Une seule nuit

« Rosalee, tu dois être folle de déménager en Floride si loin de ta famille. Une jeune femme comme toi, qui ne connaît pas grand-chose, va s'attirer beaucoup d'ennuis. Je suis sûr que tu voudras revenir quand tu auras des problèmes. Si tu pars, tu ne pourras pas revenir ici. »

Le cœur de Rosalee se serra en entendant les paroles de son père. Depuis la mort de sa mère il y a dix ans, ils avaient été très proches. Mais elle connaissait bien son père. Quand il disait quelque chose, c'était gravé dans le marbre. Elle tenta de lui expliquer qu'elle n'avait rien ici, qu'elle n'était pas heureuse et qu'elle voulait voir du pays. Il y avait une autre raison pour laquelle elle voulait partir, mais elle ne l'avouerait jamais à personne. Même si elle aimait son père, elle devait s'en aller.

« Papa, tu ne peux pas vraiment penser ça. »

Il la foudroya du regard. « Ma petite, si tu pars, tu n'existeras plus pour moi. »

Les yeux de Rosalee se remplirent de larmes. « Je suis désolée, mais je m'en vais. »

« C'est à cause de cette fille que tu as rencontrée l'été dernier quand elle a rendu visite à ses parents. Elle t'a mis toutes ces mauvaises idées en tête. Souviens-toi, ma petite, tu regretteras d'être partie. »

Elle regarda son père s'éloigner vers la grange. L'été dernier, quand Eve, la fille de Pierce, était revenue à Fort Worth pour une visite, elles s'étaient liées d'amitié. Eve était mannequin à Orlando, en Floride, et lui avait vanté les mérites de la ville. Elle avait proposé à Rosalee de venir habiter chez elle et de trouver du travail là-bas. Elles avaient gardé contact au fil des mois. Puis, quand elle avait entendu parler d'un poste chez Thatcher's Real Estate Agency, elle avait sauté sur l'occasion. Une semaine après sa candidature et plusieurs coups de fil, elle avait décroché le job. Elle était aux anges d'avoir un toit et un travail, mais sa joie s'était envolée face à la colère de son père.

Le matin de son départ, elle avait chargé ses affaires dans sa petite Honda, achetée grâce à son travail chez Kent's real estate. Elle y avait travaillé après le lycée tout en suivant des cours en ligne le soir pour obtenir son diplôme en commerce. Son patron lui avait beaucoup appris sur le métier. Il était triste de la voir partir mais lui avait donné une excellente référence et une lettre qui l'avait aidée à obtenir le poste à Orlando. Elle retourna dans la maison et trouva son père assis à la table de la cuisine, buvant son café et lisant le journal.

« Je pars, Papa. »

« Alors va-t'en », dit-il sans lever les yeux.

« Je t'aime, Papa. Au revoir. » N'obtenant qu'un grognement, elle essuya une larme et sortit. Jetant un dernier regard à la maison où elle avait grandi, elle démarra pour son trajet de dix-huit heures vers sa nouvelle vie. Elle avait hâte d'y être. Ce serait un nouveau départ dans un bel immeuble et un emploi mieux payé qu'elle n'aurait jamais imaginé. Elle allait être l'assistante personnelle d'Ace Thatcher.

Quand elle avait reçu l'enveloppe détaillant ses tâches et les attentes, elle avait été ravie d'apprendre qu'elle ferait parfois des voyages d'affaires à l'étranger avec lui. Bien sûr, elle aurait sa propre chambre et ne serait avec lui que pendant les réunions. Le reste du temps, elle serait libre comme l'air.

Elle ne pouvait nier une certaine appréhension à l'idée de quitter sa ville natale et ses amis, mais la plupart avaient suivi leur propre chemin. Ils avaient soit déménagé, soit fondé une famille, et ils s'étaient tous éloignés. Mais ce qui lui faisait vraiment mal au cœur, c'était l'attitude de son père, disant qu'elle n'existait plus pour lui. Consciente du long trajet jusqu'à Orlando et ne voulant pas s'endormir au volant, elle décida de faire étape dans un motel après sept heures de route. Ayant travaillé à temps plein depuis le lycée sans payer de loyer à son père, elle avait pu s'offrir cette voiture et mettre de l'argent de côté. C'était largement suffisant pour payer à Eve quelques mois de loyer d'avance et s'acheter de beaux vêtements pour son nouveau travail.

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Eve s'affairait à préparer la chambre d'amis pour sa nouvelle colocataire. Elle avait cinq ans de plus que Rosalee et ne lui avait jamais prêté attention auparavant, jusqu'à ce qu'elle retourne voir sa famille. Là, elles s'étaient rencontrées et étaient simplement devenues de grandes amies pendant l'été. Eve aimait faire la fête, et en tant que mannequin de lingerie, elle attirait toujours l'attention des hommes. Mais depuis six mois, elle sortait avec Rory Gilbert, un photographe de mode. Même s'ils ne vivaient pas ensemble, il passait souvent la nuit chez elle, et elle espérait que Rosalee n'y verrait pas d'inconvénient.

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Ace Thatcher, un homme divorcé de trente et un ans, avait repris l'entreprise immobilière de son père à sa mort. Sa mère étant décédée en lui donnant naissance, il ne l'avait jamais connue. Il travaillait d'arrache-pied, ce qui avait en partie poussé sa femme à le quitter et divorcer. La triste vérité, c'est qu'il s'en moquait et avait réalisé qu'il n'avait jamais vraiment aimé Clarice et n'aurait pas dû l'épouser. Ce qui le chagrinait vraiment, c'était la grosse somme qu'il avait dû lui verser, et il s'était juré de ne plus jamais tomber amoureux ou se marier. Il n'était pas du genre à multiplier les conquêtes, mais il appréciait parfois la compagnie féminine. Il avait du mal à garder une assistante personnelle, peut-être parce qu'il était trop exigeant et souvent brusque avec elles. Il voulait que tout soit parfait et s'attendait à ce que l'assistante obéisse sans discuter. Il avait tout ce qu'un homme pouvait désirer : un physique avantageux, une belle maison et de l'argent. Mais il n'avait pas l'amour dans sa vie et n'en voulait pas, ou était-ce simplement ce qu'il essayait de se faire croire ?