
Le retour à la salle de réunion fut long, mais Kyril savoura chaque pas en regardant Lilas, qui reposait silencieusement dans ses bras, celle-ci l’observant tandis qu’il se balançait d’avant en arrière.
La petite louve n’avait pas été capable de dire un mot, depuis qu’il lui avait annoncé leur lien d’accouplement. Il ne lui en voulait pas. Après trente-deux ans, Kyril avait du mal à y croire lui-même.
À présent, Kyril ne pensait plus qu’aux préparatifs pour l’arrivée de Lilas. Il voulait la ramener à la maison le plus vite possible. Il n’y avait pas de temps à perdre.
Il ne voulait pas passer un instant de plus sans Lilas à ses côtés.
La sécurité devrait s’intensifier pour protéger sa douce petite compagne, car il avait beaucoup d’ennemis et ils deviendraient bientôt les siens également.
Après qu’il se fut vêtu et qu’ils eurent quitté le donjon, ils atteignirent enfin leur destination, une belle terrasse où les invités se prélassaient et se reposaient les pieds, après un certain temps passé sur la piste de danse.
Presque personne ne remarqua leur arrivée.
Se dirigeant vers un banc de marbre vide, Kyril y prit place, s’ajustant pour accueillir confortablement sa compagne fatiguée.
Lilas le regarda avec douceur et calme. Même s’ils venaient de se rencontrer, Kyril pouvait voir qu’elle se sentait parfaitement à l’aise dans ses bras.
Il écarta une mèche de cheveux de son visage. Elle était si délicate, plus délicate que tous les loups qu’il avait rencontrés.
Avant qu’aucun mot ne puisse être échangé, Kyril entendit un magnifique hymne et se retourna pour voir ce que cela pouvait être.
Lilas regardait, par-delà le bassin, le grand temple puritain qui brillait comme un phare sur la crête voisine.
Il était assez éloigné, mais le son du chœur résonnait contre les flancs de la montagne, aidé par l’air froid des Alpes.
Le refrain éthéré les enveloppait comme un linceul d’âme.
Les puritains étaient les créatures les plus sensibles de tout le royaume.
Ils étaient des loups-garous qui avaient sacrifié le confort et le luxe de la vie pour servir Selene ; chaque pleine lune, comme ce soir-là, ils se rassemblaient dans leur temple et chantaient de magnifiques hymnes à la gloire de la Déesse.
Avant ce soir, Lilas avait souvent pensé à devenir puritaine.
Une opportunité de choix pour se soustraire du monde extérieur écrasant.
Mais maintenant qu’elle avait trouvé son compagnon, rien d’autre ne comptait.
Il n’y avait pas d’autre endroit où elle aurait voulu être qu’avec ce Lycan, en ce moment.
Lilas sentit une douce brise alpine effleurer sa peau. Elle leva les yeux vers la pleine lune et remercia la Déesse de l’avoir guidée vers son compagnon.
Malgré son air intimidant, elle pouvait sentir à quel point il était doux.
Soudain, les bras puissants de Kyril s’enroulèrent autour de sa taille, ses lèvres se posèrent sur la base de son cou.
Lorsque sa barbe la chatouilla, elle laissa échapper un petit rire amusé, se tortillant en gloussant dans son emprise.
Kyril parsema son cou de baisers, mordillant sa peau, provoquant une sensation étrangère et chaude dans tout son corps.
La sensation de ses lèvres sur sa peau brouillait son esprit et exacerbait ses sens. Chaque endroit qu’il touchait était sur le point de s’enflammer.
Lilas émit un doux gémissement, ses crocs s’allongeant et perçant doucement ses lèvres.
Ses yeux se fermèrent et elle dévoila son cou.
Kyril la tira plus haut sur ses genoux. Lilas était en apesanteur dans sa poigne puissante.
Elle sentit sa main glisser jusqu’à son bas-ventre et gémit de plaisir quand il appuya doucement dessus.
Un grognement vibra dans poitrine et franchit ses lèvres. C’était le meilleur son qu’elle eut jamais entendu.
Ses mains parcoururent le long de ses biceps puissants alors que son grand corps l’engloutissait.
La possédait.
Gémissant, se tortillant dans son emprise, elle le repoussa avec légèreté.
La main qui était posée sur l’abdomen de Lilas commença à glisser plus bas, essayant de la toucher là où aucun homme ne l’avait touchée auparavant.
Ses yeux s’ouvrirent. Grands. Immédiatement, elle se leva de ses genoux, repoussant sa main.
« Ma compagne, n’aie pas peur, » dit Kyril, en se levant lentement.
Sa poitrine se souleva, ses yeux passèrent du noir au bleu, comme s’il perdait le contrôle.
Le compagnon de Lilas semblait et se sentait si dominateur, si brut. Elle pouvait sentir son immense pouvoir Lycan qui irradiait de lui par vagues.
« Attends… » gémit-elle en s’approchant de la balustrade du balcon.
Lilas savait que son intention était d’ordre sexuel.
Bien qu’elle sut ce qu’était le sexe, elle n’en connaissait pas beaucoup de détails. Elle en avait à peine discuté avec sa mère.
« Viens ici, » ordonna Kyril d’un ton guttural.
Dégoûtée, elle continua à battre en retraite. Son pied heurta la base de la balustrade. Il n’y avait plus moyen de s’échapper maintenant.
« Petite femelle, viens à moi, » grommela-t-il profondément, en s’approchant.
Lilas se demanda : Kyril commençait-il à montrer son côté sauvage ? Lui et son loup semblaient lutter l’un contre l’autre pour la domination.
C’est alors qu’elle entendit des pas s’approcher rapidement.
Se retournant, Lilas aperçut son frère, l’air affolé.
Au début, Ales sembla soulagé de l’avoir enfin trouvée. Mais quand il vit la silhouette dominatrice du Lycan se diriger vers elle, ses yeux s’agrandirent de panique.
« Que se passe-t-il ? » cria une autre voix.
Lilas se retourna pour voir son père, Legion, qui tournait au coin de la rue, allant se poster aux côtés d’Alès.
« Alpha Vasilio, » dit son père d’une voix calme. « Laisse ma fille passer. »
Kyril était tellement distrait par Legion qu’il ne remarqua pas qu’Alès se glissait vers elle le long de la terrasse. Doucement, Ales attrapa le coude de Lilas et commença à la tirer loin de la scène.
Mais Kyril se retourna et grogna quand il réalisa ce qu’ils faisaient. « Où pensez-vous l’emmener ? »
Legion plissa les yeux sur l’Alpha Lycan.
« Ma fille va… »
« Elle est ma compagne. Sa place est avec moi ! » grogna Kyril en montrant les dents.
Son frère et son père regardèrent Lilas avec incrédulité. Avec horreur. Avec dégoût. Mais pourquoi ? Lilas ne comprenait rien à tout cela.
Un public s’était formé, encombrant le couloir et débordant sur la terrasse.
Au début, tout le monde voulu connaître la source des cris, mais une fois que la rumeur se fut répandue que Kyril Vasilio était dehors, personne ne put résister à l’occasion d’apercevoir l’Alpha reclus.
« Qu’est-ce qui se passe ici ? » hurla le roi Agnus, en se frayant un chemin dans la foule.
Lilas se retourna et enfouit son visage dans la poitrine d’Ales, effrayée par ce qui allait se passer ensuite.
« Rien, Roi Angus, » répondit son père.
« Cela ne ressemble pas à rien, » répliqua Angus. « Tout le monde est sorti pour voir ce qui se passe. »
Il y avait trop de gens autour d’elle, trop de voix qui se disputaient, qui ricanaient. La peau de Lilas commença à rougir. Son cœur battait violemment contre sa poitrine.
« Ales… » chuchota-t-elle. « C’est mon compagnon. Pourquoi tout le monde… perd la tête ? »
« Tu ne connais pas son histoire, Lilas, » dit Ales, l’emmenant plus loin dans la foule. Ce qu’il a fait dans le passé.
« Dans le passé ? Qu’est-ce que tu veux dire ? »
Mais Ales n’eut pas le temps d’expliquer puisqu’un fort rugissement jaillit de la gorge de Kyril.
Ses yeux étaient fixés sur Lilas. Ils étaient noir de jais et fous.
« Il devient sauvage, » dit son père, se tournant vers Ales. « COURS ! »
Kyril se précipita vers les jumeaux.
Legion et le Roi Angus maîtrisèrent rapidement l’Alpha enragé, mais ce ne serait qu’une question de temps avant que Kyril ne prenne le dessus.
Il était trop fort pour de simples loups-garous, même pour une paire d’Alpha puissants comme Legion et Agnus.
Alès continua à pousser la foule, cette fois-ci avec moins d’inquiétude pour ceux qu’il bousculait.
Le cerveau de Lilas tournait. Pour l’instant, la seule chose qui comptait était de se mettre en sécurité.
La sortie était presque à portée de main lorsqu’un autre rugissement retentit dans le hall.
Cette fois, Lilas n’osa pas regarder en arrière.
« Tu ne vas pas vraiment la laisser partir avec lui, n’est-ce pas ? »
Lilas était allongée sur son lit, pleurant doucement, la tête sur les genoux de sa mère. Dehors, elle pouvait entendre Alès faire les cent pas dans le couloir, se disputant avec leur père.
« C’est la décision du roi, » répondit Legion avec un soupir de frustration. « Priver un loup de sa compagne serait déjouer les plans de Selene et aller à l’encontre des lois de notre espèce. »
Lilas leva les yeux vers sa mère, en pleurnichant. « Je ne veux pas partir. C’est ma maison. »
Même si elle voulait être avec sa compagne, Lilas n’était pas prête à dire adieu à la vie qu’elle l’avait toujours connue.
À dire adieu à sa chambre.
À ses livres.
À sa famille bien-aimée.
Aussi longtemps que Lilas avait vécu, elle n’avait jamais voulu de compagnon pour cette raison précise. Mais lorsque le Lycan et elles s’étaient rencontrés, on aurait dit que toute conception qu’elle avait de sa personne, ce qu’elle voulait, et comment elle comptait vivre sa vie avaient disparus.
Maintenant, tout ce qui comptait était d’être avec son compagnon. Même si elle combattait l’impulsion intérieure, elle ne pouvait nier sa puissance.
Elle avait besoin d’être avec Kyril maintenant. Plus que tout.
Mais tout se passait trop vite pour qu’elle puisse s’adapter. Elle repensa à ce qui s’était produit au rassemblement des Lycanthropes cette nuit-là.
Au début, Kyril avait été doux, aimant et gentil. Mais il avait aussi montré un éclair de rage, un monstre à l’intérieur. Il aurait arraché le bras de son père si la garde royale n’était pas intervenue à temps au rassemblement.
Quel genre de compagnon était-il vraiment ?
La porte s’ouvrit et le père et le frère de Lilas entrèrent. Sa mère s’installa sur le lit.
« Peut-être que le roi me laisserait l’accompagner, » suggéra Mila. « Selene n’aurait sûrement aucune objection à un tel arrangement. »
« C’est trop tard, » répondit Legion, triste. « Le roi a parlé. Il connaît Alpha Vasilio mieux que quiconque. Nous devons croire qu’il ne mettra pas notre petite fille en danger. »
« Je ne le laisserai pas la prendre, » dit Ales avec un air de défi. « Il devra me tuer d’abord. »
Un grand coup frappé à la porte d’entrée de leur maison les interrompit.
« Il est là, » dit son père en sortant de la chambre de Lilas.
« Je vais lui dire ce que je pense, » dit Ales en sortant en trombe.
« Ales, attends ! » cria sa mère en vain. « Je dois arrêter ton frère avant qu’il ne soit vraiment tué. Est-ce que tu seras bien ici toute seule ? »
« Oui, je pense, » répondit Lilas, dégrisant face à la réalité de sa situation.
Mila sortit de la pièce.
Un échange animé avait déjà lieu en bas lorsque la porte se referma en claquant, l’enfermant
Lilas regarda autour de sa chambre, dix-huit ans de souvenirs.
Elle avait peur de partir avec son compagnon, mais elle ne voulait pas que sa famille en subisse les conséquences si elle restait.
Elle se dirigea vers son étagère. Elle ne pouvait pas tous les emporter avec elle.
C’était ce qui ressemblait le plus à des amis pour elle, à part son frère, et l’idée de les laisser derrière elle lui faisait mal.
Vers qui se tournerait-elle ?
Lilas ouvrit sa porte et écouta la conversation au rez-de-chaussée.
« Tu ne peux pas partir demain ? » demanda son père.
« Mon loup est nerveux. J’ai besoin de ma compagne maintenant, » grogna Kyril.
« Elle a presque la moitié de ton âge, je ne veux pas que tu fasses quoi que ce soit qui puisse la blesser. »
« J’en ai assez de tes menaces, Alpha Legion. Écarte-toi. »
« Comment oses-tu venir ici et parler de ma sœur comme si elle t’appartenait ? » cria son frère. « Nous savons tous ce que tu as fait il y a des années ! Tout le monde sait ce que tu es vraiment ! Rien d’autre qu’un loup sauvage. »
Lilas entendit un vacarme, suivi d’un grand fracas et du cri de sa mère.
Des pas lourds martelaient l’escalier.
Lilas claqua sa porte et la verrouilla. Elle s’appuya contre la fine dalle de bois, la dernière barrière entre elle et le Lycan imposant qui s’approchait.
Les bruits de pas cessèrent.
Son cœur s’emballa en entendant sa respiration laborieuse.
Son odeur se glissa sous la porte, la captivant, faisant s’enflammer son cœur.
« Toc, toc, petite fleur. »