Une Union Dangereuse

OLIVIA

J'étais maintenant habituée à la solitude. Sans domicile depuis des mois, je ne trouvais ni travail ni moyen de payer quoi que ce soit.

Les villes, villages, emplois et gens avaient disparu. J'avais survécu. La guerre entre pays était finie, laissant les riches prospérer et les pauvres galérer.

Les banques alimentaires débordaient, les soupes populaires manquaient de nourriture, et la mendicité ne marchait plus.

Il ne me restait qu'une option - quelque chose qui aurait brisé le cœur de ma grand-mère si elle avait su que j'en étais réduite là.

Je me tenais là, guettant une voiture - avec un peu de chance celle d'un homme fortuné qui me paierait pour une nuit, ou même moins.

C'était un boulot sale et dégradant, mais je n'avais plus le choix. Je n'avais rien d'autre à vendre.

La rue était glaciale tandis que je m'appuyais contre la vitrine du sex-shop, l'un des rares commerces encore ouverts en ville. J'attendais.

Heureusement, Hazel, une fille que je connaissais, avait eu la gentillesse de me laisser prendre une douche pour avoir l'air plus présentable.

La brise légère faisait onduler mes cheveux auburn. Je sentais mes lèvres sèches, que je savais visibles sous le rouge à lèvres écarlate emprunté.

Je savais que l'éclat joyeux qui brillait autrefois dans mes yeux verts s'était éteint.

Ma robe bleu nuit brillante était un autre prêt de Hazel. Les fines bretelles ne me réchauffaient guère, pas plus que la jupe courte qui s'arrêtait haut sur mes cuisses.

Je regardais les voitures passer et les autres filles monter et descendre des véhicules. Je restais là, attendant mon tour. Même si je détestais ça, je n'avais pas le choix. Sinon, je n'aurais rien à me mettre sous la dent.

« Bonjour ? »

Je vis une voiture de sport luxueuse s'arrêter. Je m'avançai d'une démarche chaloupée vers le véhicule. La conductrice était une femme aux cheveux noirs et à la peau mate.

« Je facture le double pour les femmes », dis-je en m'approchant de cette dame visiblement aisée et de sa voiture rutilante.

« Comment t'appelles-tu ? » me demanda la femme.

« Vous êtes flic ? Parce que si c'est le cas, je m'appelle Jane Doe. » Je reculai légèrement, méfiante, et elle eut un petit rire.

« Oh, ma chérie, je ne suis pas flic. Je suis Lyra, Lyra Smyth, et j'ai une proposition pour toi. »

« Je vous écoute. » Je gardai mes distances, prête à détaler si besoin. Je pensais pouvoir facilement lui fausser compagnie en courant.

« Mon mari possède un endroit, un havre pour les personnes comme toi. Il veut prendre soin de ceux qui en ont besoin. Nous, les femmes, sommes choyées. Regarde la voiture que je conduis. » La femme désigna son bolide haut de gamme.

« Quel genre d'endroit ? » demandai-je. Je me méfiais de quiconque promettait monts et merveilles.

« Eh bien, c'est un lieu sûr, loin de la galère que tu vis actuellement. Les hommes bossent pour la boîte de mon mari, et nous, les femmes, on profite des avantages offerts par les hommes », expliqua-t-elle.

J'avais envie de croire que je pourrais vivre quelque part en sécurité, mais ça semblait trop beau pour être vrai - rien de tout cela ne paraissait réel.

« Qu'as-tu à perdre ? Tu peux rester ici à sucer un type pour trois francs six sous ou venir avec moi et être en sécurité, peut-être plus heureuse que tu ne l'as jamais rêvé. »

Je regardai autour de moi les rues où je traînais depuis des mois. Je pensai aux hommes qui m'avaient malmenée, blessée, juste pour gagner de quoi manger ou louer un taudis pour une nuit de sommeil à peu près correct.

Mais mon sommeil n'était jamais vraiment bon. J'avais toujours des cauchemars sur ce que j'avais dû faire pour gagner mon lit.

« Vous allez me tuer. J'en suis sûre. » Je fis le tour de la petite voiture et montai côté passager.

« Je ne vais pas te tuer. Je ne risquerais pas d'abîmer ma manucure en t'enterrant », dit Lyra en s'éloignant rapidement du coin sordide où j'avais vécu.

Nous restâmes silencieuses tandis que sa petite voiture filait dans les rues. C'était une bonne conductrice, et elle semblait adorer la vitesse que pouvait atteindre le bolide.

« Où allons-nous ? » demandai-je finalement.

« Dis-moi d'abord ton prénom, juste ton prénom. Ton nom de famille n'a plus d'importance une fois que tu commences à vivre avec nous », expliqua Lyra en gardant les yeux sur la route.

« Olivia, je m'appelle Olivia, mais la plupart des gens m'appellent Liv. » Je soupirai.

Elle me sourit brièvement avant de reporter son attention sur la route.

« Eh bien, Liv, nous allons à la maison de transition, où on va te retaper, te nourrir, puis on décidera où tu vivras dans notre Village. »

Tout cela semblait si étrange, mais l'idée de chaleur, de nourriture et peut-être de fringues neuves ne m'inquiétait pas. J'avais vraiment la dalle.

La maison de transition était un grand manoir au milieu de nulle part. Lyra remonta une immense allée, et toutes les lumières à l'intérieur étaient allumées.

« Vous vivez ici ? » demandai-je en regardant le vieux bâtiment.

Lyra rit doucement à côté de moi.

« Non, c'est là que bosse mon mari. Je vis dans une baraque dans notre Village », expliqua Lyra en coupant le moteur et en sortant. Je la suivis.

Lyra gravit d'un pas assuré les marches en pierre menant à l'imposante demeure. Elle tapa un code sur un clavier à côté d'une double porte.

C'était de la folie ; j'étais complètement dingue d'avoir suivi calmement cette inconnue. Mon cœur battait la chamade dans ma poitrine tandis que les portes s'ouvraient dans un bourdonnement et que Lyra me guidait dans le vaste hall d'entrée.

Le sol était entièrement en marbre, et des lustres élégants pendaient du haut plafond. Un grand escalier recouvert d'un tapis rouge dominait la pièce. Il me rappelait l'escalier du film Titanic.

Il y avait un tableau représentant un homme avec Lyra. En haut, l'escalier se séparait vers la gauche et la droite.

« C'est moi et mon mari, Noel, le jour de notre mariage. » Lyra sourit joyeusement tandis que nous nous arrêtions au milieu de l'escalier pour regarder le tableau.

J'observai Noel. Il était plus âgé que Lyra, qui elle-même était un peu plus âgée que moi, peut-être dans la trentaine. Noel avait des yeux bleu vif et des cheveux blancs, mais il était très séduisant.

« Lyra ! Ma chérie ! »

Je levai les yeux vers l'escalier de droite, où l'homme en costume venait d'apparaître.

« Noel, voici Olivia. Je l'ai dénichée ce soir. » Lyra me désigna tandis que Noel s'approchait avec un sourire et une poignée de main chaleureuse.

« Laisse-moi te regarder, Olivia. » Noel m'examina de haut en bas, semblant prendre une décision à mon sujet.

« Je pense qu'elle serait parfaite pour le Village. » Lyra sourit joyeusement en passant son bras autour de la taille de son mari. Il l'enlaça à son tour tandis qu'elle se blottissait contre lui.

Je restai immobile, attendant que Noel dise quelque chose alors qu'il continuait à m'observer.

« Que faisais-tu avant que Lyra ne te trouve ? » demanda Noel.

Je soupirai - je savais que je devais être honnête. Je devais l'émouvoir pour qu'il me donne peut-être à manger et un toit.

« Je baisais des hommes pour gagner ma vie, et je détestais chaque seconde », dis-je. Noel hocha la tête et baissa les yeux vers Lyra avant de me regarder à nouveau.

« J'imagine donc que tu avais une vie avant ça ? » me demanda-t-il.

J'acquiesçai.

« Bien sûr, je faisais des études de droit, mais avec ce qui s'est passé, tout est parti en vrille. Je ne pouvais plus obtenir de prêts, alors j'ai dû faire ce que je devais pour rester en vie et me nourrir. »

J'étais triste d'avoir raté ma chance, mais la vie avait foutu en l'air tant de choses, et j'avais simplement dû continuer comme tout le monde.

« Ta famille, où est-elle ? » demanda Noel.

« Mes parents sont morts, et ma sœur est... Je n'ai aucune idée d'où elle se trouve, et c'est tout ce que j'ai. »

Noel hocha la tête comme s'il comprenait. Le monde avait changé, et la guerre avait causé tant de pertes et de destruction.

« Lyra, emmène Olivia dans l'aile droite de la maison, donne-lui à manger et à boire. Je vais organiser son déménagement au Village. » Noel nous sourit, à Lyra et à moi.

J'étais aux anges, et Lyra aussi. Elle se dressa sur la pointe des pieds pour embrasser la joue de son mari avant de me prendre la main et de me guider vers l'escalier de droite.

« Je vais au Village ? » demandai-je. Lyra acquiesça en me conduisant vers une salle à manger où des plats froids étaient prêts à être consommés.

« Oui, tout sera organisé pour toi. Maintenant, mange. Je vais te chercher quelque chose de chaud à porter. » Lyra sortit par la porte située sur le côté gauche de la pièce.

La salle à manger était aussi luxueuse que le reste de la maison. Les grandes fenêtres étaient ornées de rideaux rouge foncé. Une imposante cheminée réchauffait la pièce avec son grand feu.

Je m'assis à la longue table et mangeai la nourriture qui s'y trouvait.

Je savais que cela pouvait être un piège, une ruse - mais dans mon esprit, c'était mieux que les rues où j'avais vécu.