Sauvage : Le Final

SAGE

J’ai souri devant mon téléphone, puis j’ai regardé par la fenêtre et j’ai aperçu un visage rayonnant et familier.

J’ai glissé mon téléphone dans mon sac à main et je me suis agitée par la fenêtre de la voiture alors que Kingsley s’approchait.

Avant qu’il ne puisse atteindre la porte, j’ai sauté de mon siège pour me précipiter hors de la voiture.

« Oh, mon Dieu, tu as tellement grandi depuis la dernière fois que je t’ai vu ! » me suis-je exclamée en le serrant dans mes bras.

« Ça ne fait pas si longtemps que ça, Sage », a dit Kingsley en riant.

« J’ai l’impression que ça fait une éternité », ai-je soupiré en prenant son sac et en le glissant sur la banquette arrière.

« On y va ? » J’ai fait un geste en direction de la voiture. « Nous devons rejoindre Rosa. »

Kingsley regardait le parking de l’aéroport et sa quantité indécente de voitures qui entraient et sortaient.

Il avait les yeux écarquillés devant ce paysage nouveau.

« Allons-y », a dit Kingsley en sautant dans la voiture.

Le visage de Kingsley s’est illuminé de joie devant les curiosités qui jalonnaient la route. Les gratte-ciel et les vieux immeubles le faisaient pointer du doigt et haleter alors qu’il admirait l’architecture.

« C’est assez différent de chez toi, hein ? » ai-je demandé en souriant.

« On peut dire ça », a-t-il gloussé alors que nous nous garions sur un parking.

Rosa s’était adoucie envers moi de façon presque surprenante depuis que j’avais cessé de travailler pour elle.

Elle ne me voyait plus comme un petit oiseau innocent et naïf dans ce monde réel. Au contraire, elle me considérait comme une force sur laquelle elle pouvait compter, elle me traitait comme son égale.

Rosa reconnaissait que j’avais l’œil pour dénicher les talents et qu’il y avait un don artistique dans ma famille. Elle s’intéressait donc de près à Kingsley.

Rosa n’était plus ma supérieure, c’était une collègue et peut-être même une amie.

C’était elle qui avait insisté pour que Kingsley vienne me rendre visite. Elle avait décidé de nous offrir un somptueux déjeuner dans le bistrot le plus huppé de la ville.

Les yeux de Kingsley ont failli sortir de sa tête lorsque nous sommes entrés dans le bâtiment.

Des lustres en cristal au papier peint cossu en passant par les couverts en or, Kingsley n’avait jamais rien vu de tel.

Il s’agitait sur son siège, en regardant curieusement les différentes fourchettes, verres et assiettes disposés sur la table.

« Alors, Kingsley », a déclaré Rosa en buvant une gorgée de son verre de vin. « Que penses-tu des États-Unis jusqu’à présent ? »

« C’est incroyable, mais différent », a-t-il déclaré en souriant.

« Hum… On pourrait dire la même chose de tes sculptures. »

Kingsley ne pouvait pas cacher son malaise. Il a cligné des yeux, puis il a rougi en grommelant des mots de gratitude. « Tu es trop gentille, Rosa. »

Ses paroles m’ont fait sourire, jamais je n’aurais imaginé que quelqu’un puisse qualifier Rosa de gentille auparavant.

La carapace de Rosa se fissurait, la glace de son cœur fondait, et je voyais bien qu’elle voulait l’aider.

« C’est absurde, je ne me moque pas, je ne fais que constater un fait. » Elle piocha distraitement dans sa salade, ses yeux plongés dans ceux de Kingsley.

« J’aimerais te présenter dans un prochain numéro d’Abstract. » Rosa posa sa fourchette à côté de son assiette et croisa les bras.

Kingsley s’étouffa avec son sandwich et attrapa son verre d’eau. Il l’a bu en entier, puis il s’est essuyé la bouche avec sa serviette avant de prendre la parole.

« Je ne sais pas quoi dire », a-t-il balbutié.

« Dis-moi que tu vas le faire », a dit Rosa en souriant.

« Fais-le ! » Je lui ai attrapé le bras et il a souri.

« D’accord, faisons-le. » Il a ri en prenant son verre dans sa main.

Rosa a levé son verre à son tour, et nous avons fait tinter nos verres avant de terminer notre déjeuner par une conversation polie.

***

Après le déjeuner, j’ai emmené Kingsley faire le tour de la ville. Nous avons visité des galeries d’art et des boutiques dans toute la ville.

Kingsley s’émerveillait devant les artistes de rue qui peignaient des toiles à la bombe de façon unique et passionnée.

Les artistes ambulants faisaient tinter des pots de pièces de monnaie devant des étrangers tout en chantant des ballades délicieuses.

« On se croirait sur une autre planète », a dit Kingsley en riant, avant de déposer quelques billets de dollars dans le pot du musicien.

« Merci, mon frère », s’est exclamé l’homme en continuant sa chanson.

Finalement, nous avons trouvé une exposition l’après-midi dans un studio d’art du côté sud qui affichait les œuvres d’un photographe local. Kingsley avait les yeux écarquillés en fixant le mur.

« Elles sont fantastiques », s’est-il émerveillé en regardant les photos en noir et blanc.

Le thème central était les structures abandonnées et les bâtiments délabrés. J’ai acquiescé.

« Elles sont d’une beauté obsédante », ai-je murmuré en désignant la maison délabrée. « Oh, j’adore celle-ci. »

« Bien vu », a murmuré Kingsley. « Regarde l’éclairage, c’est merveilleux. »

« Tu sais, ça pourrait être toi un jour », ai-je dit en faisant un grand geste. « Tu pourrais avoir un studio comme celui-ci, tes sculptures pourraient être exposées pendant que des gens les admirent. »

Kingsley a haussé les épaules. « J’ai encore du mal à y croire. »

« Même après le déjeuner avec Rosa ? » J’ai froncé les sourcils.

« Je suppose que c’est tellement nouveau, je n’ai pas l’habitude de partager mon art, et encore moins que des gens l’apprécient. » Il a regardé sa montre.

« Je comprends ce que tu veux dire. » Je lui ai tapoté le dos. « Mais ton talent est fait pour être vu par le monde entier. »

« On rentre à la maison ? J’aimerais faire une sieste avant le dîner, si ça te convient ? » Kingsley a bâillé.

« Bien sûr », ai-je déclaré, et nous avons roulé jusqu’au penthouse.

J’ai déverrouillé la porte d’entrée et je l’ai ouverte. C’est à ce moment-là que j’ai remarqué une enveloppe posée sur le sol.

Je l’ai ramassée et je me suis tournée vers Kingsley. « La chambre d’amis est au bout du couloir, il y a une salle de bains en face si tu veux prendre une douche. »

« Merci, Sage. » Kingsley a trimballé ses sacs dans le couloir, et j’ai reporté mon attention sur l’enveloppe vierge.

Je l’ai retournée, et j’ai vu qu’elle était scellée. Peut-être qu’elle était destinée à Roman.

Bien sûr, il devrait y avoir son nom dessus si c’était le cas.

« Pourquoi était-elle sous la porte ? » me suis-je demandé à voix haute en glissant mon doigt sous le rabat pour déchirer l’enveloppe.

Une feuille de papier était pliée proprement à l’intérieur.

J’ai déplié la feuille : « Je te surveille, kleines Kätzchen. »

Mon cœur s’est momentanément arrêté de battre alors que je relisais les mots, encore et encore.

Était-ce une blague ?

J’ai jeté un coup d’œil aux mots écrits à la main. Pourquoi quelqu’un m’écrirait-il un mot comme celui-ci ? Il n’était pas destiné à Roman, il utilisait ce petit surnom pour moi.

Qui avait pu faire ça, et pourquoi ?

Je n’avais pas d’ennemis, plus maintenant. Ils étaient tous en prison, alors qui aurait envie de me menacer ?

J’ai dégluti et j’ai remis la note dans l’enveloppe.

Je ne savais pas quoi en penser et j’avais trop de choses à faire pour y réfléchir davantage.

Une chose était sûre : quelqu’un voulait me faire peur, mais je refusais de vivre dans la peur.