce que Coach Tanner m'a contacté aujourd'hui pour me demander si je pouvais intégrer votre fils à mon équipe. Je connais ses capacités et j'ai justement besoin d'un lanceur pour la saison."
"Quel Stark êtes-vous ?" elle demande.
Question bizarre, mais je vais répondre. "Jaxton," je dis.
"Eh ben ça alors. Le monde est petit. J'étais à l'école avec Emerson. White c'est mon nom de femme mariée. Enfin, c'était mon nom de femme mariée. Mon nom de jeune fille c'était Stone."
C'est pour ça que sa voix me disait quelque chose ! Si elle est aussi canon qu'à l'époque, je vais avoir des emmerdes.
"Ouais, t'es partie quand t'as eu dix-huit ans pour suivre Eric quand il s'est engagé dans l'armée," je dis.
"Malheureusement. Bref, Bell était dégoûté de devoir déménager parce qu'il allait rater la saison. Je suis sûre qu'il sera super content de jouer. On devrait arriver à Hanover vers onze heures, j'espère. Je vais le prévenir."
Je me demande ce qu'elle voulait dire par ce premier commentaire. Visiblement, il s'est passé un truc, sinon elle reviendrait pas ici.
"On a un entraînement à huit heures du mat'. Faudrait qu'il soit au lycée d'ici là," je dis.
"D'accord. Je vais l'appeler quand j'aurai raccroché avec vous. Faut que je raccroche pour pouvoir conduire. Merci de lui donner sa chance. Je sais qu'il sera content. Ça a été un changement difficile pour mes enfants. Ils adorent tous leurs sports."
"Je comprends ça. Fais gaffe sur la route, et on se verra bientôt," je dis avant de raccrocher. C'est l'heure de rentrer à la maison.
Le trajet jusqu'à chez moi prend pas plus de dix minutes. Je me gare dans l'allée et je rentre pour ranger mes affaires. Emerson débarque peu après.
"Tu frappes pas ?" je demande.
"Nan. Pas besoin. J'ai une clé. On a tous des clés. T'étais au boulot plus tard que d'hab," il dit.
"Ouais. J'ai dû trouver un nouveau lanceur vu que le mien a décidé de se foutre de ses notes. J'ai parlé à Nicole White—ex-Stone. Elle et ses gosses emménagent à côté entre toi et moi," je lui dis.
"Eh ben ça alors. On l'a pas vue depuis, quoi ? Quinze ans ? Elle s'est barrée après qu'on ait eu notre bac," il dit.
"Ouais. Le monde est petit." Je marmonne avant d'aller au frigo nous chercher une bière fraîche chacun. J'arrive pas à me sortir de la tête l'image de la nana que je connaissais à l'époque.
"Mec, t'es toujours amoureux d'elle, hein ?" demande Emerson, et je réponds pas. Je lui tends une des bières. "Tu l'es. Frangin, t'es dans la merde."
"Dis-moi un truc que je sais pas. Bref, elle sera là vers onze heures. Vous voulez mater un match ou quoi ?"
Il hoche la tête, et on sort chercher le reste de nos frangins avant d'aller au bar sportif du coin.
J'arrive pas à croire que la nana que j'ai laissée filer va vraiment emménager à côté. Qui l'aurait cru ? Peut-être que j'ai encore une chance. On verra bien comment ça se passe.
C'est clair qu'elle a dû en baver pour revenir dans ce bled, mais je l'ai laissée partir une fois. Je vais pas refaire la même connerie.
On arrive au Patrick's Sports Bar et on trouve notre table habituelle. "Bon les frangins, Jaxton ici présent a une deuxième chance avec celle qui lui a échappé," dit Emerson quand on s'installe à notre table.
On vient ici quelques fois par semaine. Surtout les week-ends, mais y a des fois en semaine où on a la flemme de cuisiner à la maison—on vient ici et on grignote un truc en sirotant quelques bières fraîches.
"Sérieux ?" demande Lincoln.
"Ouais. Elle emménage dans la baraque entre moi et Emerson. Je sais pas trop ce qui s'est passé ou si j'ai même encore une chance. J'avais pas vraiment mes chances quand on était au lycée.
"Non seulement elle avait deux ans de moins, mais elle était tout le temps avec Eric White. Elle l'a suivi dans le Tennessee après le bac quand il s'est engagé dans l'armée," je dis.
Mes frangins et moi, on se cache rien.
"Elle arrive quand ?" demande Quin.
Il est censé partir pour son service militaire dans quelques semaines vu qu'il a eu son bac cette année. Il est pas censé picoler, mais Patrick connaît notre famille depuis des années et s'en fout tant qu'il abuse pas.
"Elle a dit vers onze heures quand je lui ai parlé tout à l'heure. Je crois pas qu'elle sache qu'elle emménage dans notre quartier. J'ai dû lui parler de son fils qui rejoint l'équipe vu que j'ai perdu mon lanceur aujourd'hui," je leur dis.
"Ah, la règle des trois chances. Le gamin l'a pas prise au sérieux, hein ?" demande Trenton.
"Non. Maintenant, il est vénère parce que les recruteurs seront là, et il joue pas de la saison. Je déconne pas avec mon équipe et mes règles," je dis.
"Oh, on sait. Bon, et si on matait un match ? Il est sept heures là. On a quatre heures avant que l'amour de ta vie débarque. On pourra l'aider à emménager et rencontrer les gosses."
On hoche tous la tête et on prend quelques bières avant de regarder le match.