Amis, n'est-ce pas ?

AMIAH

MERCREDI

Plus j'y réfléchissais, plus l'idée des garçons me tentait. Ne serait-ce que pour voir où ça mènerait. Il fallait donc que je voie Theo plus tôt que prévu.

Il a accepté de transformer notre dîner du samedi en déjeuner le mercredi. Je me sentais un peu coupable, sachant qu'il n'y aurait pas de suite, mais je me disais qu'il le méritait bien. Après tout, il ne m'avait jamais invitée à sortir à la fac.

J'avais pourtant été claire sur mes sentiments à l'époque, mais il n'avait jamais franchi le pas. Je me disais que c'était juste un mauvais timing en poussant la porte du café où on devait se retrouver.

J'ai tout de suite repéré Theo au bar. Il m'a souri en me voyant, pas du tout contrarié par mes dix minutes de retard. J'ai enlevé mon manteau en m'approchant, le gardant sur le bras.

« Salut, Theo. » J'ai réajusté la bandoulière de mon sac. « Désolée pour le retard. J'étais débordée au bureau. »

« T'inquiète », dit-il. Il m'a fait la bise. « On prend une table ? »

J'ai acquiescé, puis il a fait signe à une petite serveuse blonde qui nous a conduits à une banquette au fond. Elle a pris notre commande et nous a laissés seuls. Je repensais à notre dernière conversation.

C'était à la fin de l'été après la fac. J'allais entrer en droit, lui partait vivre sa vie. On était très proches tous les quatre jusqu'à ce moment-là. Et puis la vie nous a rattrapés.

Difficile de croire que c'était il y a huit ans. Je l'ai regardé de l'autre côté de la table. À part quelques rides et des cheveux gris aux tempes, il ressemblait au même Theo qu'à la fac. Mais son style vestimentaire avait changé.

Il portait une veste en lin ample sur une chemise en lin transparente, avec un pantalon assorti qui ondulait quand on marchait vers la table. Tout était dans des tons terre, la veste et le pantalon beige clair et la chemise vert pâle.

On est restés silencieux un moment, mais heureusement la serveuse est revenue avec nos boissons.

Theo l'a remerciée et a pris son café. « Ça fait combien de temps que tu bosses chez Heath et Fletcher ? » Il a bu une gorgée.

« Depuis la fin de mes études », j'ai dit en buvant aussi mon thé. « Ils m'ont embauchée juste après mon diplôme. »

Theo a souri et hoché la tête. « Ils ont de la chance de t'avoir. Je suis étonné que Stephan et Clark ne t'aient pas convaincue de les rejoindre. » Il a ri. « Je suis sûr qu'ils auraient bien besoin d'un coup de main juridique. »

Stephan et Clark étaient nos deux autres amis de fac. Après leurs études, ils avaient monté leur propre agence de détectives. Ils étaient restés en ville, donc on se parlait encore souvent. Theo était le seul à être parti.

J'ai ri. « Oh, ils ont essayé. Mais après l'excitation de la fac, j'ai décidé que rester assise à un bureau me convenait mieux. » J'ai posé le sachet de thé sur la petite assiette. « Et toi, qu'est-ce que tu deviens ? À part débarquer au bureau d'anciennes copines pour papoter, je veux dire. »

Il a souri et ses joues ont rosi. « Tu vas peut-être trouver ça bizarre », dit-il en se frottant le cou, « mais je fais dans la thérapie holistique. Je voyage pour donner des conférences. »

« Waouh, c'est vraiment cool », j'ai dit en souriant à la serveuse qui apportait nos plats.

Il avait l'air content que je dise ça. « Oui, c'est vrai. Je viens de rentrer après six mois d'absence. En fait, le jour où je suis passé à ton bureau, c'était le jour de mon retour. »

On a passé le reste du repas à manger et à se raconter des anecdotes. C'était facile de renouer, et j'étais vraiment contente d'avoir maintenu ce rendez-vous avec lui.

Non, ce n'est pas un rendez-vous, je me suis rappelée. J'ai pensé à Levi et Mason, et mon téléphone a vibré dans mon sac à côté de moi. Je l'ai sorti, le laissant sur le siège, et j'ai regardé l'écran.

Ils lisent dans mes pensées ou quoi ? je me suis dit en voyant que c'était un message de Mason dans notre conversation de groupe. « Comment se passe le rendez-vous ? » disait-il.

J'ai regardé Theo, qui racontait une histoire sur son dernier voyage. Il n'avait pas remarqué que je vérifiais mon téléphone. Puis il a vibré à nouveau, et je l'ai mis sur mes genoux pour qu'il ne l'entende pas. J'y ai jeté un coup d'œil rapide quand Theo s'est arrêté pour s'essuyer la bouche.

C'était encore Mason. « Tu tombes amoureuse ? On espère que non. »

J'ai souri, et cette fois Theo l'a remarqué.

« Il s'est passé un truc sympa ? Tu souris », dit-il en posant sa serviette sur son assiette et la poussant sur le côté.

« Ce n'est rien. » J'ai secoué la tête et remis le téléphone dans mon sac. « Juste un pote. »

« En parlant de potes, tu vois souvent le duo de choc ces temps-ci ? » Il parlait de Stephan et Clark.

J'ai secoué la tête. « Pas autant qu'avant, forcément, mais on se retrouve encore chez la mère de Clark pour la plupart des fêtes. Ils voyagent beaucoup pour le boulot aussi. C'est pour ça que Stephan et Violet ont rompu leurs fiançailles. Il n'était simplement jamais là. »

« Oui, j'en ai entendu parler. C'est dommage. Ils allaient bien ensemble. » Theo a regardé autour du café, puis a dit, « Si tu veux bien m'excuser, je dois passer aux toilettes. »

J'ai dit pas de souci et j'ai attrapé mon téléphone dès qu'il s'est retourné.

Theo est revenu, alors j'ai rangé mon téléphone.

« Je devrais probablement y aller », j'ai dit en regardant ma montre. « On peut avoir l'addition ? »

Theo a secoué la tête. « J'ai déjà réglé. »

J'ai penché la tête et froncé les sourcils. « Theo, tu n'aurais pas dû. »

Il a balayé l'air de la main. « Ce n'est rien. Et puis, j'aimerais qu'on remette ça. »

J'ai baissé les yeux sur mes genoux, et il a tout de suite compris ce qui allait suivre. Il a parlé avant que je n'aie à le faire.

« Ah, je vois », dit-il.

J'ai levé les yeux pour m'expliquer, mais il a levé les mains et secoué la tête. Il m'a fait un vrai sourire. « T'inquiète. Pas besoin d'explications. C'était vraiment sympa de rattraper le temps perdu, Amiah. J'aimerais beaucoup qu'on redevienne amis. »

Je lui ai rendu son sourire sincère et j'ai dit que j'adorerais ça aussi. On s'est levés et on a marché vers la porte, puis on s'est fait une rapide accolade avant de partir chacun de notre côté.

En retournant au bureau, j'ai repensé à tout ce qui s'était passé pendant le week-end. En fait, c'était tout ce qui occupait mes pensées depuis trois jours.

Et là, j'ai réalisé quelque chose. Ce qui me tracassait le plus dans ce changement de notre relation, ce n'était pas que ça puisse gâcher notre amitié. C'était que ça ne marcherait sûrement pas.

Mason et Levi étaient faits l'un pour l'autre, alors comment ajouter quelqu'un - même leur meilleure amie - pourrait-il améliorer les choses ? Comment rendre quelque chose de parfait encore meilleur ? C'était impossible. Et ça me rendait vraiment triste.

Cette tristesse m'a accompagnée pour le reste de la journée de travail, et j'avais hâte de retrouver la bouteille de vin bien fraîche qui m'attendait à la maison.