La vie n'avait aucun sens si je ne pouvais pas prendre de risques.
C'est sans doute pour ça que j'ai appelé le seul homme dont j'aurais dû me tenir à l'écart.
Petite, ma mère me gardait près d'elle quand on allait dans notre grande maison de campagne.
C'était un immense bâtiment avec des parties hautes, qui surplombait des forêts de pins à perte de vue.
Plus tard, je lui ai demandé pourquoi elle ne m'avait jamais laissée aller seule dans ces bois. Ma mère savait que j'étais une vraie sauvageonne.
De toute la famille, c'était elle qui m'encourageait le plus à rester moi-même.
Ça me faisait donc mal de ne pas pouvoir explorer les forêts, cueillir des baies ou passer l'après-midi perchée dans un arbre.
C'est là qu'elle m'a parlé des hommes qui rôdent en ville, tout sourire mais avec de mauvaises intentions.
Darius était l'un de ces hommes-là.
Je savais que je devais me méfier de quelqu'un qui accordait trop d'importance à son apparence et qui jetait l'argent par les fenêtres. Il n'avait pas grand-chose à perdre.
Moi non plus, si tout ce qui comptait était les voitures rapides et les femmes. Mais parfois, c'était marrant de traîner avec un type comme lui.
Il savait s'amuser. Et il pouvait me laisser conduire des voitures de course.
J'ai commencé à aimer les voitures à la fac, quand je dépensais la plupart de l'argent que je gagnais en donnant des cours à mi-temps sur le circuit.
Il y avait un truc excitant - l'adrénaline, les bolides, le bruit des moteurs qui s'accordait aux battements de mon cœur.
Je n'avais jamais eu l'occasion de conduire avant Darius. Alors ce matin, quand il m'a appelée pour aller au Glen - notre circuit, j'ai su que j'avais de la chance.
Il se tenait maintenant devant moi, tout brillant, les cheveux dégoulinants de gel, sûrement là pour le faire se sentir plus viril.
« Darius, c'est vraiment sympa de m'avoir invitée ! J'ai tellement envie d'essayer une de ces voitures depuis le temps ! »
Ça aidait qu'il contrôle la plupart des circuits du coin, et que les gens qui géraient le Glen faisaient tout ce qu'il disait.
Mais ce qui me donnait vraiment envie de venir, c'était sa Lamborghini Sian verte.
Je n'avais jamais rien vu d'aussi beau, à part Teddy - mais on ne peut pas comparer la beauté artificielle à la beauté naturelle.
La Sian s'en rapprochait pourtant. Je ne trouvais qu'un mot pour la décrire - élégante.
« Elle est pas magnifique ? » Darius avait l'air d'un père fier. Comme ce serait probablement son seul enfant, je dirais qu'il était simplement honnête.
« C'est la meilleure. Elle a un moteur V12 et la dernière technologie, toutes les pièces spéciales. »
« Sian », dis-je doucement. « Tu sais ce que ça veut dire ? »
« Hein ? »
« Je... ça vient du bolognais, un dialecte italien. » Je passai mon doigt sur le toit brillant. « Ça signifie éclair. »
« Putain ouais ! Tu savais que ce bijou peut dépasser les 350 km/h ? »
Ce n'était pas la première fois que je souhaitais qu'il s'en aille pour que je puisse passer du temps seule avec cette voiture incroyable. Mais avant de pouvoir prendre le volant, j'avais besoin d'une leçon.
« Darius. » Je le regardai de mes yeux bleus, souriant avec douceur. « Je me demandais, tu pourrais me montrer comment conduire cette voiture de ouf ? »
Je battis des cils, essayant de flirter autant que possible. Effleurant son épaule, je me penchai en avant.
« J'imagine pas apprendre avec quelqu'un d'autre que le meilleur ! »
« Ha ! T'es entre de bonnes mains, ma belle. » Il rit et ouvrit la portière, et avant qu'il ne puisse ajouter quoi que ce soit, je m'installai dans le luxueux siège conducteur.
Il était confortable et me donnait envie de foncer. Darius s'assit à côté de moi, l'air inquiet. « Ma belle, tu crois pas que tu devrais te détendre pendant que je... »
J'en avais marre. Je mis le contact.
Le moteur rugit, puis la voiture s'élança sur le circuit vide. Son bruit caractéristique couvrait celui de toutes les autres voitures autour.
« Oh mon Dieu, Amelia, ralentis », cria Darius comme un homme effrayé, mais je m'en fichais. Je contrôlais une voiture rare, folle et excitante, la première d'une nouvelle génération de machines puissantes, faite pour dominer.
C'était ma piste, et la Sian était ma voiture spéciale.
Il fallait respecter une voiture comme celle-ci.
Darius était silencieux à la fin du tour. Il avait l'air de quelqu'un qu'on aurait giflé et à qui on aurait dit qu'il devrait manger des épinards pour le dîner. « Je savais pas que tu savais conduire. »
Il semblait contrarié.
« Oh. » Je fis un geste désinvolte. « Juste un truc que j'ai appris avant de partir étudier à l'étranger. On peut recommencer ? »
Il détacha sa ceinture et sortit de la Sian, l'air incertain. Je sortis aussi mais fus immédiatement entourée par des gens prenant des photos à toute vitesse.
Eh bien, ça ferait la une demain. Mon frère ne serait pas content.
J'avais d'autres choses en tête.
« Darius ? »
« Et si je t'emmenais dîner ce soir ? »
Dîner avec Darius était la dernière chose que je voulais faire. Il essaierait de se rapprocher, deviendrait collant quand je dirais non, et ferait une scène.
Sans la voiture, j'aurais refusé direct.
« Je te dirai ça plus tard ? Je crois que je suis libre, mais je veux juste vérifier. » Je souris avec douceur.
« T'es sûre que tu te sers pas de moi pour ma voiture ? » Il fronça les sourcils comme un enfant essayant de comprendre quelque chose de difficile.
Bien sûr que si, espèce d'idiot.
« Oh mon Dieu, pourquoi tu penserais ça ? » Je levai les yeux au ciel et le serrai dans mes bras. Il me rendit immédiatement l'étreinte, m'enveloppant de ses gros bras.
Il sentait trop le parfum et la sueur. Je détestais ça. Je le repoussai après une seconde, sachant que les photographes mitraillaient.
« J'adorerais vraiment passer du temps avec toi, d'accord ? Ça n'a rien à voir avec la voiture. »
« Super. » Il sourit largement. « Je peux te raccompagner ? »
Du coin de l'œil, je vis une silhouette mince et contrariée me faire signe. J'avais dit à Veronica que je la retrouverais pour déjeuner.
Elle ne ratait jamais un rendez-vous. Et elle avait l'air prête à me passer un savon si elle le pouvait.
« Non, non. » Je fis un geste de la main vers lui. « Ma belle-sœur est là, alors je dois y aller. Mais à plus ! »
Veronica ne me salua pas. « Qu'est-ce que tu faisais ? Tu viens de conduire la Lamborghini ? »
« Et alors ? » Je devins défensive. « J'ai pas le droit d'avoir mes propres intérêts ou de faire quoi que ce soit en dehors du boulot ? »
Elle fit un bruit impatient. « Amelia, tu peux faire ce que tu veux, tant que c'est pas imprudent ou dangereux. Et j'arrive pas à croire que tu traînes avec ce Darius. C'est l'un des types les plus louches de la ville ! »
« Depuis quand elle a déjà écouté quoi que ce soit qu'on lui ait dit, Ver ? »
Ace. Alors, il était là aussi.
Je lançai un regard noir à Veronica. « Tu aurais pu me dire qu'il venait. »
Le visage de Veronica rougit. « Je suis désolée. C'était de dernière minute. Écoute, je pense qu'il y a tellement plus... »
Ses mots furent interrompus par le grognement d'Ace. « Jusqu'où tu iras avant de t'attirer de gros ennuis, Amelia ? Comment tu peux être si gamine ? »
Je serrai les poings, essayant de garder une voix calme. « De quoi tu parles ? J'ai juste conduit une putain de voiture, c'est tout. »
« Tu as juste conduit une putain de voiture ? » Il leva les yeux au ciel, articulant les mots si fort qu'il semblait sur le point de trembler.
« Non, mademoiselle, ce que t'as fait, c'est essayer de conduire une voiture trop puissante pour toi, et la traiter avec autant d'insouciance que tout le reste ! Quand est-ce que tu apprendras... »
« Ace. » Je posai mes mains sur mon front, essayant d'empêcher un mal de crâne de venir. « On peut pas faire ça maintenant ? Y a des journalistes partout. »
« Tu ferais pas ça si père était là, tu sais ? Tu pourrais jamais te comporter aussi mal... »
« Ça suffit, Ace. »
Je me tournai vers Veronica, surprise. Je m'attendais pas à ce qu'elle prenne ma défense. Surtout contre Ace. Il semblait confus aussi.
« Oui, mais tu... »
« Si Amelia aime les courses automobiles, laisse-la faire. Je comprends pourquoi tu t'inquiètes, mais y a de meilleures façons d'en parler. Pour l'instant, j'aimerais aller manger un morceau. »
Je marchais avec colère derrière Ace et Veronica. Dans ma tête, je me rappelais une photo que ma mère m'avait montrée à la maison de campagne.
C'était mon père, en costume élégant, l'air de posséder le circuit, comme si la course faisait partie de lui.
Je connaissais pas grand-chose de cette histoire, mais je comptais lui demander à son retour. Je savais que je lui ressemblais.
La course était pas juste un truc que je faisais parce que je pouvais ou par insouciance.
Ça me permettait de réfléchir profondément. Ça me faisait du bien.
« On pourrait se lasser de te donner des chances, Amelia », chuchota Veronica en marchant à côté de moi.
« Tant mieux, j'en ai marre que vous me les offriez. »
