L'air frais de la nuit me caressa le visage, et je me sentis soulagée. C'était comme si tous mes soucis s'envolaient, me laissant plus légère et apaisée.
Je m'adossai à la grande bâtisse, essayant de mettre de l'ordre dans mes idées. J'avais l'impression qu'il me connaissait. Ce ne pouvait pas être un simple hasard, n'est-ce pas ?
Il parlait de mon père comme s'il se souciait vraiment de ce qui lui était arrivé.
Ou peut-être ne me reconnaissait-il pas ? Dix ans s'étaient écoulés depuis notre dernière rencontre, et nous n'étions pas proches à l'époque. Était-ce vraiment le fruit du hasard ?
Plus j'y réfléchissais, plus je m'énervais. Je sentais mon loup s'agiter en moi, prêt à bondir.
Je courus vers l'endroit où ma mère avait garé sa voiture, ôtant rapidement mes chaussures et ma robe. J'eus à peine le temps de les enlever avant que la transformation ne commence.
Mes os craquèrent et se déplacèrent tandis que je passais de la forme humaine à la forme de loup. Je savais que ma mère serait furieuse si j'abîmais cette jolie robe.
Bientôt, je me retrouvai à quatre pattes, mon loup aux commandes. Étrangement, il s'arrêta, comme s'il ne voulait pas partir. Je lui ordonnai : « Allez, file ! »
Puis l'instinct prit le dessus, et je m'élançai aussi loin que possible du Quartier Général des Alphas. Je courus jusqu'à me sentir assez calme pour reprendre le contrôle.
Je ne faisais pas attention où j'allais, j'étais juste soulagée d'être loin de là-bas.
Quand je regardai enfin autour de moi, je vis que mon loup m'avait conduite à mon endroit préféré sur tout le territoire de la meute : la rivière.
Peut-être était-ce sa façon de s'excuser pour son hésitation plus tôt, ou peut-être savait-il que c'est là que j'aurais voulu aller de toute façon.
Quoi qu'il en soit, c'était réconfortant de savoir que mon loup se souciait assez de moi pour m'amener dans un lieu où je pouvais trouver la paix.
Je repris forme humaine et m'assis au bord de la rivière, nue et seule, mais sentant que mes problèmes étaient loin, du moins pour l'instant.
Mon père m'emmenait souvent ici, et nous passions des heures à pêcher. Certains de mes meilleurs souvenirs dataient de ces moments-là.
Un souvenir en particulier me revint. J'avais six ans, et nous passions une journée formidable. Je venais de lancer ma ligne quand j'ai attrapé un gros poisson.
Tout s'est passé si vite, et le poisson était si fort que j'ai lâché ma canne à pêche dans l'eau. Mon père a plongé pour la récupérer.
Quand il est remonté, il tenait le poisson d'une main et ma canne de l'autre. Nous avons éclaté de rire, et j'ai trouvé tellement génial qu'il ait attrapé mon poisson à mains nues.
Les larmes coulaient sur mon visage en me remémorant ce jour-là, et cette fois, je ne cherchais pas à les retenir. J'étais seule, et peu importait si je paraissais faible.
Mon père me manquait terriblement, et je tenais la famille de Clay pour responsable de son absence.
Clay.
Rien que de penser à son nom me mettait en rogne à nouveau. Je ne voulais pas penser à lui. Je voulais être ici, dans ce moment, à me souvenir de mon père.
Mais je n'arrivais pas à le chasser de mes pensées.
Je ne l'avais pas vu depuis si longtemps, et la dernière fois que je l'avais vu, il ne semblait pas être un ennemi ou une menace.
Mais en voyant sa photo ce soir, bien plus récente que la dernière fois que je l'avais vu, je ne pouvais ignorer à quel point il avait l'air plus fort et plus féroce. Nous avions tous les deux changé.
Sans m'en rendre compte, je commençai à énumérer les choses que nous avions en commun. Nos pères avaient tous deux été alphas de nos meutes. Ils avaient tous deux été tués ces dix dernières années, ce qui n'était pas bon pour Clay. Et dans une autre vie, nous aurions pu être amis, ou du moins alliés, si ce n'était pour le problème que son père avait créé.
J'étais surprise par mes propres pensées. Il n'y avait aucun intérêt à imaginer ce qui aurait pu être, car ce n'était pas la réalité.
Son père avait fait son choix, et cela avait déclenché une série d'événements qui se poursuivait encore.
Je détestais penser qu'une mauvaise décision prise par un homme il y a 10 ans avait tant bouleversé ma vie et continuait de le faire.
Cela me faisait me sentir faible et un peu folle. J'en voulais à un homme mort et je le faisais payer à son fils vivant.
Je passai toute la nuit près de la rivière. Je savais que ma mère ne serait pas contente, mais elle devrait comprendre. Je ne pouvais pas être là-bas en ce moment. C'était trop douloureux.
L'idée d'y retourner me rendait malade et triste. Le Quartier Général des Alphas était autrefois ma maison.
Mon père avait veillé à ce que ma mère et moi y soyons confortablement installées, vivant avec les autres membres importants de la meute.
C'était autrefois l'endroit où je jouais, mais maintenant il ressemblait à un territoire ennemi, et j'étais l'étrangère.
Après quelques heures, je repris ma forme de loup et passai le reste de la nuit ainsi, trouvant un coin de terre moelleux pour dormir sous les étoiles, bercée par le bruit de la rivière.
En tant que lycanthrope, je savais toujours que mon loup était là, mais cette nuit-là, j'avais besoin du réconfort et de la sécurité supplémentaires qu'il m'apportait.
