Capture mon cœur

« Quel emmerdeur, celui-là ! Si nos parents n'étaient pas si potes, je les pousserais à déménager en Angleterre. »

J'ai lâché ça au téléphone à ma meilleure amie Jess tout en me vernissant les orteils en bleu.

« Désolée, Mel, mais je doute que l'Angleterre en veuille. Ils renverraient sûrement Adrian avant même qu'il ne pose le pied sur le tarmac. »

J'ai pouffé de rire en imaginant la scène que Jess venait de décrire.

J'aurais adoré voir ça, mais ça n'aurait pas été aussi satisfaisant que la vengeance que je mijotais pour toutes les crasses qu'il m'avait faites au fil des ans.

C'était compliqué vu qu'on partageait le jardin, et même l'aire de jeux que mon père m'avait construite quand j'avais à peine cinq ans.

Je m'y étais bien amusée, jusqu'à ce que mes parents me disent de la partager avec le nouveau voisin qui avait emménagé il y a dix ans.

Au début, j'étais contente d'avoir un copain de jeu, jusqu'à ce que je le rencontre et que je découvre qu'il avait trois ans de plus que moi.

Je me souviens encore de son sourire quand nos parents nous ont présentés ce jour-là. Je me cachais derrière ma mère, trop timide pour dire bonjour.

Au début, il était calme, mais dès que nos parents avaient le dos tourné, il me tirait les cheveux et me poussait jusqu'à ce que je m'enfuie, puis il me coursait dans le jardin.

Nos parents pensaient qu'on jouait, mais je savais bien qu'il était juste embêtant. Au fil des ans, il me cherchait des noises et je me réfugiais à la maison pour échapper à ses blagues.

Il a gagné la bataille de la balançoire quand j'ai arrêté de l'utiliser après avoir trouvé un faux serpent sous mes pieds.

« Alors... tu vas me dire ce qu'il a fait cette fois, ou je dois deviner que c'était un truc du genre coup des chaussures ? » demanda Jessica, me ramenant à la réalité.

« Non, c'était pas ça. Je suis encore remontée à cause de ça, alors merci de me le rappeler, Jess. Ça me le fait détester encore plus. »

J'ai fait une pause pour fermer le vernis et le ranger avant de répondre. « Il a décidé de s'incruster à ma fête de remise des diplômes.

« Je veux dire, il se croit tout permis ou quoi ? Et mes parents, ils l'adorent en plus. C'est tellement énervant ! » Jess a fait un bruit agacé.

« Alors pourquoi tu lui dis pas simplement de dégager, dis que c'est annulé ou un truc du genre ? » m'a-t-elle demandé. J'ai soupiré, si seulement c'était si simple.

« Ça servirait à rien vu qu'on habite juste à côté et que la fête est chez moi. Et puis, je veux pas contrarier mes parents avant le grand voyage.

« J'ai vraiment hâte de partir un mois. J'aimerais tellement que tu puisses venir aussi. Rappelle-moi pourquoi t'as dû promettre à ton patron que tu bosserais ces semaines-là ? »

« Parce qu'ils ont besoin de moi. Et puis, Amber m'a promis un bonus si je restais bosser pour elle.

« Tu sais bien qu'on est débordés en début de mois, surtout l'été, » me rappela Jess.

« Mais t'en fais pas. Je t'enverrai des mails sur ce qui se passe ici et je te dirai si Adrian fait des siennes chez toi pendant ton absence. »

J'ai encore soupiré. Les mails, ça ne servirait pas à grand-chose. Le chalet n'avait même pas de réseau, alors internet...

« Bonne chance pour essayer de me joindre. Je serai complètement coupée du monde dans les bois du nord, mais t'inquiète.

« Je me la coulerai douce au bord d'un beau lac bleu pendant que tu fondras sous le cagnard de l'été. » Jess a grogné à ma taquinerie et j'ai ri.

Ça faisait du bien d'être celle qui charriait pour une fois, surtout que Jess était si facile à taquiner parfois.

« Mais sérieusement, Mel, ça fait quoi ? Trois ans que tu l'as pas vu ? Ou au moins que t'as pas eu à supporter ses vannes à longueur de journée ?

« Tu dois admettre que trois ans peuvent changer quelqu'un, surtout physiquement. Je me demande s'il est devenu plus baraqué. Tu l'as vu de près ou pas ? »

J'essayais de ne pas me remémorer chaque détail de ma rencontre avec Adrian depuis qu'il était parti à la fac.

J'étais dehors en train de planifier les décos extérieures quand il est sorti par la porte de derrière et s'est dirigé vers moi.

J'ai pas pu m'empêcher de remarquer que ses cheveux noirs avaient poussé suffisamment pour couvrir en partie ses yeux.

Tu sais ce visage de beau gosse sous les cheveux longs et en bataille que la plupart des stars ont quand elles jouent le rôle du bad boy ? Ouais... ça fait quelque chose à une fille.

Sans parler des muscles qu'on devinait même à travers sa chemise, au moins assez pour dire qu'il avait des abdos bien dessinés en dessous.

Mais le moment a été gâché quand il a ouvert la bouche à propos de ma fête de remise des diplômes et que ma mère est sortie à ce moment-là et l'a entendu poser des questions à ce sujet.

« MEL ! T'es là ? Tu peux faire gaffe deux secondes pour que je puisse te parler avant que je doive aller bosser ? » L'insistance de Jess m'a aidée à me reconcentrer.

« Désolée. Je sais pas quoi te dire. On peut dire qu'il a changé physiquement, mais on s'en fiche, non ? C'est toujours le même Adrian casse-pieds. »

J'étais pas aussi sûre que je voulais le paraître. Heureusement, Jess n'a pas remarqué de doute dans ma voix pour remettre en question ce que j'ai dit.

Comme je le pensais, elle était occupée à se coiffer et à finir son maquillage avant de devoir partir bosser.

Même si elle avait un an de plus que moi, on était aussi proches que des sœurs jumelles.

« Promets-moi juste que tu viendras quand même à ma fête, s'il te plaît ! Je peux pas faire ça sans toi, surtout s'il doit être là. »

Jess a fait un bruit et j'ai compris qu'elle avait sa brosse dans la bouche, alors j'ai attendu.

« Bien sûr, Melody, ma chérie ! Je raterais ça pour rien au monde ! » a-t-elle dit une fois la brosse sortie de sa bouche.

« Et t'inquiète ! Même si Adrian essaie de te serrer la main pour te féliciter, je surveillerai tous ses faits et gestes. Personne va gâcher ton grand jour. Ils devront me passer sur le corps d'abord ! »

J'ai souri. Je pouvais toujours compter sur Jess pour plus que des moments de rigolade.

Pour la première fois depuis que j'avais vu la Jeep d'Adrian se garer dans l'allée ce matin et que j'avais su qu'il était rentré pour l'été, je me sentais mieux.

Maintenant, tout ce que j'avais à faire était de passer la remise des diplômes et le reste irait bien. Avec un peu de chance, j'aurais pas à m'occuper d'Adrian du tout pendant longtemps.

La remise des diplômes, les vacances d'été, et puis direction la fac. Les choses ne pourraient pas être meilleures.